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« Le Jihad comme la guerre contre la terreur ont échoué »
Gilles Kepel. Politologue français, spécialiste du Moyen-Orient
Publié dans El Watan le 07 - 07 - 2008

Dans une de vos interviews, vous déclarez qu'Al Qaïda n'a d'existence en tant qu'organisation qu'à travers internet et les télévisions satellites. Quelle est, selon vous, la part de réalité et de fiction dans ce qui est communément appelé l'organisation (ou la nébuleuse) Al Qaïda ?
Ce que je voulais dire c'est que son domaine de prédilection, aujourd'hui, son mode d'existence principal, c'est internet d'un côté et, de l'autre, les attentats. Or pour devenir un vrai mouvement politique, il faut qu'il embraye avec la réalité sociale. Al Qaïda a tenté de le faire en Irak, en voulant s'imposer comme l'avant-garde de la résistance, mais elle a buté sur l'antagonisme sunnite chiite. Le problème pour Al Qaïda, c'est de trouver un moyen de mobiliser autour d'elle les masses musulmanes. La logique de l'islamisme jihadiste trouve un écho dans les populations désespérées. En ce sens, il faut faire très attention au rythme très élevé des cours du pétrole qui donne une fausse sécurité aux Etats rentiers. Il faut se rappeler que le chah d'Iran est tombé lorsque les cours du pétrole étaient très hauts. L'augmentation des prix du pétrole rend d'autant plus sensible aux inégalités de la distribution (de la rente).
Que pensez-vous justement de cette prétendue affiliation du GSPC à Al Qaïda ? Du symbolique ou du concret ?
Il est difficile de le savoir en l'état actuel de nos informations. Vous savez, aux Etats-Unis, il y a tout un débat entre spécialistes du terrorisme pour savoir dans quelle mesure on dispose toujours, aujourd'hui, d'une sorte de pyramide Al Qaïda où Ben Laden, s'il est toujours vivant, ou Zawahiri, seraient les donneurs d'ordres, des ordres qui seraient exécutés ensuite un peu partout dans le monde. D'autres spécialistes estiment par contre qu'il s'agit d'une nébuleuse, une franchise, où chacun tient boutique à part sous le sigle d'Al Qaïda. C'est un débat qui fait rage aux Etats-Unis et je crois qu'en reprenant ce phénomène dans sa séquence historique, c'est-à-dire voir qu'il y a eu à travers l'expérience irakienne une volonté de centraliser et de mobiliser et que celle-ci a échoué et que maintenant on a toujours Zawahiri qui existe comme producteur de déclarations, etc., mais qu'on a des groupes qui agissent de manière autonome, à partir d'intérêts locaux et qui se réclament sur cette base de l'idéologie d'Al Qaïda. Je crois que c'est cela qu'on voit au Maghreb. Ce sont davantage des opportunités locales, notamment en ce qui concerne le contrôle de la zone sahélienne de la frontière sud de l'Algérie. La sécurisation du Sud algérien, des champs pétroliers, a eu pour effet de bouleverser le passage des frontières des tribus touareg et autres et susciter chez ces groupes des éléments de révolte et de dissidence qui peuvent parfois utiliser le label d'Al Qaïda.
Le chef de l'organisation terroriste, le GSPC, dit Al Qaïda au Maghreb islamique, s'est offert tout récemment une tribune dans le New York Times. Qu'est-ce que cela vous a inspiré ?
Il y a plusieurs dimensions. La première est qu'on a aujourd'hui un affaiblissement du cœur des activités d'Al Qaïda, notamment à partir de l'échec en Irak. En Irak, Al Qaïda avait souhaité, sans réussir, mobiliser les masses musulmanes contre l'envahisseur croisé ; or elle a essentiellement tué d'autres musulmans, en l'occurrence les chiites. Al Qaïda en ce sens a échoué à se créer une image positive, comme celle du jihad afghan dans les années 1980. Cet échec s'est traduit par des conflits internes virulents. On l'a vu récemment avec la mise en cause de Zawahiri par son ancien mentor, le docteur Fadel, par la nécessité qu'a eu Zawahiri de répondre en publiant en ligne un livre qui s'appelle Tabi'a (La Disculpation) – le Dr Fadel, alias Sayyed Imam Abd Al Aziz Al Sharif, a radicalement remis en cause, dans sa publication intitulée Document d'orientation pour l'activité jihadiste en Egypte et dans le monde (Wathiqat tarshid al 'amal al jihadi fi misr wal-'alam), parue en novembre 2007, les orientations d'Al Qaïda (ndlr). Sur les plans pratique et idéologique, Al Qaïda subit une situation plus difficile que ses dirigeants ne le souhaitaient, notamment avec l'échec en Irak. En termes pratiques, cela se traduit par le renforcement des fronts afghan et pakistanais. Là-bas, ce sont les taliban et les activistes pakistanais qui mènent la danse et les Arabes sont des seconds. Au Maghreb, les groupuscules terroristes ont considéré qu'il serait nettement avantageux d'utiliser le label d'Al Qaïda. Si quelqu'un publie une interview au nom du chef du GSPC, tout le monde s'en fiche et n'a pas accès au New York Times, ou même à El Watan ou El Khabar. En revanche, si on utilise le nom d'Al Qaïda, on est sûr de faire la Une des journaux. C'est un coup médiatique très porteur.
Dans vos nombreux travaux sur l'islamisme radical, vous relevez le phénomène récent de l'apparition de groupuscules autonomes…
C'est un phénomène inquiétant. Des petits groupes à la base se radicalisent essentiellement par internet ou en rencontrant un religieux radical et prennent ensuite leur destin en main en exécutant des attentats, à petite échelle au commencement puis… C'est en réalité un processus de métastases. Cette logique est théorisée par Abu Mossaâb Essouri, qui a publié sur le net un livre intitulé Appel à la résistance islamique globale qui prône une stratégie inverse à celle d'Al Qaïda : de la base vers le haut.
Vous défendiez, avant les attaques du 11 septembre, la thèse selon laquelle la radicalisation des mouvements islamistes serait un signe de déclin. D'après vous, sommes-nous au « postislamisme » ?
Le 11 septembre était une manière pour les islamistes radicaux de trouver une voie alternative à leurs échecs dans les années 1990. Echec en Algérie, en Egypte, en Bosnie, en se focalisant non plus contre ce qu'ils appellent l'ennemi proche – les représentants des puissances locales accusés d'apostasie – mais contre « l'ennemi lointain », considérant que c'est l'occasion de mobiliser les masses. La mobilisation contre cet ennemi n'a pas suivi, c'est le cas en Irak. Ceux qui ont profité finalement du 11 septembre et de l'« éveil » de la conscience dans le monde musulman, ce sont davantage les islamistes modérés qui souhaitent participer, négocier leur insertion au système. On l'a constaté avec l'AKP en Turquie, qui a consolidé son pouvoir. Egalement la transformation du Hamas palestinien, qui a participé et emporté les élections. Le 11 septembre a surtout fourni de l'espace pour l'Iran. Ahmadinjad, qui est un anti-sunnite radical, est aujourd'hui en négociations majeures avec les USA. Négociations qui débuteront dans l'après-présidence Bush. Pour revenir à la question, je dirai qu'on est en tout cas dans une période de multipolarité nouvelle après l'échec de « la guerre contre la terreur ». Il me semble que c'est à l'intérieur de ce nouveau monde multipolaire qu'il faut penser la persistance ou non de la revendication islamiste. En septembre 2007, le Ben Laden « digital » ou « numérique » a expliqué que pour lutter contre la crise des subprimes, les impôts trop élevés, la récession, il faut une conversion massive des Américains : la zakat permet de baisser significativement les impôts. Cela donnait un côté qui paraissait ridicule, décalé de la teneur du langage habituel. Cela renseigne néanmoins comment mènent d'une manière un peu curieuse les dirigeants islamistes radicaux leurs forces à prendre état dans la multipolarisation qui est en train de gagner le monde.
Vous avez également évoqué le concept de postislamisme démocratique. Qu'est-ce que cela signifie exactement ?
L'un des exemples importants est la Turquie. L'AKP, un parti à l'idéologie islamiste au départ, a su incarner un projet de développement économique, rencontrer l'appui d'un certain nombre d'entrepreneurs locaux et, finalement, au fur à mesure, a lui-même transformé assez profondément sa doctrine pour s'intégrer dans le jeu démocratique. Même si à l'intérieur du parti, plusieurs tendances cohabitent.
Ce schéma est-il transposable à l'Algérie ?
Je ne sais pas pour ce qui est de l'Algérie. Par contre, ce qui a rendu l'AKP soluble dans la démocratie, c'est une structure et une culture politiques. En Turquie, il y a une adéquation entre ce qu'on met dans l'urne et ce qui en sort. C'est important. Dans ce pays, il y a des entrepreneurs qui font la richesse de la Turquie. La question qui se pose pour les pays à rente pétrolière est de trouver le moyen de faire émerger, par-delà la rente, une classe moyenne d'entrepreneurs. C'est celle-ci qui permet de construire les bases de la société démocratique.
Vous opposez dans votre dernier ouvrage Terreur et martyre, relever le défi de civilisation, deux « grands récits ». Celui de « la guerre contre la terreur » au « culte du martyre ». Vous y développez, selon les critiques, une grille de lecture simple et cohérente et vous mettez en relief les liens existant, par exemple, entre les luttes à l'intérieur de l'Irak et celles qui ravagent la Palestine, entre les attentats de Londres et les émeutes des banlieues parisiennes ou encore l'assassinat de Theo Van Gogh et de Benazir Bhutto. Pouvez-vous nous en parler davantage ?
On a eu avec ces deux récits deux discours qui ont voulu mobiliser les masses face à l'ennemi. Or, l'un et l'autre, aujourd'hui, ont échoué. Le grand récit des néoconservateurs américains, de Bush, de la guerre contre la terreur n'a pas réussi à accoucher de la démocratie promise au Moyen-Orient. D'un autre côté, le grand récit du jihad et du martyre n'a également pas réussi à mobiliser derrière Zawahiri. Aujourd'hui, cette phase de l'idéologie triomphante est remise en cause à travers une multitude de pôles émergeants, que ce soit l'Europe, le Golfe, etc. Et c'est à travers eux que peuvent se créer des espaces de dépassement du clash des civilisations et du choc des intégrismes.
Pour mettre fin justement à ces chocs, vous avancez l'hypothèse selon laquelle l'Europe peut jouer un rôle important dans le déroulement de ce que vous appellez « le grand récit de l'interdépendance économique ». Le projet de l'union pour la Méditerranée serait-il à même d'incarner ce « hub méditerranéen » capable à la fois d'assurer un développement économique susceptible de faire disparaître le terrorisme ?
L'idée n'est pas seulement l'union pour la Méditerranée (UPM). Il s'agit de mettre sur pied un grand espace qui va de l'Europe au Golfe en passant par la Méditerranée au Sud, dans lequel on pourrait créer une zone de prospérité économique. Mettre ensemble l'industrie, l'université et l'espace de sécurité européen, les ressources énergétiques, les fonds d'investissements (du Golfe) et les ressources humaines du sud et de l'est de la Méditerranée, peut maximiser les atouts et minimiser les difficultés. L'Europe est vieillissante, elle a peu d'investissement ; le Golfe et le Maghreb ont d'énormes problèmes de sécurité, de démographie et une jeunesse peu formée, en mal d'intégration ; il est donc impératif de penser un espace de paix et de prospérité.
L'UPM est-elle une alternative ?
Non. Ce n'est pas une alternative. C'est le prolongement d'une démarche qui était celle de l'Union européenne, en construisant des synergies. Ce n'est pas une démarche qui va du haut vers le bas.


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