«Notre village est marginalisé. On ne voit rien venir des pouvoir publics depuis des lustres», fulmine un jeune du village d'Ath Kouffi, dans la commune de Boghni, à 50 km au sud de Tizi Ouzou. Il était en train d'orienter le conducteur d'engin qui s'affairait à réaliser les travaux d'élargissement de la route qui mène vers le site touristique de Talla Guilef, via la même bourgade. Il nous fait savoir, d'emblée, que ce projet est l'œuvre de la population locale qui a décidé de se prendre en charge. Notre interlocuteur est visiblement très content de notre passage. Il ne cessait, d'ailleurs, de nous faire part des déboires des citoyens de cette contrée perchée sur les monts du Djurdjura. «Les habitants de ce village aux 375 martyrs sont livrés à eux-mêmes sans aucune réelle prise en charge des autorités concernées. Ils se sont rendu compte qu'il ne faut compter que sur soi-même pour venir à bout des problèmes de la population», nous a-t-il fait remarquer avant de contacter le président du comité de village. Il s'appelle Rachid Mammeri. Un quinquagénaire, fils de chahid et retraité de l'éducation. «Nous sommes habitués à ce genre d'actions», nous dit-il. Selon lui, de nombreux travaux ont été réalisés pour entretenir le village. La générosité des habitants n'y est pas étrangère. Tout le monde met la main à la pâte. Il le fallait d'autant plus que cela encourage la cohésion à toute épreuve. La route en question date de l'ère coloniale, mais elle est très étroite et difficilement carrossable. D'ailleurs, plusieurs accidents ont eu lieu sur ce tronçon, a-t-il souligné, avant de rendre hommage à tous ceux qui contribuent à la réalisation de ce projet, dont des jeunes du village, à l'image de Zouhir Mammeri qui veille sur l'avancement des travaux. Zouhir est très actif et, surtout, il tient véritablement à ce projet. «La mobilisation a commencé par un petit groupe et sur les réseaux sociaux. Ensuite, tous les villageois ont adhéré à cette action pour s'y entraider. Nous avons vu que notre village enregistre un grand retard dans ce genre de réalisations. Puis, nous avons décidé de prendre notre courage à deux mains pour sortir de l'enclavement. C'est là que la mobilisation s'est manifestée de manière vraiment magistrale», nous confie Zouhir avec un air de satisfaction et de reconnaissance à l'égard de ses concitoyens qui ont mis la main à la poche pour contribuer financièrement à cette initiative. «Les fonds nécessaires à cette opération ont été collectés, sous forme de cotisations, auprès de la population locale et les contributions des émigrés du village établis en Europe, au Canada ainsi qu'aux Etats-Unis», informe-t-il. La population d'Ath Kouffi (9000 habitants) a ainsi renoué avec les traditions ancestrales faites de solidarité et d'entraide pour le bien-être commun. Des volontariats d'envergure sont organisés de manière à rester dans le sillage de la mobilisation. Il y a des équipes qui se relayent quotidiennement et travaillent bénévolement. Il n'ya que les conducteurs d'engin qui sont rémunérés. L'estimation financière du projet est de 8 milliards de centimes et l'objectif recherché par cette initiative vise également à développer le tourisme de montagne, vu que le village n'est pas loin du site féerique de Tala Guilef. Enfin, après des années d'isolement, les Ath Kouffi veulent sortir du «ghetto» et améliorer leur cadre de vie.