On dit que parfois l'enfer est pavé de bonnes intentions. Présentement, c'est le chemin que semble prendre la décision des autorités du football national relative au plafonnement des salaires des joueurs. La réaction des concernés n'a pas tardé à se manifester. La dernière journée de championnat de Ligue 1 Mobilis a ainsi vu plusieurs équipes interrompre le spectacle pour observer cinq minutes de protestation. Une action qui n'a pas été du goût de la FAF qui menace de sanction les contestataires. La Ligue de football professionnel et la Fédération justifient leur décision par une demande pressante et unanime des présidents des clubs et le souci d'éviter aux SSPA une situation de banqueroute financière. Les motivations qui ont présidé à l'instruction des instances de gestion du football algérien paraissent a priori louables. Néanmoins, le texte en question n'a aucun justificatif légal et s'inscrit en faux par rapport aux règles et principes de l'économie de marché et du libéralisme, censés encadrer toute activité, de spectacle soit-elle. La législation algérienne en matière de salaires est, dans cet ordre d'idées, on ne peut plus claire. Elle stipule que le salaire est fixé librement entre l'employeur et le travailleur, soit à travers un contrat de travail individuel ou par l'intermédiaire de la négociation collective. C'est autour de ces deux méthodes que se définissent les conditions d'emploi et de travail autant que les modalités de rémunération. C'est dire si l'oukase administratif du duo FAF-LFP n'a aucune base juridique et donc, de facto, frappé du sceau de la caducité. Faute d'avoir pris le temps de porter à maturité la revendication des présidents des clubs, l'autorité du football se serait, ainsi, engagée dans un processus qui a très peu de chance d'aboutir. Il aurait été bien plus « rentable » pour le football professionnel de voir cette même autorité édicter des normes de gestion rigoureuses des clubs en affinant le cahier des charges, quitte à s'inspirer des pays qui nous ont devancés sur cette voie. Sous d'autres cieux, quand un club transgresse les règles élémentaires de gestion, il subit immédiatement la rigueur de la réglementation et se voit, soit interdit de recrutement, soit rétrogradé, soit privé d'accession. C'est ainsi que le « marché » fonctionne et c'est de cette manière, très capitaliste, que l'on assainit « l'environnement ». Encore faudrait-il qu'il y ait assez de volonté pour contraindre les « boss » des SSPA à jouer le jeu. Dur challenge au regard de la posture quasi schizophrénique des présidents qui, d'un côté, se soumettent au moindre caprice de leurs stars en carton-pâte et, de l'autre, déplorent les conséquences de leurs actes. N'est-ce pas ces mêmes « plaignants » qui, à chaque mercato, se lancent dans une frénétique surenchère salariale, dopant la courbe exponentielle des charges du club ? Ne leur revient-il pas, fort de la législation du travail et de leur position d'employeur, de négocier au mieux les contrats qui les lient aux joueurs et autres staffs technique, administratif et médical ? N'ont-ils donc plus l'obligation de veiller à la pérennité de leur « entreprise » et de lui éviter endettement endémique et banqueroute financière ? En outre, un chiffre très significatif apporte de l'eau au moulin des détracteurs de la décision : sur les 800 joueurs que compte le football professionnel local, moins de 10% perçoivent un salaire supérieur au seuil des 120 millions de centimes. Une vérité qui bas en brèche l'argument de l'endettement par les salaires. Mais le plus grave dans l'histoire ce sont les conséquences qu'aurait l'application de cette mesure. Serait-on à ce point naïf pour croire que les patrons des clubs vont se soumettre à l'ordre de la LFP et de la FAF, en prenant le risque de perdre leurs « perles », de subir la vindicte des supporters et de voir s'envoler la « poule aux œufs d'or » ? Nul doute que les méninges sont déjà en action pour contourner cette contrainte. Connaissant les mœurs des patrons des clubs, il est fort probable que la solution se limiterait à un retour en force de la « chkara » et des caisses noires - encore faudrait-il qu'elles soient un jour parties - dans le modèle de gestion. Cette « option » annihilerait toute traçabilité de l'argent du football et priverait, en outre, le Trésor public, par conséquent l'Etat, d'importantes recettes fiscales étant donné que le complément de salaire, qui transitera par le sachet noir, ne sera ni déclaré ni soumis à l'impôt. L'autre résultante serait de voir le meilleur de notre piètre production de footballeurs aller chercher fortune dans les pays voisins, appauvrissant encore plus un football déjà bien mal en point.