La grande personnalité italienne qu'a été Enrico Mattei a énormément œuvré dans son soutien à la guerre de Libération nationale de l'Algérie. C'est pour rappeler sa mémoire qu'un colloque international, sous le patronage du Président de la République, a été organisé mardi dernier par l'ambassade d'Italie en Algérie et l'Institut culturel italien. Mme Maria Battaglia, directrice de cet institut, a présidé toutes les séances de ce colloque. C'est au plus fort de cette guerre de Libération nationale, dans ses années 1957 à 1962, qu'a été actif Enrico Mattei. "Le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) avait fait appel à cette personnalité italienne connue pour ses positions anticoloniales, afin d'apporter son concours à la manière de mener les négociations s'agissant du dossier pétrolier", a indiqué M. Daho Oud Kablia, ancien cadre du Ministère de l'Armement et des liaisons générales (MALG), actuellement ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales. Il a souligné, à ce propos, que les négociateurs algériens, grâce aux éclaircissements d'Enrico Mattei, avaient réussi à cerner l'enjeu des négociations d'Evian, à savoir la souveraineté de l'Algérie sur le sol et le sous-sol du Sahara algérien. M. Ould Kablia a estimé, dans ce cadre, que ce sont les positions de Mattei sur le dossier pétrolier algérien qui lui ont coûté la vie. S'appuyant sur plusieurs témoignages récents, M. Ould Kablia a estimé que la thèse de son assassinat par les services français "serait la plus plausible", soulignant, à ce propos, qu"'ils (les services français) n'avaient aucun scrupule à éliminer toute personne contrariant leurs plans". De son côté, M. Mohamed Khelladi, ancien directeur du service Documentation et Recherche (DDR), dépendant du MALG, a rappelé la participation de Mattei à la résistance contre l'occupant nazi en Italie, soulignant qu'il était parmi les 5 dirigeants de cette résistance. "Il a mis à la disposition du GPRA tous les dossiers sur les gisements de pétrole du Sud algérien en possession de l'ENI", a révélé M. Kelladi. Comme l'a souligné M. Réda Malek dans son intervention, Enrico Mattei était profondément convaincu de l'indépendance de l'Algérie. Il a su créer un climat anticolonialiste décisif dans un pays comme l'Italie, pays européen qui se devait, en tant que membre de l'Europe et de l'Otan, de suivre une politique officielle en concordance avec la position de la France sur le problème algérien. Ce courant anticolonialiste de la part d'un pays occidental, a œuvré par sa constance et sa fermeté dans le temps à la justesse de la cause algérienne. En même temps, Enrico Mattei trouvait dans la future Algérie, un partenaire de choix pour l'établissement de liens privilégiés dans la coopération énergétique entre les deux pays. Cet objectif a été largement atteint dans l'Algérie post- indépendance, puisque comme l'a souligné M. Réda Malek, un gazoduc qui porte le nom de Enrico Mattei a été construit sur trois mille deux cents kilomètres, reliant l'Algérie à l'Italie et transportant annuellement plus de trente milliards de mètres cubes de gaz. Enrico Mattei a également institué au sein de l'entreprise d'Etat des hydrocarbures, l'ENI qu'il a créée, une école destinée aux jeunes du tiers monde et où de nombreux Algériens ont formés aux techniques d'extraction et de production. Les témoignages qui se sont succédé au cours de cette journée ont porté sur les rencontres qu'a effectivement faites Enrico avec les dirigeants de la Révolution de Novembre, aussi bien dans les villes en Italie qu'en Egypte, en Libye et même en Sibérie. Des hommes qui l'ont ainsi rencontré, aujourd'hui âgés, sont venus ainsi au cours de ce colloque évoquer ces souvenirs et rappeler sa mémoire. Ce fut le cas des anciens du MALG, Mohamed Kelladi, Ali Cherif Deroua, Reda Rahal, Jafar Skenazen, Des spécialistes venus d'Italie ont animé ce colloque. Ils appartiennent en partie à l'ENI, à l'image de Mattia Voltaggio qui a présenté le film, l'Affaire Matei, primé au festival de Cannes et de Lucia Nardi qui a fait ressortir les capacités de diplomatie de Enrico Mattei au profit de l'Algérie. Ce thème a été aussi exposé par la Pr Bruna Bagnato de l'université de Florence. Les jeunes générations d'Algériens ont côtoyé à ce colloque les anciens de la Révolution, où a prévalu le sentiment nationaliste. A l'image de Amina Roza et Amel, voulant savoir toujours plus sur l'histoire de l'Algérie. Dans cet esprit, la mémoire de Enrico Mattei, lui qui était l'homme le plus puissant d'Italie et qui est parti trop tôt, restera vivante pour son action en faveur de la libération du peuple algérien du joug colonial.
