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« Je me sens toujours engagée »
Mamia Chentouf, Moudjahida, membre fondatrice de l'UNFA
Publié dans El Watan le 15 - 05 - 2008

« Pour réussir dans le monde, retenez bien ces trois maximes : voir, c'est savoir ; vouloir, c'est pouvoir ; oser, c'est avoir. » Alfred de Musset
« Mon père a eu la lourde tâche de m'extirper du carcan des traditions. Mon mari m'a soutenue. J'ai toujours été totalement libre dans le choix de mes idées et de mes actions. » Mamia avoue éprouver beaucoup de pudeur à parler d'elle-même. Ne considère-t-elle pas que la lutte pour l'indépendance a permis « une inflation d'héroïsme » ? Les événements de 1945 ont été une étape importante qui a marqué toute la jeunesse algérienne de l'époque, particulièrement les étudiants.
Sur une photo jaunie, on la voit défilant le 14 juillet 1950, place de la Bastille, le drapeau algérien flottant aux quatre vents, avec son mari Abderezak, Mostefaï et son épouse, Mohamed Khider, Benoune et Belkacem Radjef. Toujours souriante, élégante le regard assuré, elle nous conte son passé militant en s'appuyant sur un tas d'articles et de photos anciennes. Lorsqu'elle évoque son enfance et son adolescence, Mamia parle toujours de sa famille qui l'a soutenue, surtout son père, Aïssa Elabdli, qui a bravé un climat hostile, pollué par les préjugés, pour lui ouvrir beaucoup de portes. « Si j'ai pu faire des études, c'est grâce à la volonté tenace de mon père. Il avait été très tôt un adepte de Ben Badis et du réformisme des ulémas qui prônaient la scolarisation des filles. Mais après la mort du cheikh, il s'engagea entièrement dans le Parti du peuple algérien de Messali, dont le but était l'indépendance nationale. J'ai ainsi grandi dans une atmosphère nationaliste. » Issue d'une famille paysanne aisée du haouz de Tlemcen, Mamia, née en 1922, a été obligée à l'âge de 4 ans de quitter son village de Bensekrane avec sa famille. Son père, recherché par la police parce qu'il avait « corrigé » un colon, a dû s'installer au Maroc, à El Ayoune Sidi Mellouk, avant de s'établir à Oujda. « C'était la ville et l'accès au progrès et à la modernité. C'est là que la nouvelle de la réussite pour la première fois d'une jeune Algérienne musulmane au Brevet impressionna toute la communauté et en particulier mes parents. Il s'agissait de Halima Benabed. Ma mère me raconta plus tard qu'au cours de ses prières, elle demandait à Dieu que sa fille puisse elle aussi arriver un jour à un tel degré d'instruction. » Après Oujda, le père est nommé à Nemours (Ghazaouat) où son évolution aboutit à l'engagement politique, influencé par les idées de Ben Badis. Le cheikh, traqué par la police, se réfugia à Nemours, où il mena une vie de clandestin. Aïssa prit part au premier congrès musulman de juin 1936. Mamia entama ses études secondaires en qualité de pensionnaire au lycée de Mascara de 1935 à 1942. Son intérêt pour ses coreligionnaires femmes commença à l'âge de 16 ans, lorsqu'elle choisit un thème de rédaction original « Ce que peuvent penser les femmes musulmanes de leur émancipation ». Elle devait en conclure qu'elles n'en pensaient rien, étant donné leur état de misère, d'ignorance et d'asservissement. « J'y parlais de leur exploitation par les caïds et les zaouïas à la solde de l'administration. Au grand étonnement de toute la classe, j'obtins un 17 et les félicitations, alors que le professeur était réputée pour ne jamais noter au-delà de 13. »
Les caïds, les zaouïas et les colons
« Mon père, qui veillait à mon éducation, me poussa vers les études de sage-femme pour lesquelles je n'étais pas particulièrement chaude à l'époque. Il pensait à l'aspect social et aux services que je pouvais rendre aux femmes enceintes. » A la fin de ses études secondaires, son père l'accompagna, début novembre 1942, à Alger qui abritait l'unique université d'Algérie. « Le rêve allait se réaliser pour moi, mais pas cette année-là. » Le 8 novembre, c'est le débarquement américain, bombardement sur Alger et course folle vers les abris. La rentrée universitaire fut reléguée aux calendes grecques et l'université fermée. Après un intermède d'enseignante, elle renoua, l'année suivante, avec Alger. « Mes études de sage-femme terminées, j'exerçais par la suite le plus beau métier du monde, celui d'aider à donner la vie et qui me procura les plus belles satisfactions de ma vie. » Au cours des études, elle était en contact permanent avec les étudiants en médecine comme la brillante Aldjia Noureddine Benallègue et Nefissa Hamoud. Cette dernière deviendra l'une de ses meilleures amies. « Militante de la première heure, moudjahida émérite et qui de plus aimait passionnément son métier de médecin, tout orienté vers les femmes, puisqu'elle est devenue professeur de gynécologie et qu'elle a terminé sa carrière en tant que ministre de la Santé. » C'est au cours de l'année 1946, que nos chemins se sont croisés dans les premières cellules du PPA, dont j'étais responsable à l'époque. Mamia prit part aux manifestations du 1er Mai 1945. Après la répression sauvage qui s'abattit sur ces révoltés pacifiques, Mamia, avec Kheira Bouayed, Mimi Belahouel, était chargée de soigner clandestinement les nombreux blessés réfugiés dans leurs familles ou chez des amis sûrs. Après avoir vécu intensément ce début du mois de mai, l'engagement de Mamia dans les AML prit fin avec la dissolution de ces derniers. Elle s'est retrouvée tout naturellement engagée dans le PPA et elle militait toujours au sein de l'Association des étudiants musulmans d'Afrique du Nord, présidée par son futur mari, Abderezak, et dont elle deviendra vice-présidente en 1947. Elle est chargée de créer les cellules féminines du PPA. Les premiers militants de cette époque : Nefissa Hafiz, dont le domicile servait de lieu de réunion et dont l'un des fils tombera martyr au champ d'honneur, Nefissa Hamoud (Mme Laliam,) fille d'un muphti pour qui l'Islam est religion de progrès et qui avait tenu à ce que sa fille fasse des études de médecine, ce qui était révolutionnaire à l'époque. Fatima Zekal, Salima Belhaffaf, Malika Mefti, Z'hor Reguimi, Nassima Hablal. Le rôle principal de ces cellules était de répandre par tous les moyens possibles l'idée de lutte pour l'Indépendance nationale.
Belcourt, La Casbah
C'est vers les quartiers populaires que l'action était dirigée. « J'assurais la liaison entre les cellules et le parti représenté successivement par Mahieddine Hafiz, Ali Mahsas, Abderrahmane Taleb et Sid Ali Abdelhamid. » L'action des femmes s'élargit avec la création de l'Association des femmes musulmanes algériennes AFMA, dont Mamia était la présidente et Nefissa Hamoud la secrétaire générale. De son passé de militante, elle a gardé le maintien strict et surtout la rigueur. Le 1er Novembre 1954 était la suite logique de l'action de milliers de militants. « C'est à titre individuel que la plupart des militantes de l'organisation rejoignirent les rangs du FLN. Personnellement, je fus expulsée du territoire national en novembre 1955. A la dissolution de l'Assemblée nationale française, quelques mois plus tard, la loi sur l'état d'urgence prit fin. Je pus regagner l'Algérie et militer au sein d'une cellule FLN avec Nefissa Hamoud et Baya Larab. Nous étions plus particulièrement chargées d'assurer l'hébergement et la liaison à Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda. » Le 24 mai 1956, les premières grandes vagues d'arrestations eurent lieu à Belcourt et à La Casbah, investis par l'armée française. Mamia est arrêtée. Libérée elle demeure traquée ; ce qui l'obligea à aller en Tunisie, où son mari, recherché par la police, la rejoignit un mois plus tard. Mamia a activé au premier Croissant-Rouge algérien, puis amenée avec d'autres militantes à faire entendre la voix de l'Algérie en lutte dans les rencontres féminines internationales. A l'indépendance, Mamia entreprit des études de sciences politiques et elle fit partie en 1965 de la première promotion de l'indépendance. En 1966, le président Boumediène lui fit appel pour organiser l'UNFA. « C'est ainsi, que nous nous retrouvions de nouveau au coude à coude, mais cette fois-ci pour défendre les droits de la femme et assurer sa promotion dans tous les domaines de la vie sociale. Le premier objectif fut la tenue du premier congrès. »
Un engagement sans faille
« Deux points nous tenaient à cœur : le planning familial et le code de la famille. Sur le premier point, nous avons abouti à un succès, puisque le premier centre de planning familial a été ouvert par Nefissa à la maternité de l'hôpital Mustapha en juin 1967. Pour le code de la famille nous demandions la fin de toute discrimination à l'égard des femmes et l'application du principe d'égalité contenu dans la Constitution. A ce sujet, ce fut une véritable guerre d'usure entre l'UNFA Kaïd Ahmed, qui était contre l'abolition de la polygamie. Et pour cause, lui-même était bigame ! Le bras de fer se termina sans nous, puisque nous avions démissionné du secrétariat national. » Que pense-t-elle de toutes ces luttes ? « Les femmes ont progressé et sont présentes dans tous les domaines. Elles représentent une force qu'elles ne soupçonnent peut-être pas. Il faut qu'elles puissent peser sur toutes les décisions les concernant ! » L'Algérie a-t-elle fait des avancées notables ? « Naturellement. De toute façon, moi je positive tout le temps. Il ne faut pas voir que les côtés négatifs. Durant la période la plus sanglante du terrorisme, des oiseaux de mauvais augure avaient prédit que l'Algérie allait basculer. Dans ces périodes troublées, une troupe théâtrale qui joue une pièce à Sétif, cela fait chaud au cœur et redonne espoir, encore plus quand une équipe féminine de foot se produit à Tizi Ouzou. Comme quoi la vie est plus forte que la mort et qu'il ne faut jamais désespérer. » Les gens ont tendance à oublier qu'on revient de loin, rappelle-t-elle. « Mamia est toujours positive », explique Sid Ali Abdelhamid, vieux militant qui l'a connue dans les années tourmentées. « C'est une grande qualité, lorsqu'on doit faire passer des messages. C'est une optimiste perpétuelle et cela compte. » La petite dame vive, énergique a certes des espoirs mais des regrets aussi. Les moues et les gestes de cette femme singulière, cette battante en disent long sur les attitudes ingrates de ses pairs… Sa marginalisation depuis des années a dû lui faire mal. « Ils nous a mis de côté. Nous avons estimé qu'il ne fallait pas forcer les choses. Nous avons accepté notre sort », résume-t-elle amère. En fait, cette femme, dont l'engagement politique est le prolongement de son combat personnel en faveur de l'émancipation et de l'égalité, a dû savoir depuis que la politique est souvent incompatible avec la morale. A l'indépendance déjà, lors de la mise en place de l'Assemblée constituante, son nom est rayé de la liste ! Ça aussi elle s'en est souvenue…
Parcours
Mamia Aïssa Chentouf est née en 1922 près de Tlemcen. Etudes primaires dans la localité, secondaires à Mascara et supérieures à l'université d'Alger. La fibre nationaliste se développera à travers son éducation et l'influence de son père. Jeune, elle est l'une des militantes les plus en vue aux côtés de son amie de toujours Nefissa Hamoud Laliam. Une vie de lutte de plus d'un demi-siècle. Mamia rend hommage à son paternel, mais aussi à son mari Abderezak, avocat, grand militant lui aussi, qui a partagé avec elle les bons et mauvais moments. Sage-femme, Mamia fera partie de la première promotion algérienne en sciences politiques. Boumediène lui confiera l'organisation de l'UNFA (1966-1969), mais elle démissionnera en compagnie de son secrétariat national avec fracas. Elle se retirera de la politique. Agée aujourd'hui de 86 ans, elle coule une retraite paisible avec sa famille...


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