Même le président de la République dans le message qu'il avait adressé à Zidane, se retenait visiblement, fonction oblige, d'applaudir le coup de tête infligé au grand Italien dont le nom commence par M. Mais, partout dans le pays, même ceux qui regrettaient qu'il n'ait pas terminé son ultime match, approuvaient dans le fond cette saute d'humeur, hélas (et heureusement) typiquement algérienne. J-P Toussaint, écrivain de talent qui a obtenu notamment le prix Médicis 2005 pour son roman Fuir, a consacré à l'événement un tout petit texte, parfaitement ciselé qu'il a intitulé La Mélancolie de Zidane. Les Editions Chihab en le publiant ont eu l'idée intéressante de le publier simultanément dans la version originale des Editions de Minuit (en français donc) et d'y ajouter la traduction en arabe (par Abdelaziz Boubakir) et en tamazight (par Rachid Mokhtari) et c'est sans doute ce qu'il faut saluer en premier en tant qu'expérience éditoriale. S'agissant du texte, limpide et beau comme sait le faire Toussaint, celui-ci ne fait pas mystère de sa vision solidaire à l'égard de Zidane et de son geste. Il va même jusqu'à s'identifier à son sujet : « La mélancolie de Zidane est ma mélancolie, je le sais… » Mais son interprétation, par ailleurs belle, très théâtre antique, du geste de Zidane, nous semble discutable. Ce serait essentiellement « l'impossibilité de mettre un terme à sa carrière, et même, et surtout, en beauté… ». Ce qui introduit une sorte de préméditation même inconsciente au fait et, du coup, néglige les ressorts culturels de l'honneur que le joueur italien, proche des excès méditerranéens, connaissait. Un zeliff est un zeliff, aussi irrépressible que soudain, non pas inexplicable mais imprévisible. Il reste que Toussaint, par une fin inattendue, un ton à la fois docte et amusé et une écriture coulante, a réussi une belle dissertation. Toussaint (Jean-Philippe). La Mélancolie de Zidane. Chihab éd., Alger, juin 2007, 96 pages.
