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«Les décisions judiciaires sont prises pour préparer les carrières politiques»
Me Nasreddine Lezzar. Avocat spécialiste en droit international et droit des affaires
Publié dans El Watan le 20 - 11 - 2017

- Dans le cadre de l'affaire de corruption internationale Sonatrach 2, l'Algérie avait sollicité, en juin 2013, la coopération de la Confédération helvétique en vertu de l'accord d'entraide judiciaire, conclu entre les deux pays en juin 2006 et en vigueur depuis décembre 2007. Les comptes secrets détenus par Chakib Khelil et Farid Bedjaoui, les deux principaux accusés, étaient au cœur de l'entraide judiciaire sollicitée par l'Algérie. Nous avons appris que le MPC a fourni «les éléments de preuve» demandés et «archivé la procédure d'entraide» il y a plus d'une année. Ces éléments de preuves fournis par la Suisse sont-ils à décharge, c'est-à-dire disculpant M. Khelil des faits dont il était accusé ? Comment cela peut-il s'interpréter, juridiquement parlant ?
Il faut, tout d'abord, lever les incompréhensions induites par la rédaction. La formule, qui a fourni les preuves qui laissent transparaître en filigrane qu'il y a une trace de la commission des délits «archiver la procédure», signifie que les autorités suisses n'ont plus aucun élément à ajouter.
Cela ne veut pas dire que Chakib Khelil est déclaré coupable ou innocenté, car les autorités suisses n'ont pas été saisies pour le jugement. L'objet de la saisine est la fourniture de l'aide judiciaire pour la récupération d'informations ou de preuves de la commission de délits ou de crimes détenues par des banques suisses.
En matière d'entraide judiciaire internationale, les juridictions, dont l'aide est demandée, ne doivent pas interférer sur le fond du dossier, ni s'ériger en juridiction d'orientation, de contrôle ou de censure de juridictions de l'Etat requérant. Ils se limitent à fournir les informations demandées ou les refuser. Il appartiendra aux autorités judiciaires de l'Etat requérant, saisi du dossier, de tirer les conclusions et de rendre le jugement.
- D'après vous, serait-ce sur la base des conclusions de la procédure d'entraide apportée par les autorités judiciaires suisses que le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a «jugé» que Chakib Khelil était victime d'une «terrible injustice» ?
Le contenu des conclusions, ou plutôt des informations, communiquées par les autorités suisses n'a jamais été révélé et à ma connaissance, seules les autorités suisses ont communiqué d'une façon très laconique sur ce dossier. Ils se sont limités à dire qu'elles ont donné suite à cette demande sans s'étaler sur le contenu, ce qui est tout à fait normal, car en la matière, c'est à l'Etat requérant (l'Algérie) de décider de l'opportunité de lever le secret judiciaire et de publier ces informations pour rétablir la crédibilité et la respectabilité des institutions. Donc, je ne pense pas que ces informations non publiées puissent servir de base sérieuse à cette conclusion.
Dans une affaire de cette dimension financière, économique, politique et morale, un jugement devient un droit réclamé par l'accusé. Seul un jugement équitable rendu sur la base de tous les éléments du dossier et dans lequel Chakib khelil sera défendu, de la plus correcte des façons, permettra de dire que ce dernier est «victime d'une terrible injustice».
En outre, au lieu de s'apitoyer sur les injustices faites à Chakib Khelil, Ouyahia devrait faire son examen de conscience quant aux tragédies vécues, sous son règne, par les cadres des entreprises publiques incarcérés pendant plusieurs années puis innocentés. Et puis je ne pense pas que cela soit un argument probant. La position des autorités suisses en l'espèce se limiterait à une communication des informations. Ce qui ne constitue pas une preuve de culpabilité ou d'innocence.
Par ailleurs, la formule sibylline et laconique a «fourni des preuves», sans attester formellement, laisse supposer l'existence d'éléments tendant à établir la culpabilité. Aussi, ces informations qui pourraient ne pas être suffisantes, ne sont pas les seuls éléments ou les éléments déterminants et exclusifs d'un dossier aussi complexe, car s'agissant d'une criminalité transfrontalière. Ceci dit, en dehors d'un jugement établissant la culpabilité, Chakib Khelil est présumé innocent.
- Malgré tout ce que vous venez dire, le SG du RND est allé encore plus loin dans son plaidoyer en faveur de l'ancien patron du secteur de l'énergie en annonçant depuis les plateaux d'une chaîne de télévision privée que ce dernier aurait bénéficié d' «un non-lieu». Doit-on comprendre que M. Khelil a déjà eu à s'expliquer devant un juge ?
Personnellement, je ne me rappelle pas d'une telle décision. Si ma mémoire est bonne, Chakib Khelil a été l'objet d'un mandat d'arrêt qui a été annulé pour vice de forme et n'a pas été exécuté. Je ne me rappelle pas que Chakib Khelil ait été auditionné par un juge d'instruction, qui est la seule autorité judiciaire habilitée à délivrer un non-lieu.
Cette déclaration est tardive (2017) pour une procédure engagée il y a temps, et provient d'une personne non habilitée, car le chef du gouvernement n'est pas un chargé de la communication du parquet. Dans un pays qui respecte la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice, ces informations sont communiquées par la cellule de communication du parquet et ne font pas l'objet d'un usage politique.
- Ce non-lieu peut-il être une preuve de l'innocence de Chakib Khelil ?
D'abord, l'innocence se présume et n'a pas à être prouvée. C'est la culpabilité qui est établie par des preuves matérielles, en correctionnelle, et par la conviction, en matière criminelle. Le non-lieu prononcé par un juge d'instruction ne déclare pas le prévenu «innocent» mais établit qu'il n'y a pas lieu de le poursuivre ou de le faire comparaître devant un juge, car il n'y a pas d'indices suffisants permettant de douter qu'il est coupable. Par contre, un jugement rendu établit, soit l'innocence, soit la culpabilité.
A mon avis, dans des affaires de cette envergure qui mettent sous les feux de la rampe des personnages publiques et mettant en jeu la crédibilité et la moralité des institutions de l'Etat, et surtout lorsque des éléments de suspicion, fondées ou pas, sont présentés et publiés, un non-lieu n'est plus suffisant et un procès en bonne et due forme devient nécessaire pour rétablir la crédibilité des institutions de l'Etat. Un ministre soucieux de sa notoriété, de sa moralité, réclame un procès comme un droit pour laver son honneur.
- Aussi, le retour au pays, et indirectement sur la scène politique nationale, de M. Khelil, a-t-il un quelconque rapport avec les résultats de cette entraide judiciaire ?
Avec les résultats de l'entraide judiciaire, je ne sais pas, parce que je ne les connais pas. Par contre, avec le traitement judiciaire qui a été réservé à son dossier, je dirais oui. Cependant, il faut nuancer et l'ordre des deux événements doit être précisé ! Ce n'est pas parce que Chakib Khelil a été mis hors de cause qu'il a envisagé une carrière politique. C'est plutôt parce qu'il a été inscrit dans un projet politique que la procédure le concernant a été escamotée.
Le retour programmé de Chakib Khelil sur la scène politique nationale est à l'origine du brouillard qui couvre la suite qui a été donnée à la demande d'entraide. Aucune information officielle n'a été communiquée ni par l'Algérie ni par la Suisse. C'est donc l'inscription de Chakib Khelil dans une feuille de route politique qui a déterminé le traitement judiciaire de ce dossier et non le traitement judiciaire qui a ouvert la voie à l'ambition politique.
Les décisions judiciaires sont prises pour préparer les carrières politiques, en ce sens où la justice décide en fonction des carrières tracées dans des officines obscures. Anecdote : les avocats de Annaba se souviennent du deuxième procès de Sider d'il y a quelques années. Après avoir déposé son témoignage, Ouyahia s'est déplacé au banc des accusés pour serrer la main d'un des détenus en lui disant : «Hada Dholm» (c'est une injustice).
Le juge, lui-même, lui emboîta le pas, s'écarta de la sacro sainte réserve du magistrat et s'adressa à l'accusé, avant même le verdict, en lui disant : « Vous êtes un grand homme.» Cet accusé sera acquitté et quelques jours plus tard deviendra le directeur général d'un des plus importants (sinon la plus importante) holdings (c'est ainsi qu'on appelait les sociétés de participations) du pays, et ce, après avoir passé quatre années en détention sous le règne de celui qui venait de le disculper avant la justice.
Qui a précédé l'autre l'œuf ou la poule. L'inscription de l'accusé dans une carrière politique a entraîné son acquittement et non l'inverse. Deux chefs de parti du pouvoir et au pouvoir ont été les laudateurs de Chakib Khelil. Ouyahia, chef du RND, s'est apitoyé sur son sort et l'ex-chef du FLN l'a considéré comme le meilleur ministre que l'Algérie ait jamais eu depuis l'indépendance. Voilà comment on reconnaît quelqu'un placé dans une trajectoire politique. Le traitement judiciaire a, peut-être, découlé de cela.
- Mais pensez-vous que les autorités suisses, aussi, ont été de connivence avec les autorités algériennes ?
Je ne peux ni infirmer ni confirmer cela! En matière d'entraide judiciaire internationale, c'est l'Etat qui gère le dossier (Algérie) qui décide de l'opportunité de lever le secret et de communiquer au public. Or cette affaire est couverte par une grande opacité.
- Trouvez-vous «politiquement correct» qu'un Premier ministre remette en cause, publiquement, la justice de son propre pays ?
Ce jugement de valeur d'un membre de l'Exécutif sur une affaire soumise à la justice est une interférence de l'Exécutif dans le domaine judiciaire. Cela constitue un manque d'égard au système judiciaire et une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. M. Ouyahia gagnerait à apprendre la réserve, ou plutôt apprendre à l'observer, car il la connaît bien, qui s'impose au commis de L'Etat, celui-ci perd beaucoup de son prestige et de sa respectabilité s'il se met au service de quelqu'un, d'un parti ou d'un clan.
Discréditer la justice de son pays pour défendre une personne est une grande forfaiture. J'avais toujours considéré M. Ouyahia comme un technocrate capable d'indépendance et de distance. Les dernières évolutions ont détruit cette image. Pour mémoire, questionné sur Ouyahia, le défunt Aït Ahmed répondit : «C'est un subalterne et il le restera.»
- L'ex-procureur général de la cour d'Alger et de l'ancien ministre de la Justice qui étaient en charge de cette affaire auraient-ils payé pour cette «terrible injustice» qu'ils auraient commise à l'encontre de l'ancien ministre de l'Energie ?
On ne peut pas établir un lien de causalité indiscutable, mais lorsque deux événements se succèdent, le premier est souvent la cause du second. Naïma Benouaret


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