Sahara occidental: de Mistura arrive dans les camps de réfugiés sahraouis    Rentrée scolaire: de nouvelles structures renforcent le secteur de l'éducation dans les wilayas du centre    Ghaza: le bilan s'alourdit à 65.283 martyrs et 166.575 blessés    Nasri félicite Djamel Sedjati pour sa médaille d'argent au 800 m à Tokyo    Jordanie: réouverture partielle du poste-frontière avec la Cisjordanie occupée    Coup d'envoi de l'année scolaire 2025-2026 pour la catégorie des enfants aux besoins spécifiques    Création d'un comité central chargé du suivi de la réalisation des lignes minières Est et Ouest    L'Algérie, la Chine et la Russie au 3e soir du 13e Festival de danse contemporaine    Ouverture du 13e Festival international du Malouf: célébration vivante d'un patrimoine musical    Ali Badaoui en mission de reconnaissance en Chine    Rentrée scolaire: l'Etat engagé à assurer les fondements du développement cognitif pour une génération éveillée    L'école algérienne demeure un pilier essentiel pour bâtir une société unie    Un partenariat entre l'AOHP et la fondation italienne Enrico Mattei pour améliorer la formation en dentisterie    L'Algérie dénonce un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    Aït Messaoudene au chevet des victimes après une attaque de chien mortelle    inter-régions : La FAF prolonge le mercato estival jusqu'au 30 septembre    L'Algérien Yasser Triki termine 4e en finale    Face aux nouvelles mutations énergétiques régionales et mondiales    Sayoud instruit d'accélérer la réalisation des projets du secteur des ressources en eau    Le veto américain prolonge le génocide    Des abus graves contre les écolières    Développement notable et perspectives prometteuses pour la filière pomicole    Arrestation de deux individus en possession de 1.000 comprimés psychotropes à Ammi Moussa    Le wali instruit les entreprises chargées de la réalisation au respect des délais    Ligue 1 Mobilis (5e journée) L'OA et le MBR creusent l'écart et confirment leurs ambitions    Bendouda inspecte les travaux de réhabilitation et le projet de numérisation des manuscrits    La 20e édition a attiré un public nombreux    Imene Ayadi remporte le prix du meilleur court-métrage de fiction avec «Nya»    Belmehdi visite la commission d'audit et de vérification des recueils du Saint Coran    Attaf signe à New York l'accord relatif à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati remporte la médaille d'argent sur 800 m    Bouden reçu à Kuala Lumpur par le nouveau SG de l'AIPA    Exposition d'Osaka : poursuite des journées portes ouvertes sur la stratégie nationale de développement des énergies renouvelables et de l'hydrogène vert    L'Algérie rejoint officiellement l'AIPA en tant qu'unique membre observateur    Basket / Championnat arabe des clubs féminins/Finale : le GS Cosider décroche la médaille d'argent    Le président de la République préside une réunion du Haut Conseil de sécurité    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Hélène cuénat, militante dans le réseau jeanson
« Le pays où j'ai appris ce que c'est qu'appartenir à la même communauté »
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2004

Hélène Cuénat a milité à partir de 1957 dans le réseau Jeanson (réseau de soutien au FLN). Arrêtée en février 1960 , jugée et condamnée à dix ans de prison, elle s'évade avec cinq de ses compagnes en février 1961 de la Petite Roquette.
Elle rejoint l'Algérie en août 1962 et y restera jusqu'en 1972. Elle travaille pendant sept ans à la SNS, à Annaba. Elle sera amnistiée en France en 1966. Dans La porte verte, Hélène raconte son évasion avec cinq de ses camarades, de la Petite Roquette, à Paris. La porte verte, c'est la petite porte latérale par laquelle sa fille Michèle, alors âgée de sept ans, entrait dans la prison pour lui rendre visite. Nadjia Bouzeghrane m'a demandé, à l'occasion du 50e anniversaire du 1er novembre 1954, date du début de la guerre d'Indépendance de l'Algérie, de faire « un témoignage », d'écrire quelque chose pour les lecteurs d'El Watan.
Alors, je me suis posée la question : Qu'est-ce qui peut aujourd'hui intéresser les lecteurs algériens d'El Watan ?
Peut-être, tout d'abord, comprendre comment une jeune française de 25 ans avait pu s'engager, à cette époque, en 1957 plus précisément, dans un réseau français de soutien au FLN ?
C'est simple.
Lorsque mon ami Etienne Bolo m'a demandé, en 1956, à l'occasion d'un voyage qui nous amenait à passer par Lausanne, et comme nous approchions de la frontière suisse, à bord d'une vieille 4 chevaux Renault, si j'étais d'accord pour passer une lettre à l'intention d'un responsable du FLN, je lui ai répondu tranquillement : « C'est un service qui ne se refuse pas ». Au retour, passant la douane en sens inverse, c'est un demi mètre cube de tracts et de journaux FLN que nous avons transporté, à destination de Paris (Résistance algérienne était imprimé en Suisse). Ca, c'était en 1956, deux ans après le 1er novembre 1954. Quelque-temps après, Etienne me proposa de me faire rencontrer Francis Jeanson et d'entrer dans le réseau. Passer des tracts à l'arrière d'une voiture, c'était une chose. Entrer dans le réseau, c'en était une autre. Il m'a fallu un temps de réflexion, plusieurs mois, si je me souviens bien, pour donner mon accord. Une décision comme celle-là, qui allait si profondément changer ma vie (mais ça, je ne le savais pas), c'était à la fois une décision politique et une décision morale. Une décision politique : ma formation de communiste a été déterminante : le peuple du pays oppresseur - la France en l'occurrence - , le peuple du pays opprimé - l'Algérie - sont solidaires. C'est ce que m'avait appris la lecture de Lénine, c'était simple comme une équation A = B. C'était aussi une décision morale : c'est-à-dire qu'il faut se sentir concerné. Nous avions tous les jours des nouvelles de la répression en Algérie, mais c'est lorsque j'ai appris qu'on avait torturé des Algériens dans le commissariat du XIIIème arrondissement de Paris que la vérité m'est apparue : distribuer des tracts et manifester boulevard Saint-Michel, au risque de finir la soirée au commissariat de police, ça ne suffisait plus. J'étais solidaire des Algériens, j'étais concernée concrètement par ce qu'il leur arrivait, et j'ai décidé, puisqu'on me le proposait, d'entrer dans le réseau. Si on ne me l'avait pas proposé, j'aurais continué de manifester. Peut-être me serais-je retrouvée au métro Charonne où sont morts 7 militants communistes, le 7 février 1962, quelques mois avant l'Indépendance. Ensuite ce fut, dans l'ordre, le réseau, la clandestinité, l'arrestation un vendredi matin de février 1960, trois journées d'interrogatoire à la DST, rue de Saussaies, la comparution devant le juge Batigne, au Palais de Justice, et le transfert en voiture cellulaire à la prison de femmes de Paris, la Petite Roquette. Nous nous sommes retrouvées à plusieurs dans la prison, Micheline Pouteau, Jacqueline Carré, Véra Herold, Jeanine Cahen, d'autres encore, Lise, Christiane... d'abord à l'isolement, puis dans la division dite des « politiques ». Nous fûmes bientôt une vingtaine de femmes, Algériennes et Françaises. Toutes arrêtées pour la même raison : l'Algérie. Sous différentes formes : membres d'un réseau de soutien au FLN, membres du FLN, aide individuelle. Didar, réseau Curiel, vint nous rejoindre plus tard. Une division dans la prison de la Petite Roquette, c'était un grand couloir avec, d'un côté, les portes de nos cellules, de l'autre, des fenêtres, évidemment garnies d'épais barreaux de fer, qui donnaient sur une cour extérieure. Dans la journée, toutes portes ouvertes - celles des cellules bien sûr - nous pouvions circuler dans le couloir, nous rendre visite, aller aux toilettes ou dans la salle qui nous servait de réfectoire. C'est par l'une de ces fenêtres, par une belle matinée de printemps, que l'idée d'évasion m'est venue. On pouvait, en se tenant debout, entrevoir, par-dessus le mur d'enceinte, à quelque 200 mètres, le haut des immeubles de la rue Merlin, et même apercevoir, parfois, des gens aux fenêtres, silhouettes indistinctes. Le mur, six mètres de haut, se profilait sur fond de l'espèce du jardin, généralement désert, qui s'étendait au pied de notre résidence. Un mur de six mètres, des barreaux de fer de 5 centimètres d'épaisseur, et puis, bien sûr, le verrouillage à la tombée de la nuit de nos cellules, je cessai un instant de voir tous ces obstacles : je vis seulement qu'il n'y avait pas de précipice infranchissable, ni eau profonde, mais une continuité jusqu'à l'extérieur, jusqu'à la liberté ! Une vieille prison, qui avait peut-être fait ses preuves, puisque jusque-là aucune femme n'était parvenue à s'évader. Eh bien, nous allions voir.
A peine émise, l'idée de l'évasion fut reprise par mes compagnes comme un ballon que l'on se passe entre joueurs.
Seule, je n'aurais rien pu faire. Ensemble, nous avions le sentiment d'être invincibles. Nous l'étions ! Cette évasion, nous l'avons préparée pendant près d'un an. Evasion de femmes, minutieusement préparée, comme un tricot fait maille après maille, une maille à l'endroit, une maille à l'envers et on continue. Fabriquer une fausse clé, avec un fil de fer rigide, tiré d'un ceintre gainé de plastique, scier les barreaux de la fenêtre des waters qui donnait sur la cour extérieure, tout en montant un spectacle de marionnettes très bruyant pour attirer l'attention ailleurs, tresser une corde avec nos bas nylon et quelques autres ingrédients, et puis, établir le contact avec l'extérieur pour obtenir de l'aide une fois dehors, et combien d'autres choses qui nous occupèrent presque une année. Il faut dire que le mois de septembre fut entièrement consacré au procès, pour celles d'entre nous qui appartenions au réseau Jeanson - je fus avec Micheline, avec Vera, condamnée à dix ans de prison, raison de plus pour tenter l'évasion !
Et ce fut, le 25 février 1961, après une année de prison, presque jour pour jour,l'évasion les grands titres dans les journaux, mon père, qui rentrait d'une course aux Champs Elysées, achète, joyeux et fier, la panoplie des journaux du soir, Paris-Presse, France-Soir, l'évasion avec Zina Haraigue et Fatima Hamoud, Zina que j'ai revue au mois de mai dernier, à Alger, avec Didar Fawzy, Jacqueline Carré, Micheline Pouteau et moi, le compte y est. Avec le soutien de toute la division. Nos compagnes, françaises et algériennes, nous auraient portées dehors, si elles l'avaient pu. Je n'ai jamais oublié le visage de cette très jeune Algérienne, arrêtée quelques jours avant, que j'ai entrevu, ruisselant de larmes, tellement elle était émue, à travers la grille du juda de la porte de sa cellule, quand je traversais le couloir de la division pour rejoindre les toilettes, où nous avions scié un barreau. Elle devait sortir en liberté provisoire quelques semaines plus tard, mais elle était totalement avec nous. Et puis ce fut « la cavale », le Maroc, Oujda, avec Didar, sur la frontière, avec les réfugiés algériens, nous, réfugiées comme eux, Alger dès août 1962, puis Annaba, c'est-à-dire la sidérurgie, où j'exerce mon métier de formateur d'adultes dans des conditions extraordinaires jusqu'en 1972. Oui, Annaba, c'est-à-dire El Hadjar, où l'usine algérienne est construite sur les restes du chantier amorcé par les Français., la Société bônoise de sidérurgie, en l'occurrence. L'atelier de « Préparation des matières » dressait sa carcasse déjà noire de rouille dans la plaine d'El Hadjar !
Lorsque j'ai appris , il y a deux ans, que l'usine d'El Hadjar avait été vendue à une multinationale dont le siège est à Londres, j'ai pleuré. C'était ça ou la fermeture de l'usine. Résultat de la mondialisation ! Quand je dis qu'il faut se battre pour un autre internationalisme, je sais de quoi je parle.
Et aujourd'hui, me diriez-vous, qu'est-ce que l'Algérie pour vous ?
C'est d'abord tout ce que je viens de dire, un lot de souvenirs, dont je suis fière, quelquefois je me demande si je n'embête pas mes amis, tellement je raconte volontiers l'arrestation, où mon tempérament combatif m'a valu d'être appelée « la tigresse » à la une des journaux du lendemain, moi qui suis d'un naturel plutôt timide, l'évasion, exploit que bien des hommes nous ont envié - je pourrais dire, en féministe indécrottable, « ne nous ont pas pardonné ». « Qui vous avait dit de le faire ? » me demandait récemment un vieux monsieur. « Personne », lui ai-je répondu : « Nous en avons eu l'idée toutes seules ». Et lui, bougonnant : « Comment des femmes auraient-elles pu avoir, toutes seules, l'idée d'un tel projet ! »
Et puis, l'Algérie est le pays où j'ai appris comme nulle part ailleurs ce que c'est qu'appartenir à la même communauté. Et le premier fondement de cette communauté, c'est, bien sûr, cette lutte de libération, cette dure conquête de la liberté, au cours d'une guerre longue et difficile, dont nous fêtons aujourd'hui le courageux déclenchement. L'Algérie, c'est aussi Choumissa Benradjal, la « femme-taxi » de Sidi Bel Abbès, c'est aussi Malika Remaoun, présidente de l'AFEPEC, association de femmes d'Oran, que j'ai rencontrées en mai dernier, dans une action de solidarité féministe, et c'est aussi Louisa Benazzouz de Marseille, et d'autres, la liste serait trop longue, et je suis solidaire de leur lutte, notamment pour l'abrogation totale du code de la famille, ce qui je pense, ne saurait tarder, code indigne des Algériens qui, pour moi, sont le symbole même du refus de l'oppression. Qui, tous, les hommes comme les femmes, devraient se battre, eux qui ont mené à la victoire cette lutte de Libération dont nous allons fêter l'anniversaire, pour cette autre libération, sans laquelle il n'y a pas de peuple libre, celle des femmes.
Par Hélène Cuénat


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.