Il y a une impuissance manifeste à s'affranchir des chaînes de la saleté qui dévore nos espaces tel un vautour. Les misères et le poids de son accoutumance nous accablent. Partout des amoncellements putrides. De sacs gorgés de détritus et de salissures aux relents nauséabonds. Les ordures traînent dans tous les endroits. On marche dessus ou on les enjambe. C'est selon. Des bestioles s'en délectent. Sous le regard glacé des passants, un égout vomit depuis des jours entiers des ruisseaux puants. L'atmosphère se charge d'effluves insupportables. L'odorat est agressé. Pestilence dégoûtante qui indispose et installe la gêne et la mauvaise humeur. Spectacle routinier que l'on contemple quotidiennement. D'aucuns s'y résignent de guerre lasse. A quoi bon se tourmenter à battre la paille. On veut s'arracher à ce décor et des « sucs » qui servent à l'agrémenter. Eternel constat que l'on répète fréquemment sans qu'un torrent salvateur et purificateur vienne engloutir ces plaies. Faute de ne pas pouvoir nous délivrer de ce fardeau pugnace, les pouvoirs publics s'évertuent à vouloir tâter le haut de gamme. Sans rire, ils mettent la barre très haut et tentent de nous éblouir avec des concepts savants. Voilà que par le sortilège des mots et du verbe, il est désormais question de développement durable. La belle affaire. Faute d'en finir sérieusement avec, tout ce qu'il y a de préoccupant avec par exemple, cette saleté qui est en passe de devenir un problème national, la force publique brûle les étapes, contourne et élude les faits. Il y a quelque chose de burlesque et de désarmant dans les attitudes et les actes des responsables. Le citoyen souffre avec la saleté. Il en pâtit et désespère de voir un jour ce cauchemar disparaître du paysage. Son bon sens lui commande de ne pas succomber à la « magie » des mots ni à leur charme. Son bonheur serait grand, si on pouvait l'aider à mettre fin à son calvaire. Au lieu de cela, il semble que le « charisme » des concepts soit hautement prisé par la confrérie des « roseaux pensants » qui peinent à juguler un problème qui s'éternise à notre immense désappointement.