Saâdouna se trouve au sud de la localité côtière de Gouraya, qui se situe à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Tipasa. Le douar de Saâdouna a fait parler de lui durant la Guerre de Libération nationale, avant de plonger dans l'anonymat après l'indépendance du pays. Ahmed Noufi, alias Si Abdelhak, né le 29 juin 1932 à Cherchell, un surnom attribué à ce chef commando de l'ALN reconnu pour ses valeurs. Si Abdelhak illustre la droiture, l'intégrité, le patriotisme et l'humanisme. C'est un Algérien hors normes, selon nos interlocuteurs qui étaient sous ses ordres et ses amis. Il n'a jamais reculé dans ses missions. Il a toujours déclaré son sacrifice suprême pour son pays, selon les différents témoins authentiques. Le douar de Saâdouna s'affichait au milieu d'un relief abrupt et une série de montagnes boisées. Il était difficilement accessible durant le Révolution. Ce douar avait reçu la visite inattendue de Noufi Ahmed, un chef commando à la tête d'une cinquantaine de djounoud de l'ALN (Armée de libération nationale). Si Abdelhak avait mené plusieurs embuscades contre l'armée coloniale. Arrivé à Saâdouna dans la nuit, la mission de Noufi Ahmed consistait à organiser les maquis, sensibiliser et mobiliser les populations rurales. Noufi Ahmed était un appelé de l'armée française, avant de rejoindre l'ALN. Il avait appris à manier les armes à feu. «Il était très réservé, un grand sportif», nous déclare son compatriote Yettou Abdelkader, né à Saâdouna (Gouraya) le 23 juillet 1932, que nous avons pu rencontrer en ce début du mois d'août 2016 dans l'arrière-pays de la localité de Gouraya. «J'ai rencontré Noufi Ahmed durant le service militaire, mais le 22 septembre 1954, nous avons été libérés des rangs de l'armée française, et à partir de cette date, je n'ai plus revu Si Ahmed», nous explique Yettou Abdelkader. Le 12 juillet 1956, le détachement de l'ALN arrive à la Kalaâ (Saâdouna), un lieu dominant, soit la veille de l'Aïd El Adha. Des djounoud, émissaires du chef commando Si Abdelhak prennent attache avec les populations rurales de Saâdouna pour les informer d'un rassemblement. Au moment où la foule commençait à prendre du volume, le regard de Si Abdelhak croise silencieusement celui de Yettou Abdelkader. Les deux amis et complices enrôlés dans l'armée française ne comprenaient plus rien de ce qui venait de leur arriver. Chacun n'avait pas prévu cette rencontre au milieu des montagnes boisées. Abdelhak était à la tête du commando et Yettou Abdelkader, fellah, habitait à Saâdouna. Les éléments de l'ALN se sont interrogés sur ces regards croisés entre leur chef du commando et cet habitant de Saâdouna. Le rapprochement entre les deux hommes s'engage très lentement. Chacun essaye de dévisager l'autre, en avançant très lentement l'un vers l'autre. «Abdelkader», déclare Noufi Ahmed. «Oui ya Si Ahmed», réplique Yettou Abdelkader. L'émotion est à son comble. Après de très longues accolades, les deux hommes commencent à discuter de l'objet de la présence des djounoud de l'ALN. La présence de Yettou parmi l'assistance constituait un atout de taille dans la stratégie du chef du commando, Si Abdelhak. L'atmosphère était conviviale entre les djounoud de l'ALN et les citoyens de Saâdouna. Les hommes du douar découvrent l'existence de l'Armée de libération nationale algérienne, d'une part, et d'autre part, ils comprennent l'objectif de leur armée, libérer leur pays du colonialisme français afin de pouvoir jouir de la liberté. Quelques mouvements des soldats français sont observés à partir des cimes du douar Saâdouna. Il y a eu une trahison. Point de panique chez Abdelhak et ses éléments. L'assistance est alors invitée à se disperser pour rejoindre leurs maisons et leurs champs, pour éviter tous les soupçons. Un scénario qui n'était pas prévu par le commando de l'ALN. Les soldats de l'armée coloniale avaient du mal à progresser à travers les longs chemins sinueux au milieu des montagnes, afin d'atteindre le lieu où étaient regroupés les membres de l'ALN avec les citoyens de Saâdouna. Les responsables militaires français avaient opté pour une tactique d'encerclement, afin de nettoyer les lieux. C'est le jour de l'Aïd El Adha de l'année 1956. Le premier groupe de militaires français avait utilisé un citoyen pour les mener vers le lieu du rassemblement. Une ruse de l'armée coloniale. Si Abdelhak avait su organiser l'embuscade pour mieux accueillir ce groupe de militaires français, l'effet de surprise aidant. Les djounoud n'étaient pas suffisamment armés. Les moudjahidine ne disposaient que d'un faible nombre de fusils de chasse et d'une mitraillette de marque allemande détenue par le courageux chef du commando, Si Abdelhak. Celui-ci défiait la mort et savait communiquer avec ses djounoud avant d'affronter l'ennemi, en dépit du nombre important de soldats de l'armée coloniale. Le déploiement de la cinquantaine de commandos de l'ALN et le dispositif mis en place auront permis d'infliger une lourde défaite à ce premier groupe de l'armée coloniale. Aucune perte humaine n'est enregistrée dans les rangs de l'ALN. Abdelkader Yettou est demeuré témoin de cette première embuscade. Il était présent. Le second groupe de militaires français ne tardait pas à atteindre le lieu où s'est déroulé le premier accrochage. Les coups de feu entendus au milieu des montagnes avaient orienté l'officier de l'armée coloniale. Les djounoud de Si Abdelhak se sont déployés en fonction de la direction de leurs ennemis qui marchaient à pied, car les pistes n'étaient pas carrossables. Noufi Ahmed était décidé à en découdre avec le second groupe de militaires français. La riposte est fulgurante. Les tirs des djounoud embusqués dans les bosquets et les forêts n'étaient pas repérés par leurs adversaires. Les militaires français s'acharnent alors contre un citoyen désarmé qui était caché à l'intérieur du mausolée du marabout Sidi Abdelkader à Saâdouna. Le maire français de Gouraya connaissait la victime. C'était un simple jardinier. Dans les poches de la victime, les agresseurs avaient découvert quelques cigarettes. Le cadavre de l'Algérien était criblé de balles, selon le témoignage de Yettou Abdelkader. L'affrontement violent entre les djounoud de Noufi Abdelhak aura duré quelques dizaines de minutes en cet après-midi du 13 juillet 1956, le jour de l'Aïd El Adha. Les soldats français se sont affairés à transporter les cadavres de leurs collègues dans des conditions particulières, ainsi que les blessés, d'autant plus que le crépuscule commence à se lever. Le commando de l'ALN est sorti sain et sauf de ce combat. Si Abdelhak et sa cinquantaine de djounoud, avaient repris leur chemin, pour continuer leur mission. Selon les différents témoignages, le bilan de cette bataille héroïque de Saâdouna (Gouraya), dirigée par Abdelhak Noufi fait état de la mort du jardiner algérien lâchement assassiné par les militaires français et deux blessés civils algériens, tandis que l'armée coloniale aura enregistré la perte d'une soixantaine de soldats. Arrivés au niveau de la stèle de Saâdouna, érigée dans les années 1980, un espace pour immortaliser le lieu de la bataille de Saâdouna, nous avons eu la mauvaise surprise de découvrir une stèle qui ne donne aucune indication historique, hormis la date du…10 juillet 1956. Le témoin encore en vie, Yettou Abdelkader (84 ans), n'a plus revu son ami, Si Abdelhak, devenu un redoutable chef du 1er commando de l'ALN dans la partie ouest de la wilaya de Tipasa et surtout l'un des héros de la guerre de Libération nationale, après avoir tendu une autre embuscade à Lalla Aouda (Beni Mileuk) le 28 février 1957. Un avion de type Piper-Cub, 25 camions de transport des troupes avaient été détruits, en plus de plusieurs dizaines (50) soldats français abattus et la récupération de plusieurs armes de guerre, tel est le bilan de cette autre bataille menée par Noufi Ahmed. Si Abdelhak est mort au champ d'honneur durant cette embuscade. Il suffit d'aller se recueillir sur sa tombe anonyme, pour voir dans quel état se trouve le lieu où est enterré le héros. L'abandon. Noufi Abdelhak était un ancien joueur du MSC avant de devenir chef commando de l'ALN. Il avait infligé des pertes énormes dans les rangs de l'armée coloniale, pour que vivent librement ses compatriotes. Il repose dans le même cimetière où est enterrée l'immortelle académicienne et moudjahida Assia Djebar, ainsi que l'un des premiers militants de la cause nationale, Saâdoun Mustapha. Tous sont oubliés dans leur ville, Cherchell. Leurs œuvres et leurs sacrifices engagés pour l'intérêt de leur pays, l'Algérie, demeurent encore indestructibles, en dépit de la volonté de ces individus qui veulent effacer le riche passé de cette partie de la wilaya de Tipasa de la mémoire collective des jeunes générations.