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«Des sujets sérieux avec humour»
Tom Bogaert .Artiste plasticien
Publié dans El Watan le 02 - 12 - 2017

A l'entrée du bel espace d'exposition Espaco d'El Achour, on tombe sur un tas de concombres aux couleurs de la Jordanie. Evidemment, il y a de quoi se poser des questions. L'artiste belge Tom Bogaert est sur place pour nous expliquer que le légume est une référence à un jeu de mots de Khaled Mechaal (ancien dirigeant du Hamas) du choix de l'exil vers la Jordanie présenté par Israël aux Palestiniens. Il se trouve que «el khayar el ordoni» (le choix jordanien) signifie aussi le concombre jordanien. Le jeu de mots aura inspiré notre artiste originaire de Bruges avec lequel s'engage la discussion sur un projet de film sur la vie épique du leader palestinien.
On imagine même George Clooney dans le rôle titre ! L'art de Bogaert est à l'image de cette discussion à cheval entre réalité et fantaisie débridée. L'exposition Squip est consacrée aux œuvres de Bogaert réalisées dans, et à propos, de pays du Moyen-Orient et du Maghreb. Juriste de formation, Tom Bogaert se consacre à ses projets artistiques depuis 2004. Son projet le plus étoffé est «Impression MENA» qu'il mène dans différents pays de la région depuis dix ans. Les installations de Bogaert attirent souvent l'attention sur les détails apparemment insignifiants, aux petites histoires méconnues…
Comment passe-t-on de juriste à artiste ?
C'était un processus graduel, pas une épiphanie. Plus jeune, je voulais étudier le cinéma, mais ma mère m'a dit : d'abord un vrai diplôme, après tu fais ce que tu veux! J'ai écouté ma mère. Je ne voulais plus faire de maths. Alors j'ai fait droit. Mon oncle est juriste aussi. Et puis j'ai commencé à travailler dans le droit international. J'ai quitté la Belgique à l'âge de 30 ans. J'ai travaillé au Congo, au Burundi et en Thaïlande avec Amnesty International.
En 2004, j'ai sauté le pas en postulant à l'appel de la fondation Elisabeth à New York. Cette ville est le rêve de tous les artistes contemporains. Mon CV «exotique» a séduit la fondation et ça a marché. Alors on est parti à New York avec ma femme et mes trois enfants.
D'où vient votre intérêt pour le Moyen-Orient ?
J'ai toujours été passionné par la géopolitique et cette région m'intéressait. En 2008, ma femme a eu l'occasion d'aller travailler pour les réfugiés palestiniens et on s'est installé en Jordanie. Je connaissais l'actualité en théorie, mais en vivant à Amman pendant trois ans, j'ai commencé à comprendre l'histoire de cette région. J'ai commencé une série d'installations intitulées «Impressions Moyen-Orient» qui deviendra «Impressions MENA» (Ndlr : zone Moyen-Orient et Afrique du Nord).
Après la Jordanie, j'ai fait aussi la Syrie, le Liban, la Palestine, l'Egypte et puis je suis passé au Maroc, à la Tunisie et maintenant en Algérie. L'expo actuelle est un peu une rétrospective de tout ce travail avec une nouvelle œuvre sur l'Algérie.
Vos œuvres sont souvent liées à des thèmes d'actualité ou d'histoire et le public se demande souvent «quel est le message derrière ?»
Alors je vous pose la question...
Bon d'abord, je dois dire que je ne vois pas mon travail d'artiste comme une extension de ce que je faisais comme activiste pour les droits de l'homme. Ce que j'essaie de faire, c'est de traduire ce que j'ai compris (ou pas) du monde qui m'entoure. Je ne sais ni peindre ni dessiner, je n'ai pas fait d'école d'art, alors je compose avec les éléments que je trouve sur place en essayant de trouver la forme qui convient.

Par certains aspects, votre travail se rapproche du journalisme…
Il y a un parallèle entre les deux. On va sur place et on essaie de traduire ce qu'on voit, soit à travers un article, soit à travers une forme tangible. Je me pose des questions sur ma position dans le monde arabe. En tant que Belge, je suis un étranger. Souvent le travail part d'un détail qui attire mon attention.
En Syrie par exemple, j'ai lu que Bachar El Assad avait une formation d'ophtalmologue. Il étudiait à Londres quand son père l'a appelé pour le préparer à prendre les rênes du pays. Peut-être qu'il ne rêvait que d'ouvrir un cabinet à Londres ? J'ai présenté une installation autour du sujet à Alep en 2010. C'était juste avant la guerre et je n'ai pas eu de problème du tout. En Jordanie, j'avais travaillé sur les concombres. Au Maroc ; j'ai travaillé sur les fraises.
En Tunisie, je suis revenu sur un voyage à moto datant de mes années d'étudiant. A chaque fois, ce sont des éléments triviaux, anodins, je traite avec humour des sujets sérieux.
Je pensais notamment à votre enquête quasi journalistique à Sun Ra, en Egypte…
C'est un projet de recherche. Sun Ra est un musicien de jazz expérimental, décédé en 1993, qui a fait un voyage en Egypte en 1971. Il voulait revenir sur les traces de ses ancêtres les «black pharaons». Après avoir vendu les enregistrements de ses lives, il achète des billets pour ses trente musiciens. Une fortune ! Il veut programmer des concerts et il est très mal organisé. Les instruments sont confisqués par les douaniers, il n'a pas d'argent et il prend l'hôtel le plus cher près des Pyramides. Finalement, les concerts ont quand même lieu. Il y a plein de mythes sur cet événement.
Sa musique était très difficile. On raconte que des femmes se sont jetées dans le Nil sous l'effet de sa musique! J'ai retrouvé des témoins comme un employé du Goethe Institut qui dit l'avoir invité. J'ai aussi parlé avec le chef d'orchestre de sa bande, Marchal Allen, qui se souvient très bien de ce passage en Egypte. Et le jour du vernissage, l'ambassadeur de la République tchèque est venu et m'a dit qu'il a assisté aux concerts, alors qu'il était étudiant…
J'ai découvert que Sun Ra est parti avec déception. Au lieu du retour aux sources qu'il espérait, les gens le traitaient plutôt avec mépris à cause de sa couleur de peau. Il en parle dans quelques interviews.
En Algérie, vous arrivez avec Squip. De quoi s'agit-il ?
Durant les repérages en décembre 2016, j'avais notamment visité le Monument des Martyrs et je me suis demandé comment on peut traduire le sentiment révolutionnaire en monument. J'ai discuté avec les gens et puis j'ai vu des films comme La Bataille d'Alger. J'observais les images d'impact de balles dans les murs et j'ai pensé à faire saigner les murs.
C'est un essai pour se souvenir de ce moment. J'ai commencé avec le squip (pétard en anglais) qui donne l'impression du sang qui jaillit. Je travaillais avec un pulvérisateur de jardin. J'ai caché ce système dans un bâtiment en ruine à Baba Hassen et ça donnait l'impression que les murs saignaient.
J'ai montré la vidéo à des Algériens qui m'ont dit que ça les faisait penser aux années noires, au terrorisme… J'écoute et je prends en compte ce que me disent les gens. Quinze jours avant le vernissage, pendant qu'on filmait sur le site, un camion est arrivé avec un chargement de gros sacs de mousse pour remplir les fauteuils.
Les couleurs et la texture m'ont fasciné et j'ai acheté trois gros sacs remplis de mousse avec des couleurs «milk shake». J'ai juste placé ces sacs sur des piédestaux dans cette galerie très contemporaine. C'est un détournement. J'ai gardé un autre sac sur lequel j'ai fait des expériences d'explosion avec des pétards. C'est la saison des pétards en ce moment à Alger (fête du Mouloud). Je me laisse influencer par ce que je vois autour de moi. Le résultat de cette dernière expérience est présenté dans une vidéo et le résultat me plaît. Ca donne un effet feu d'artifice de mousse!
C'est l'aspect visuel qui a primé sur le concept ?
Le point de départ est visuel mais la présentation est conceptuelle. Le concept c'est toute l'histoire depuis mon arrivée à Alger. Je suis venu avec une idée et c'est allé dans une direction que je n'avais pas prévue. Après les gens remplissent la pièce avec leurs interprétations.
Dans une de vos installations vous abordez la question de l'identité de l'artiste à travers des fraises. Quelle est votre identité ? Belge, Flamand, Européen, international…
C'est une question difficile. Mon identité est formée d'abord par mon passé. Pas spécialement ma nationalité. C'est plutôt ma formation en droit et mon intérêt pour la géopolitique. Je lis, je discute, j'essaie de comprendre et puis je voyage beaucoup. Pour lier cela à mon installation, Nicolas Boriaud écrit que nous sommes tous des «radicants».
Nous avons des racines verticales plantées dans le sol, pour moi ce sont mes racines belges, mais la tige grandit et d'autres racines se forment ailleurs. J'ai vécu à Amman, aux USA et actuellement à Genève et puis tous les pays que je visite comme l'Algérie en ce moment où je laisse quelques racines.
Cette mosaïque est mon identité d'artiste. Après, dans une biographie, oui je suis Belge puisque j'ai un passeport belge. Je ne me compare pas aux réfugiés qui sont contraints de quitter leur terre, leur travail, leur famille pour survire. Moi, j'ai le choix heureusement. Je suis privilégié. Je suis quand même toujours étranger quelque part et me sens à l'aise partout.


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