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L'envers de la corruption
Publié dans El Watan le 02 - 12 - 2006

La corruption -c'est aujourd'hui un fait désormais bien établi- a atteint en Algérie des seuils très élevés. Les préjudices causés au Trésor public par les affaires de corruption de ces dernières années suffisent, par leur ampleur, à en donner un aperçu, fût-ce des plus liminaires.
Si le solde n'est ni précis ni exhaustif, il n'en demeure pas moins suffisamment éloquent pour éveiller une prise de conscience. Qu'est-ce qui devrait cependant susciter le plus d'inquiétude : le coût des transactions corruptives qui se chiffre à plusieurs dizaines de milliards de dollars ou l'indifférence quasi généralisée du corps indivisément social et politique à l'endroit du fléau ? Davantage que le préjudice causé, c'est la banalisation du mal qui devrait alarmer le plus, tant elle se rapporte aux fondements éthiques d'une communauté. Partant de là, la corruption devrait être traitée comme un problème politique majeur. Ici surgit un constat, celui du décalage, à tout le moins paradoxal, entre la gravité du problème et la tolérance dont il fait l'objet. La corruption est aussi un problème de connaissance. Un deuxième constat s'impose ici : en dépit de la profusion des travaux consacrés au phénomène, de l'étude des « machines politiques » en Amérique à celle du makhzen au Maroc, la corruption en Algérie reste peu ou pas étudiée en sciences sociales ; l'absence d'éclairages savants venant, s'il en était encore besoin, accroître l'obscurité de l'objet. Les difficultés du terrain et la peur des représailles ont de quoi dissuader plus d'un. La mort tragique de Belardiouh -le correspondant d'El Watan à Tébessa- a, il est vrai, de quoi inhiber les esprits, même les plus fougueux… Car corruption et crime organisé avancent souvent d'un même pas, l'un prospérant à l'ombre de l'autre. En attendant que la politique devienne, en Algérie, une affaire publique qui soumet les gouvernants à l'impératif de la transparence, la presse écrite demeure un des rares recours restants. Avec ses révélations sur l'instruction de l'affaire Khalifa, le rapport de l'IGF sur Brown Root & Condor ou celui de la Cour des comptes sur la gestion de la wilaya d'Alger -pour ne citer que ces affaires- fournissent des éléments précieux pour l'intellection. Si pour les raisons ci-devant évoquées, il s'avère des plus malaisés de quantifier le niveau de corruption qui se répand en Algérie, il est en revanche possible, en contournant cet obstacle, d'analyser les conséquences de la dissémination du phénomène. La plus visible d'entre-elles est sans doute la banalisation du phénomène lui-même, la routinisation du fait social générant de proche en proche la baisse de sa condamnation morale. L'institutionnalisation de la pratique est par ailleurs telle que le système récompense ceux qui agissent dans le noir ou le gris des transactions corruptives et pénalise a contrario les agents administratifs qui restent attachés, vaille que vaille, aux normes juridiques ou morales de la probité. Dans son célèbre ouvrage Bonheur privé, action publique, Albert Hirschman interprète ce phénomène comme un effet de compensation des insatisfactions procurées par l'action d'intérêt public. Dans une économie basée non pas sur la création des richesses et la re-distribution de la plus-value mais bien plutôt sur la distribution de la rente en bénéfices (allocations), le phénomène de la généralisation de la corruption peut aussi se lire comme une recherche de rente. En effet, dans une configuration pareille, il s'avère plus rationnel aux agents sociaux de monnayer leur pouvoir (de signature) et d'accéder à des rentes de situations (monopoles), qui pour une « tchippa » (commission), qui pour des « cadeaux », qui pour échange de services rendus, etc. Les chaînes de complicités tissées par Khalifa ou Zenjabil -l'ainsi nommé « Pablo Escobar algérien »- sont édifiantes l'une que l'autre ; elles attestent, chacune de son côté, de l'existence d'une spirale de corruption descendant des cimes de l'Etat au ras du sol social dans laquelle chacun semble trouver son compte. Or, c'est là l'autre conséquence ultime de la généralisation de la corruption : le dépérissement de l'éthique de l'intérêt public ou le cynisme. Dans un système de gouvernement basé sur l'autoritarisme, le clientélisme et la rente, le cynisme devient pour ainsi dire l'économie de base des rapports gouvernants/gouvernés : au cynisme des gouvernants s'employant, par la distribution de la rente et la clientélisation de la société, à affaiblir les sujets répond en échos le cynisme des gouvernés cherchant, par la prédation, à maximiser leurs gains sans se soucier du reste. Stanislas Andreski, un des pionniers parmi les politologues à avoir analysé les conséquences de la corruption politique, est parvenu dans son étude sur l'Amérique latine de la fin des années 1960, à une conclusion atterrante : lorsqu'une société se laisse infiltrer par des relations de parasitisme, le choix qui s'impose aux agents est de « dépouiller ou de se faire dépouiller » (« Once a society is pervaded by parasitic exploitation, the choice is only to skin or to be skinned »). Si le rapport social dominant dans l'Algérie d'aujourd'hui n'est pas identique, trait pour trait, à celui-ci, il n'en est pas bien loin comme nous le rappelle constamment la devise populaire « tagh ala men tagh » (c'est au plus fort). Depuis la pénétrante analyse de John Waterbury sur le système politique du Maroc de Hassan II, on sait désormais que la corruption n'est pas seulement un phénomène ancillaire qui accompagne, de façon plus ou moins endémique, le développement d'une communauté politique, mais peut-être aussi un effet souhaité, recherché, planifié. Que reste-il cependant à gouverner lorsque la corruption, planifiée au départ, finit par détruire les liens sociaux sur lesquels agit le gouvernement ? Peut-on encore parler de société lorsque l'éthique de l'intérêt public perd toute efficience ?

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