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«Tant que l'oppression politique existe, la littérature kabyle sera très marquée par le combat»
Nasserdine Aït Ouali. Critique littéraire
Publié dans El Watan le 13 - 07 - 2017

Docteur en littérature française, dont la thèse soutenue en 2012 à Paris VIII, «Coluche : politique et comique», Nasserdine Aït Ouali décrypte dans cet entretien les raisons historiques et politiques qui ont retardé l'émergence d'une littérature d'expression kabyle écrite.
- Avec le livre intitulé L'écriture romanesque kabyle d'expression berbère, paru en 2015 aux éditions l'Odyssée, vous avez publié le premier travail d'analyse littéraire de cette importance d'une production romanesque, qui, pourtant, n'en était pas tout à fait à ses débuts, comme vous l'expliquez dans votre ouvrage. Pouvez-vous nous dire un mot à propos de la genèse de L'écriture romanesque kabyle ?
Avec la publication de Lwali n wedrar (Le saint tutélaire de la montagne) en 1946 par Belaïd Aït Ali, c'était l'acte de naissance de la littérature romanesque d'expression berbère qui venait d'être signé. Certes, ce récit avait été publié par son auteur comme un conte, mais les spécialistes s'accordent à le considérer, depuis quelques années, comme le premier roman kabyle d'expression berbère. Belaïd Aït Ali a été le précurseur de ce genre, sans avoir eu l'intention de l'être.
En fait, Lwali n wedrar est un proto-roman. Sa structure narrative est simple. Le récit rappelle le conte, on «devine» que l'auteur a été inspiré par des contes pour construire son récit. Au niveau des personnages, il y a aussi une forme de simplicité dans la construction. Pourtant la culture littéraire de l'auteur qui apparaît en filigrane est aussi intéressante qu'universelle : Rabelais, Cervantès, etc.
C'est peut-être cela qui a fait que, même si ce n'était pas son intention, Belaïd Aït Ali a composé un récit qui est un roman, même s'il est primitif. Il a fallu attendre 35 ans pour que la parution des romans des pionniers commence avec la publication de Asfel, de Rachid Aliche en 1981, une année après le Printemps berbère. Askuti, de Saïd Sadi, paraît en 1983 et se réfère à certaines dimensions de cet événement important dans la revendication identitaire amazighe. Il a été réédité en 1991 et 2016. Asfel n'a pas été réédité depuis sa parution en France.
Rachid Aliche a réédité son deuxième roman, Faffa, en 1990, en Algérie, après sa première publication en France en 1983. Asfel a une particularité dans le roman d'expression kabyle : c'est le seul qui appartienne à la catégorie «Nouveau roman». Et c'est peut-être ce qui a fait son infortune auprès des lecteurs kabyles. Ces deux auteurs n'ont pas publié d'autres romans.
Parmi les pionniers de la littérature romanesque kabyle, seul Amar Mezdad a continué à produire des romans et nouvelles. Il avait terminé son premier roman, Idh dhwass (La nuit et le jour), en 1983, mais il a dû attendre 1990 pour l'éditer. Son dernier roman, Yiwen wass deg tefsut (Un jour de printemps), est paru en 2014.
- Pourquoi une émergence aussi tardive ?
Les conditions historiques et politiques ont fait que tamazight n'a pas pu avoir une littérature écrite. La langue a pâti de ces conditions historiques et politiques. Tamazgha a été soumise à des invasions et occupations successives depuis les guerres puniques. Les envahisseurs et occupants ont imposé comme langues officielles les leurs. La langue du dominé est toujours suspecte de véhiculer de la mémoire et de la subversion : l'envahisseur fait tout pour l'anéantir en même temps que la mémoire du peuple soumis. Les impérialismes religieux ont accompagné ces politiques coloniales quand elles ne les ont pas imposées. Le latin a été imposé par l'Eglise et l'arabe par l'islam.
Il ne restait plus pour le berbère que les montagnes et l'oralité comme refuges. Tout cela a empêché le développement d'une écriture amazighe et l'émergence d'une littérature écrite qui aurait permis de sauvegarder cette langue qui devait se parler dans toute Tamazgha, même s'il devait exister des variantes comme dans toutes les langues qui se pratiquent sur de vastes territoires dans les mêmes conditions socio-politiques.
L'absence d'une littérature écrite a fait que le tamazight de nos ancêtres n'est plus parlé, mais il a donné naissance à des langues amazighes, même si cette réalité linguistique n'est pas acceptée par tout le monde pour des raisons affectives, politiques ou idéologiques. Aujourd'hui, une littérature écrite émerge et se développe dans certaines de ces langues comme c'est le cas de la production romanesque kabyle.
- Qu'en est-il de l'évolution qualitative de cette production romanesque ?
L'écriture des pionniers est d'une qualité littéraire indéniable. D'ailleurs, Amar Mezdad et Salem Zenia continuent de régaler leurs lecteurs avec d'excellents récits. Le développement de cette littérature incite de plus en plus de gens à l'écriture romanesque, avec plus ou moins de réussite. L'absence d'une critique littéraire constructive et d'une édition professionnelle et performante ont constitué un obstacle pour le développement qualitatif de cette production romanesque. Mais c'est sans doute un passage obligé pour cette très jeune littérature.
Avec un retour critique constructif, il y a des auteurs qui auraient pu développer leurs aptitudes et produire des textes de très bonne qualité littéraire. Cette situation a causé la production d'un certain nombre de récits publiés comme romans, qui constituent en fait une anomalie éditoriale au niveau générique. D'autres textes édités comme romans ou nouvelles présentent des insuffisances sérieuses au niveau narratif, poétique, ou même linguistique.
L'absence d'un «filtre» (littéraire et esthétique) éditorial favorise aussi ce développement. C'est dommage pour toute l'énergie dépensée pour de tels résultats. Il ne s'agit pas de dénier le droit d'écrire et de publier pour qui que ce soit : la liberté d'expression, de création et de publication doit être portée avec tout le respect qu'elle mérite, c'est ce gâchis qui est déplorable. Cela pose aussi le problème de la référence pour les générations futures d'écrivains.
Malgré cette situation difficile, des romans et des nouvelles de très bonne qualité paraissent. Il y a une diversification thématique qui multiplie les centres d'intérêt pour le lecteur tout en faisant évoluer cette littérature vers plus d'universalité, même si la revendication identitaire et l'histoire continuent d'occuper une place très importante dans cette écriture.
Tant que le déni identitaire institutionnel et l'oppression politique existeront, cette littérature sera très marquée par le combat que reflètent les auteurs dans leurs œuvres pour la reconnaissance et l'existence. La réception étant un facteur déterminant dans l'évolution de toute production littéraire, est-ce que l'écriture romanesque kabyle trouve des échos auprès des lecteurs en général ?
Dans un pays où la lecture commence à devenir une pratique étrange et les lecteurs des créatures d'un autre temps, la littérature kabyle souffre du manque de lectorat beaucoup plus que la littérature arabe ou francophone. Théoriquement, le potentiel de lecteurs pour la production romanesque kabyle est beaucoup plus faible que le potentiel arabophone ou francophone. Le nombre de titres publiés en kabyle est insignifiant devant la production arabophone ou francophone.
Les difficultés de l'édition et de la distribution amplifient le problème du lectorat. Le fait que le plus illustre des romanciers kabyles, Amar Mezdad, édite à compte d'auteur est une illustration de l'état de l'édition de la littérature kabyle. La plupart des parutions relèvent de l'auto-édition. Cela complique la distribution, qui fait appel alors au «système D». Cette production n'est pas rentable pour les éditeurs privés.
Pour les éditeurs publics, l'essentiel des publications se fait au HCA. Ce qu'édite cette institution est introuvable en librairie mais disponible en ligne. On note une défiance des auteurs reconnus envers les éditions du HCA : on ne trouve pas leurs publications dans leurs catalogues. L'absence de critique professionnelle dans les médias et la rareté de l'analyse au niveau universitaire ne favorisent pas la promotion de la fiction romanesque kabyle auprès du grand public et du monde estudiantin.
- On a l'impression que cette littérature fait face à de nombreux problèmes…
Ces difficultés sont dues aux conditions historiques et à la dimension idéologique de la langue dans la politique menée par les clans au pouvoir depuis l'indépendance de l'Algérie. Et la littérature le subit. Ce qui est présenté comme des avancées au niveau institutionnel depuis quelques années est en réalité truffé de pièges. La constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale puis officielle est une arnaque politique : tamazight est une langue dotée d'un sous-statut puisqu'elle n'est pas «langue officielle de l'Etat» au même titre que l'arabe.
Tamazight n'est pas une langue de travail dans l'administration et son enseignement est toujours facultatif. La moindre rencontre scientifique ou littéraire que proposent les associations dans les structures publiques est soumise à l'autorisation des autorités administratives et policières, car cela est assimilé à une activité politique !
TV4 qui était censée répondre à une revendication légitime est un «cheval de Troie» arabo-islamiste dans les foyers amazighs. Le projet d'une académie pour fabriquer une novlangue amazighe est un piège mortel. Même le timbre émis en janvier 2017 pour commémorer le premier anniversaire de l'officialisation de tamazight est d'une conception scandaleuse.
Pour contribuer au développement de la littérature amazighe, les relais du pouvoir politique continuent de polluer l'espace par un débat inutile et stérile sur les caractères de transcription. Ils font un travail remarquable pour la promotion de la médiocrité dans la recherche et la création littéraire. Ainsi, après deux éditions, le Prix Assia Djebar, institué par le Salon du livre d'Alger, semble le concours de la pire œuvre littéraire amazighe de l'année pour l'ériger comme modèle dans le roman kabyle.
Et comme politique officielle de promotion et de diffusion, il y a l'interdiction de cafés littéraires ! Vous ne pensez tout de même pas que ceux qui ont œuvré toute leur vie à l'anéantissement de cette langue vont, par miracle, se muer en artisans et défenseurs de son développement et de son épanouissement !
- Peut-on espérer que cette littérature puisse s'épanouir à l'avenir, quand on connaît toutes les difficultés qui entravent sa production propre, en plus des problèmes auxquels fait face la littérature en général ?
Heureusement que cette littérature peut compter sur l'engagement militant et l'abnégation de beaucoup d'auteurs qui produisent des œuvres de qualité, qui éditent souvent à leur propre compte et qui affrontent toutes les autres difficultés avec une certaine réussite. La contribution aussi de tous ceux qui achètent ces productions et les lisent est aussi importante. Les réseaux sociaux permettent d'informer et de s'informer en partageant ce qui se fait dans cette littérature.
Malgré toutes les difficultés et obstacles, il y a de plus en plus de gens qui investissent l'écriture, la lecture et la critique de la littérature kabyle et cela représente son poumon, car la conviction et l'engagement militant n'ont pas de prix. Cela se traduit par une édition plus abondante et une offre de lecture plus diversifiée, ce qui permet aux chercheurs l'accès à des corpus de plus en plus intéressants et de meilleures opportunités pour la production scientifique.


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