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«Le rejet : une façon de s'affirmer en stigmatisant l'autre»
Safar Zitoun Madani. professeur en sociologie urbaine à propos des tensions dans les cités de recasement
Publié dans El Watan le 17 - 11 - 2016

Safar Zitoun Madani, professeur de sociologie urbaine à l'université Alger 2, revient dans cet entretien sur les opérations de relogement et les représentations des dangers telles que perçues par les populations.
- Les opérations de relogement créent à chaque fois des tensions, non seulement entre les personnes relogées, mais aussi entre ces personnes et les riverains des cités de recasement. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
La violence et la stigmatisation de l'autre sont des phénomènes assez connus pour un sociologue. La littérature dans ce domaine est très abondante. Depuis les années cinquante, il y a énormément de travaux sur ces questions. Les opérations de relogement chez nous sont particulières. L'Etat algérien a sa manière de faire.
Il a une certaine façon de reloger les gens qui n'existe pas dans d'autres pays. Très peu de pays ont connu ce genre de dispositif. Premièrement, à la différence de ce qu'on constate dans beaucoup de pays, les habitants des bidonvilles en Algérie sont relogés dans des appartements terminés bien équipés et confortables. Ce sont des logements de meilleure qualité. Alors que dans beaucoup de pays dans le monde, ils ont adopté un habitat évolutif.
On donne des parcelles de terrain, des crédits et on aide les gens à construire un noyau habitable. A partir de ce noyau, les gens essaient d'agrandir leur logement au fur et à mesure horizontalement ou verticalement. Donc il y a la nature du logement qui est offert aux habitants des bidonvilles. Deuxièmement, la différence dans le mode de relogement. C'est le relogement par groupe. Ce sont des sites entiers qui sont déplacés d'une manière radicale. On prend une population logée dans un site pour l'installer en entier dans un autre site. Le relogement se fait donc très rapidement Ce sont des opérations quasiment militaires. Les autorités locales sont mobilisées.
Ce qui est particulier dans ce système de relogement est que les résidants des bidonvilles ne connaissent pas leur point de chute, (leur site d'accueil). Ce n'est qu'au dernier moment qu'ils sont «mis au parfum». Les gens actionnent de fait leurs réseaux qui sont au niveau des APC pour avoir des informations sur leur site de relogement. Pour le troisième aspect, les relogements se font dans des sites d'accueil, où parfois les populations sont mélangées, c'est-à-dire que ce ne sont pas les habitants d'un même bidonville qui sont relogés dans un même endroit, mais plutôt plusieurs habitants issus de sites différents et qui sont mis dans une situation de «vivre- ensemble».
Là aussi, ce qui est particulier, c'est que la distribution des logements se fait de manière administrative : on envoie des gens dans tel site dans tel endroit et dans tel immeuble. Ce qui fait que les gens se retrouvent dans les nouveaux sites pas mélangés de manière régulière, mais c'est un mélange qui oppose des groupes. Des enquêtes que nous avons menées montrent que les gens ont ce très fort sentiment qu'ils sont mélangés, c'est-à-dire qu'ils ne sont plus entre gens qui se connaissent, mais la nouvelle situation résidentielle les met face à des gens qu'ils ne connaissent pas.
Cette façon de faire (des pouvoirs publics, ndlr), c'est-à-dire les relogements par sites et le regroupement des résidants dans de nouveaux sites d'accueil qui hébergent souvent des gens issus d'horizons différents, crée des situations de cohabitation entre groupes qui sont complètement nouvelles. Une fois qu'ils sont en place, ils sont obligés d'inventer de nouveaux liens avec les autres, ce qui peut parfois créer des tensions énormes du fait que ces nouveaux ensembles sont complètement nus. Ils n'ont de sens qu'une fois les gens installés. Ce sont des sites dépourvus d'histoire.
Ces gens viennent des habitats aux rez-de-chaussée où il n'y a pas d'espaces de partage (pas d'étages, pas d'escalier). On enregistre aussi un changement de vie, des gens qui habitaient des baraques à ras de terre se retrouvent dans une façon de vivre verticale dans des logements avec escaliers, ainsi et à partir du moment où ils partagent les mêmes escaliers et les mêmes entrées, ils sont appelés à trouver de nouvelles façons de vivre dans ces espaces et de se les partager. Et cela crée des tensions extrêmement importantes.
- D'où vient ce phénomène de rejet de l'autre ?
Nous avons fait des travaux, les sites que nous avons étudiés ne sont pas peut-être représentatifs de l'ensemble des sites de relogement. Ces gens qui viennent de bidonvilles différents et de quartiers différents sont porteurs de représentations. Les représentations d'eux-mêmes comme étant des gens ayant des qualités : par exemple, quand on a fait une étude des gens de Diar El Kaf, ces derniers se considèrent qu'ils sont plus citadins que les gens venus de bidonvilles de Boumati.
Un bidonville où il n' y a que les gens qui viennent du bled. Ils se représentent comme étant porteurs de qualités différentes, parfois supérieures, par rapport aux autres. Cette représentation est le résultat d'une histoire. Les bidonvilles ont aussi une histoire. Ce sont des gens qui sont installés depuis parfois très longtemps et qui ont développé des réseaux entre eux, ce sont des gens qui se connaissent et qui viennent parfois de la même région. Ce sont des gens qui ont des rapports avec l'administration (plusieurs émeutes avant leur relogement).
Ces gens-là possèdent une identité urbaine qui leur est propre. Lorsqu'ils sont installés dans leur site de relogement, ils font face à des gens qui ont une histoire différente. C'est à ce moment-là que la situation de vivre-ensemble dans les grands ensembles crée des situations de tension. Les gens qui viennent de La Casbah ou de Bab El Oued considèrent qu'ils ont une citadinité supérieure à ceux qui viennent d'ailleurs.
- C'est cette représentation qui fait qu'ils rejettent de vivre avec les autres ?
Ils sont obligés de vivre ensemble. Le rejet est d'ordre symbolique. Ce n'est pas tout à fait le rejet de l'autre, mais c'est une façon aussi d'affirmer son existence en stigmatisant l'autre. On n'est pas dans le rejet, mais plutôt dans le refus d'être classé dans la même catégorie symbolique que les autres. Les gens essayent de se différencier. Dans les grands ensembles ils ne veulent pas se fondre dans le même moule en s'attribuant des qualités supérieures.
- C'est aussi le cas des riverains des habitants de ces grands ensembles…
Ça c'est un autre problème. Pour les riverains qui voient ces populations nouvelles affluer, il y a toute une idéologie. Dans l'imaginaire collectif que tout le monde partage, les gens qui vivent dans des bidonvilles sont des gens qui ont des comportements criminels. Mais là aussi ce n'est qu'une représentation que les gens se font de ce qu'on appelle les classes dangereuses.
Selon les statistiques, les gens qui habitent dans des bidonvilles n'ont pas un taux de criminalité plus élevé que les gens qui habitent à côté. Il y a des bidonvilles à Alger où le phénomène de délinquance est beaucoup moins élevé que dans d'autres quartiers. C'est la représentation du danger que portent ces populations marginales qui viennent de s'installer qui provoque ce phénomène du rejet.
En plus, ces populations qui s'installent dans de nouveaux sites sont des populations concurrentes. Parce que les ressources qui sont sur place, (l'emploi, notamment informel) sont assez réduites. On ramène de gens dans des endroits où les écoles ne suffisent pas, les rues ne suffisent pas… Ce sont des populations entières qui viennent en masse concurrencer celles qui sont sur place. Ces derniers, notamment ceux qui travaillent dans l'informel, considèrent que le territoire qu'ils occupent leur appartient. Ce sont des questions très complexes, cela dépend des endroits, des considérations d'ordre géographique. Prenons l'exemple du site de relogement de Sidi Hammad.
Ce site se situe au pied des montagnes du côté de Larbaâ (Blida). C'est un énorme centre de relogement : 3350 immeubles. C'est un centre qui était excentré par rapport à la commune de Bouinan, qui est juste à côté. Un site en pleine campagne, loin des villages à côté. Malgré cela, on a enregistré des cas de violence : les marchands de légumes venus des villages à côté ont été chassés d'une manière très violente par les habitants du site qui considèrent que le nouveau site leur appartenait.
Les déclics qui mènent aux actes de violences sont différents. Il n' y a pas de règles générales ou de lois explicatives. Il n'y a que dans les idéologies qu'il y a ce qu'on appelle le fantasmes de la violence. Ce fantasme existe même chez les gens de l'administration. Une fois on a été sollicité pour faire une étude sociologique et dans le cadre de référence, il y avait cette conception que la criminalité est inhérente aux bidonvilles. La criminalité n'est pas synonyme de bidonvilles.
Des études à l'échelle internationale qui ont été faites par l'Organisation des Nation unies ont montré que cette relation de cause à effet entre les conditions difficiles, la concentration des populations et la criminalité n'est pas évidente. Des fois c'est vrai, il y a, par exemple au Brésil, les favelas, qui sont des lieux contrôlés par des bandes de criminelles. Ce sont des zones de non-droit, où l'Etat est absent. Alors qu'ici en Algérie il est possible qu'il y ait des phénomènes de ce type, à Constantine, par exemple. Mais il faut faire attention de ne pas faire l'amalgame entre criminalité et bidonville.


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