Le projet de dépollution de Oued El Harrach avancera, sans nul doute, sur un bon rythme. Ce projet gigantesque sera lancé incessamment par un groupement algéro-coréen. Il comprendra un pôle de recherche pour travailler sur la station de demain. Un circuit pédagogique, ludique et complet. Pour un respect total des riverains, l'unité de traitement sera inodore. Les organisateurs de ce projet, informe-t-on, créeront un ensemble de liens visuels avec le paysage environnant. C'est-à-dire une conception paysagère à l'image de l'architecture et valorisant la qualité du traitement de l'eau. Le projet de dépollution de Oued El Harrach coûtera quelque 38 milliards de DA, avait déclaré le ministre des Ressources en eau, M. Abdelmalek Sellal. Ce projet a été confié à un groupement composé de Cosider et de l'entreprise coréenne Daewoo, spécialisée dans l'environnement. Le délai de réalisation du projet est de 42 mois. Destiné à traiter les eaux de l'oued sur 19 km, à travers la réalisation d'une station d'épuration, le nouveau projet consistera aussi à aménager des aires de loisirs sur les deux rives du cours d'eau pollué depuis plusieurs décennies par les rejets des unités industrielles. A travers de grands travaux d'aménagement sur les deux rives de l'oued, il y aura six terrains de sport gazonnés ouverts au grand public, des aires de plaisance mais aussi une maison de l'environnement asiatique, un musée Afrique et une mosquée. Dès l'achèvement du projet, des eaux épurées et propres vont couler dans l'oued en permanence, car les eaux épurées rejetées à la mer par la station de Baraki seront pompées et canalisées vers Oued El Harrach. La gestion de cet espace, une fois achevé, sera confiée à l'entreprise coréenne Daewoo qui devra s'occuper de la maintenance des équipements avec l'Office des parcs de loisirs d'Alger (Opla) pour une durée de deux ans. En outre, de vastes espaces verts seront aménagés le long des abords de l'oued qui seront plantés d'arbres pouvant contribuer à la dépollution des eaux de l'oued et à l'élimination des mauvaises odeurs qu'il dégage. « AVANT, ON SE BAIGNAIT DANS L'OUED » Selon les anciens habitants de la commune d'El Harrach, il n'existe aucun document qui démontre que les berges de l'oued étaient naguère un lieu de villégiature. Sur place, des personnes âgées, de Sainte Corinne, des Trois-Caves et des autres vieux quartiers banlieusards nous témoignent : « Les berges de l'oued étaient naguère un lieu de repos. Avant que la pollution, sans cesse grandissante, ne vienne en faire un long cours aux odeurs irrespirables, on s'y adonnait à des parties de pêche à la mouche. On y taquinait surtout de la truite. Mieux encore, on organisait, avec nos familles des pique-niques et parfois même, lorsqu'il faisait trop chaud, on se baignait. Il faut dire que l'eau était souvent bonne ». Les escaliers, qui permettent d'accéder aux rives du côté de l'embouchure, au niveau de Mohammadia (ex-Lavigerie), prouvent, en effet, que l'oued était fréquenté auparavant, affirment Hamid et Boualem, deux fonctionnaires retraités, rencontrés au jardin qui jouxte le plus ancien marché de la région « marché Zakaria ». Sur ce même marché, un des commerçants, Ali Bengharbia, menuisier de son état, dira que « la dépollution des eaux de l'oued et l'élimination des mauvaises odeurs, est une action louable qu'il faudra encourager. Par conséquent, ce projet nécessitera la destruction de nos commerces. Nous ne sommes pas contre cette initiative, mais on espère seulement que les autorités locales penseront à nous indemniser de manière équitable. Nous appréhendons de nous retrouver au chômage sans aide aucune ». A quelques mètres plus loin, Rabah, un ancien coiffeur de la région regrette la détérioration de cette « prodigieuse mémoire plusieurs fois millénaire » et souligne l'importance et l'urgence de retrouver son image d'antan. « Avant, on se laissait séduire par l'endroit. De jolies maisons, des rosiers et des oiseaux peignaient une vie de plénitude et sans histoire. Pourtant, aujourd'hui, un grand nombre de foyers et de commerces sont envahis, non seulement par les odeurs nauséabondes, mais aussi par les rats », regrette Rachid Bouda, chef de section formation au niveau de l'établissement de formation professionnelle « Rabah Balghafour ». Pour M. Bouda, la situation s'aggrave vu qu'un bon nombre d'habitants de cette commune souffrent des maladies respiratoires. A bout de nerfs, les habitants ont joué leur va-tout la semaine dernière en réclamant une dépollution urgente de ce oued. Les frémissements d'une issue favorable se font sentir aujourd'hui, vu que ce projet sera bientôt réceptionné. Dans cet ordre d'idées, M. Amirouche Smail, directeur des ressources en eau à la wilaya d'Alger annonce une bonne nouvelle : « Oued El-Harrach sera dans quelques années un futur pôle d'attraction pour les familles algéroises. » DEUX GRANDES STATIONS DE TRAITEMENT DES EAUX USEES INDUSTRIELLES Pour sa part, M. Messaoud Tebani, directeur de l'environnement de la wilaya d'Alger indique que « la pollution véhiculée par Oued El Harrach se présente en deux formes : pollution par les eaux usées urbaines qui se trouvent actuellement pris en charge par la grande Step de Baraki. La seconde est générée par les eaux usées industrielles, de plus de 250 unités réparties entre 3 grandes zones industrielles, à savoir Oued Smar, Gué de Constantine, El Harrach, lequel sera pris en charge par le biais de réalisation de deux grandes stations de traitement des eaux usées industrielles préconisées par le bureau d'étude « SAFAGE », mandaté par le ministère et par le MAT, pour cette mission ». Pour M. Tebani, l'intérêt de cette épuration va permettre de traiter les sources de pollution en amont de l'Oued El Harrach. En conséquence, cette opération permettrait de contribuer à la réussite de la dépollution, à savoir le désenvasement de Oued El Harrach, déjà entamé en aval. 67 KM DE LONGUEUR... Oued El Harrach est un fleuve qui prend naissance dans l'Atlas blidéen près de Hammam Melouane. Il est long de 67 kilomètres et se jette dans la Méditerranée, en plein milieu de la baie d'Alger. Oued El Harrach traverse la plaine de la Mitidja depuis Bougara et irrigue les zones agricoles tout autour, grâce notamment à ses affluents, les Oued Djemaâ, Oued Baba Ali, Oued El Terro. Mais son principal affluent est l'oued Smar qui traverse une zone industrielle de la banlieue est d'Alger. Autrefois prisé par les pêcheurs, il est devenu aujourd'hui extrêmement pollué, il dépasse de 30 fois les normes acceptées et 400 fois les normes de l'OMS 2. En effet, il traverse sur ses 9 derniers kilomètres, jusqu'à son embouchure, un important tissu urbain et industriel (ZI de Baba Ali, ZI Gué de Constantine et ZI El Harrach) qui déverse ses rejets chimiques et ses eaux usées. La pollution du fleuve menace désormais la baie d'Alger, puisqu'en 2005, une étude menée par le Japonais Mitsuo Yoshida a découvert du plomb, du chlore, du zinc et du chrome en forte quantité rejetés dans la mer.