Le 7 juin 1962, 12h40 : trois bombes au phosphore secouent la Faculté d'Alger et détruisent, dans un panache de feu et de fumée noire, la bibliothèque universitaire, qui comptait jusqu'à 600.000 ouvrages, dont des manuscrits, des incunables. L'attentat terroriste portait la signature d'un « mémoricide » qui va hanter la communauté universitaire algérienne bien que sortie vainqueur d'une des plus grandes guerres de libération nationale. Les grands titres de la presse française, dont certains ayant soutenu la colonisation de l'Algérie, avaient même minimisé, voire approuvé, non sans une certaine désinvolture, cet attentat terroriste contre la bibliothèque universitaire de la Faculté d'Alger. L'écrivain et journaliste Yves Courrière, proche des ultras, écrira, le lendemain de l'attentat, dans le journal de la droite, Le Figaro : « Le 7 juin 1962, un panache de fumée couronna Alger. La bibliothèque universitaire venait de sauter. 600.000 livres brûlaient... On n'allait quand même pas leur laisser -notre- culture et notre science ». La France savait Un des représentants du gouvernement français aux négociations des accords d'Evian, Robert Buron, commente le triste événement par ceux qui l'ont brûlé. Bref, l'acte criminel étant consommé, fallait-il encore que les pompiers en rajoutent, selon des témoignages, qui rapportent qu'ils dirigeaient les lances vers les parties non atteinte par le feu, noyant les livres, car une grande partie des collections que le feu épargna fut détruite par l'eau, même si le prétexte avancé était d'empêcher le feu de se propager. En fait, il a été vite établi par les autorités algériennes que l'incendie de la bibliothèque universitaire de la Faculté d'Alger a été programmé et planifié par l'OAS, avec la complicité des autorités coloniales. Après un premier attentat terroriste dans la nuit du 7 au 8 avril 1962 qui a suivi les accords d'Evian et le cessez-le-feu, la faculté d'Alger a été fermée. « Un autre attentat au mois de mai (1962), détruisit les bureaux donnant sur la cour d'honneur, et sur ce qu'ils contenaient, en particulier les registres d'inventaires », rapporte, dans son édition du 8 juin 1962, « Paris le jour ». La veille du 7 juin 1962, le conservateur de la BU, qui occupait un appartement au sein même du bâtiment, était invité à partir en urgence. Quant au personnel de la bibliothèque de la ‘Fac d'Alger, il a été rapatrié en mai 1962 sous la forme d'un stage à Paris sur « l'application aux bibliothèques universitaires de la classification décimale universelle ». Dans la foulée, « les archives de l'université d'Alger ont été transférées vers l'université d'Aix », rapporte dans son édition du 8 juin 1962 Le Figaro. Le 7 juin 1962 vers midi, la bibliothèque universitaire d'Alger, que d'aucuns pensent être le plus beau fleuron de la « mission civilisatrice », fut « détruite par ceux-là mêmes qui se vantaient d'avoir apporté la civilisation à un pays inculte », déplore ,dans une longue étude, l'actuel conservateur de la BU, Abdi Abd-Allah. L'organisation des Nations unies pour la culture, la science et l'éducation (Unesco) a, quant à elle, à travers son Mémoire du Monde : « Mémoire perdue », bibliothèques et archives détruites au XXe siècle, omis de classer l'incendie criminel de la bibliothèque de la Faculté d'Alger dans son inventaire.