Pas moins de 500 syndicalistes ont improvisé une marche et un sit-in hier pour tirer la sonnette d'alarme quant aux difficultés que traversent certaines entreprises en raison de la politique d'austérité. Après le secteur du bâtiment et des travaux publics, les effets pervers de la politique d'austérité commencent à se faire sentir chez les travailleurs et les entreprises publiques économiques. Hier, plus de 500 syndicalistes de la zone industrielle de Rouiba ont organisé une marche, suivie d'un sit-in pour dénoncer «la situation désastreuse que traversent de nombreuses entreprises publiques en raison du manque de plan de charge et du non-payement des créances qu'elles détiennent auprès de l'Etat». Les protestataires s'élèvent aussi contre «l'érosion du pouvoir d'achat des travailleurs, les menaces qui pèsent sur leurs acquis ainsi que la hogra qu'ils subissent de la part de certains patrons privés». «L'action d'aujourd'hui se veut un cri de détresse et en même temps un avertissement au gouvernement qui continue d'ignorer les doléances des travailleurs. La situation est grave. La colère des travailleurs a atteint son paroxysme et nous déclinons toute responsabilité quant à ce qui pourrait survenir à l'avenir», s'est exclamé Mokdad Messaoudi, le secrétaire général de l'union locale (UGTA), qui regroupe 86 sections syndicales au niveau de la zone industrielle de Rouiba. L'état endetté auprès des entreprises Longtemps ignorée et minimisée par le gouvernement, la crise financière que traverse le pays aura mis toutes les entreprises – plus 75 unités employant 32 000 personnes – de la zone en difficulté. «L'entreprise publique hydrotechnique n'a pas payé ses 2000 employés depuis deux mois en raison du manque de crédits de payement. L'Etat a une dette de 3 milliards de dinars envers cette entreprise. Cette société ne peut plus mener ses projets à terme ni même s'acquitter de ses charges vis-à vis du fisc», a expliqué M. Messaoudi lors du sit-in organisé devant le siège de ladite entreprise. Selon lui, si rien fait n'est dans les jours à venir, toutes les sociétés de l'hydraulique et des travaux publics du pays vont se retrouver dans la même situation. «Non seulement on ne les paye pas, mais on les accuse de ne pas obtenir de bons résultats. Tout cela est fait dans le but de justifier leur privatisation à l'avenir», a-t-il encore ajouté d'une voix rauque. L'orateur a dénoncé également les faveurs accordées aux entreprises privées dans l'octroi des marchés, précisant détenir mêmes des dossiers justifiant ses dires. «Nous ne sommes pas contre le privé qui crée de la richesse et respecte les lois de la République, mais contre ceux qui ne possèdent pas une convention de travail, un comité de participation, une section syndicale et qui ne déclarent pas leurs employés à la CNAS. Le problème est que ce genre de privé est une denrée rare dans notre pays», a-t-il regretté. Tout en acclamant son discours, son auditoire réclame des actions plus radicales pour se faire entendre. M. Messaoudi, lui, joue l'apaisement, mais avertit que le syndicat de Rouiba ne pourra pas rester éternellement «une sorte de pare-chocs» entre les travailleurs et le gouvernement. Situation critique à la SNVI Un syndicaliste de la SNVI, lui, a exprimé ses inquiétudes concernant la nouvelle mouture de la loi du travail. «Cette loi constitue une véritable menace contre les acquis des travailleurs et les libertés syndicales. Elle donne tous les droits aux patrons. Ces derniers peuvent licencier quand ils veulent. Le travailleur sera réduit à l'esclavage et n'aura même pas le droit de faire grève», a-t-il alerté, avant de dénoncer l'érosion du pouvoir d'achat des travailleurs. «Le SNMG est stagné à 18 000 DA depuis 2015, alors que tous les produits ont augmenté. Les patrons ont obtenu tout ce qu'ils avaient souhaité. Il n'y a que les travailleurs qui ne sont pas entendus», s'est-il écrié. Selon lui, la situation demeure toujours critique à la SNVI, soulignant que la production peine à démarrer, malgré le changement du PDG du groupe en décembre dernier. «Le problème du dédouanement de la marchandise que nous importons pose toujours problème. Nous n'avons plus de quoi payer les taxes douanières et nos fournisseurs. Tout est bloqué. Nous avons des camions qui attendent d'être livrés depuis plusieurs mois en raison du manque de quelques pièces. En 2006, nous avions fabriqué 604 véhicules alors qu'on devait en faire 2038. Durant ce premier semestre 2017, on n'en a monté que 230, soit moins de 15% de l'objectif tracé. Si les choses évoluent ainsi, on n'aura même pas de quoi payer les employés», a-t-il prévenu. Avant de se disperser vers 11h, certains syndicalistes avouent ne pas pouvoir absorber la colère des travailleurs. La zone semble sur un volcan et d'aucuns prédisent un mouvement de colère aux conséquences incalculables à la moindre étincelle.