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Guermaz l'oublié
Arts-Sur les traces d'un peintre disparu
Publié dans El Watan le 28 - 06 - 2007

Par fidélité à l'histoire de ma famille et à mon enfance, j'ai entrepris l'écriture d'une biographie du peintre Abdelkader Guermaz (1919-1996). Je ne vais pas expliquer ici les détails de cette histoire.
L'essentiel est de dire qu'il est vital de rendre à l'actualité l'un des plus grands peintres algériens, disparu à Paris dans le silence de l'Algérie officielle. Je sais que ce travail sera ardu, long, difficile. Guermaz, si ouvert à la complexité du monde, avait aussi ses jardins secrets. Je vais devoir voyager dans le passé, exhumer des pans d'histoire, interroger des spécialistes, des témoins, des parents, des amis, visiter les lieux où il a vécu, sentir les odeurs de ses paysages, vibrer aussi à l'évocation de la profondeur de ses recherches. Il me faudra faire tout cela en ayant à l'esprit les premières images que ma mémoire d'enfant a gardé au plus profond d'elle-même : celle d'un géant qui me fascinait. Pierre Rey figure parmi ceux que j'ai décidé d'approcher pour écrire cette biographie. Il est un des meilleurs connaisseurs de l'œuvre d'Abdelkader Guermaz. Depuis 1970, année de leur rencontre, il collectionne et étudie ses toiles. Juriste doublé d'un économiste (il est licencié en droit et docteur en sciences économiques), Pierre Rey a suivi, par passion, des études en histoire de l'art et obtenu un DEA (diplôme d'études approfondies) à l'Institut d'art et d'archéologie de Paris I. Ayant mené toute sa carrière dans le marketing et les études économiques d'une entreprise française de production de verres spéciaux destinés à l'industrie et à la science, Pierre Rey a voyagé en Espagne, en Grèce et en Italie pour parfaire sa formation artistique. Au terme de sa vie professionnelle, il consacre son temps à l'œuvre de Guermaz. Méthodique, il a établi un programme de recherche et entamé l'écriture d'articles (1) avant d'être associé, en mai 2003, dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France, à l'organisation, par l'A.D.E.I.A.O (2) d'une exposition de l'œuvre de Guermaz. Aujourd'hui, Pierre Rey contribue activement à faire connaître l'œuvre de Guermaz au travers du Cercle des amis du peintre qui entretient un site Internet et compte organiser plusieurs manifestions pour lui rendre hommage. Je l'ai interviewé pour les lecteurs d'El Watan.
Dans quelles circonstances avez-vous connu Guermaz ?
Cela s'est produit lors de la découverte fortuite de son œuvre à la galerie Entremonde à Paris, en 1970. Quelque temps après, j'ai fait la connaissance de cet homme attachant, généreux, amical et disert, mais aussi discret, ne se livrant pas volontiers, appréciant de se retirer pour méditer.
Quelle a été votre première impression devant une de ses toiles ?
J'ai éprouvé une émotion profonde, un choc ! Du seul mouvement de la matière picturale, toute en vibrations, à la surface de la toile uniformément blanche, j'ai cru entrevoir l'infini ! J'ai aussitôt acquis cette œuvre d'une très haute inspiration.
Comment qualifier sa peinture ?
Comme un « pont » entre les deux rives de la Méditerranée, celle d'un peintre non figuratif algérien de l'Ecole de Paris et l'aîné des fondateurs de l'art algérien moderne. Acteur du « mouvement abstrait » algérien, il a bien été aussi l'un des meilleurs représentants de l'abstraction lyrique en France. Dans les années 1940, nous pouvions dire qu'il adhère à la conception figurative des « peintres de la réalité poétique » (natures mortes, scènes de la vie oranaise). Entre les années 1955 et 1970, il entre dans la voie de l'abstraction : expression des sensations et des émotions éprouvées au contact du monde et au moyen des seules ressources du vocabulaire plastique : insertion d'une infinité de taches de couleur dans un réseau de lignes verticales et horizontales dont le noir renforce la structure. Les années 1970 témoignent de son engagement dans une démarche spirituelle : recherche de la lumière et de la plénitude, des œuvres uniformément blanches qui se peuplent bientôt de « signes », de taches de couleur qui s'assemblent en de petits ensembles et donnent naissance à des « paysages », lieux de mémoire et territoires « mythiques », mais aussi témoignages des pas que le peintre accomplit sur la voie de la sagesse. Enfin, entre 1980 et 1996, ses œuvres deviennent plus abstraites encore, ses « paysages » s'épurent, dévoilent un univers de sable et de roches mises à nu, et s'ouvrent de proche en proche sur l'infini. L'artiste semble déjà percevoir l'espace « cosmique ». Toutefois, Guermaz ne s'est pas interdit de traduire d'autres états d'âme que la sérénité, et a eu recours à autant de vocabulaires plastiques, de choix de formes, de couleurs et de matières que son goût de la recherche et son plaisir de peindre lui ont suggérés.
Quelle était sa manière de travailler ?
Guermaz se disait lui-même à la fois « artisan » (il choisissait avec soin ses toiles), « alchimiste » (il maîtrisait les réactions chimiques des pigments sur la toile) et « créateur », car il fut toujours à la recherche de « l'harmonie » dans la construction du tableau, le choix des couleurs afin de donner un ton à la toile et d'obtenir une « structure de couleurs » à partir d'équilibres n'excluant pas des « contrepoints ». De même, il avait une manière très particulière de faire surgir la lumière des profondeurs de la couche picturale et il a accordé une place prépondérante au travail de la matière à la surface de la toile, contribuant ainsi à l'élaboration de la forme.
Pouvait-il vivre de sa peinture ?
A sa sortie de l'Ecole des beaux-arts d'Oran, il expose très vite ses œuvres à la galerie Colline (Oran), mais pour vivre, il est « peintre en lettres » et rédacteur à Oran Républicain. A Paris, il sera un temps correspondant du journal la République d'Oran, et fera des « portraits-minute », tout en participant à des Salons et en vendant ses toiles à des amateurs éclairés. De la fin des années 1960 à 1981, il exposera ses toiles à la galerie Entremonde et vivra modestement de sa peinture. Mais sa préoccupation première sera, jusqu'à sa mort, de poursuivre et de faire évoluer son œuvre, véritable témoignage et accomplissement de son engagement spirituel.
Quels étaient, selon vous, les rapports de Guermaz avec les peintres de sa génération ?
A la galerie Colline, il a côtoyé des peintres tels qu'Ali Khodja, Bachir Yellès, Benaboura, Bouzid, Laidi, Mesli et des artistes d'origine européenne, tels qu'Oudot Caillard, Poncelet, Clavé, Pelayo, Daufin. Il a entretenu d'excellents rapports avec eux et a été l'ami de Benanteur, Bouqueton, Galliero, Nallard, Pouget, Vicente. Dans les galeries de Paris, il a admiré Bissière, Bazaine, Moser, Reichel (compagnon de Klee), Nicolas de Staël,Vieira da Silva…Ses œuvres ont été présentées, lors d'expositions communes, avec celles de Khadda et de Benanteur, en 1963 et 1967, et ont figuré dans l'exposition « Peintres algériens » de 1964 au Musée des arts décoratifs qui a rassemblé la majorité des peintres contemporains algériens et d'origine européenne, tels que Galliero, de Maisonseul, Maria Manton, Nallard etc. D'autres occasions de rencontres se sont présentées plus tard.
Et avec ses amis ?
Artiste, poète et musicien, original, aimable, disert, séduisant, plein de talent, il ne pouvait que plaire, et avait beaucoup d'amis ; les amis de toujours venus d'Algérie, et ses nouveaux amis, admirateurs et collectionneurs de son œuvre. Il vécut assez solitaire dans ses quinze dernières années, mais reçut la visite des fidèles et de ceux qui connaissaient l'adresse de son atelier.
A-t-il cependant connu la consécration de son vivant ?
Oui, tant que son œuvre put être présentée au public, il a bien reçu la consécration de la critique, à Oran comme à Paris. Exposant à la galerie Colline d'Oran, il a reçu des critiques élogieuses. A Paris, dans les années 1960, et plus encore dans les années 1970, ses créations ont fait l'objet de textes souvent admirables de profondeur et de justesse. Mais, après la fermeture de la galerie Entremonde, Guermaz perdit le contact avec le public et la critique en France. Michel-Georges Bernard souligne très justement dans la revue Algérie Littérature Action de mars-avril 2001, que « les rares ouvrages, articles, préfaces d'expositions qui retracent l'histoire de la peinture algérienne associent constamment le nom de Guermaz à ceux des artistes, nés dans les années 1930, à qui l'on doit quelque vingt ans plus tard l'émergence d'une expression résolument moderne ». Il ajoute : « Mais l'attention ne s'est pas resserrée autour de celui qui était l'un des premiers représentants de la peinture algérienne ».
Quels rapports entretenait-il avec l'Algérie ?
Devenu parisien, en 1961, Guermaz a toujours maintenu le contact avec l'Algérie où son œuvre fut présente dans plusieurs expositions de groupe (voir chronologie ci-après). On peut citer ainsi les expositions de 1963, de 1964, de 1965, de 1967 (celle-ci à Tunis, avec Benanteur et Cherkhaoui) et de 1974. Sa dernière participation en Algérie remonte à 1986, avec « Peinture algérienne contemporaine » au Palais de la culture d'Alger.
A combien estimez-vous le nombre de toiles peintes en France ?
Je les estime à 450 environ, entre son arrivée à Paris en 1961 et son décès en 1996.
Quels sont les musées et collections publiques qui possèdent ses œuvres et les pays disposant de collections particulières ?
Les collections publiques pouvant être citées sont les Musées des beaux-arts d'Alger et Ahmed Zabana d'Oran ainsi que les Fonds d'art contemporain, national et municipal, de Paris. Les autres collections, principalement privées, se trouvent en France, Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Suède, Suisse, Canada, Etats-Unis, Iran, Japon et au Moyen-Orient.
Selon vous, que pourrait-on faire pour diffuser son œuvre ?
L'objectif de toute action en ce sens serait de « briser le silence » qui entoure l'œuvre de Guermaz. Du temps a passé depuis qu'elle est entrée dans des collections publiques et privées et de nouvelles écoles de peinture sont venues sur le devant de la scène. La peinture de Guermaz est aujourd'hui très méconnue. Nous pourrions suggérer l'établissement de relations avec les institutions et les personnalités qui font autorité dans le domaine de l'art. Dans ce sens, il s'agit de mobiliser nos relations personnelles (conservateurs de musées, experts, professeurs d'université, commissaires priseurs...) les toiles « parlant » d'elles-mêmes, à mon avis, quand on a la chance de les voir. On devrait, également, convaincre un musée français (naturellement plus accessible à partir de Paris qu'un musée algérien) d'organiser, sous sa responsabilité, dans un temps pas trop éloigné et avec l'autorisation des ayants droit, une exposition destinée à restaurer la notoriété du peintre. Il faudrait, également, utiliser tous les supports de communication modernes (films documentaires, DVD, pages Internet) pour atteindre le plus large public et ne négliger ni l'organisation de colloques ni la publication de plaquettes ou d'articles de presse. Les actions menées, en Algérie, devraient avoir aussi des retombées positives en France. Mais je ne connais pas personnellement le « terrain ».
(1) Abdelkader Guermaz, peintre du silence et de la lumière, et Guermaz, à la conquête du cosmos (Algérie Littérature /Action, n° 49-50, mars-avril 2001 et n° 65-66, nov.-déc. 2002).
(2) Association pour le développement des échanges interculturels avec l'Afrique et l'Océanie.


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