L'ancien ministre des Affaires étrangères et ex-émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe chargé du dossier de la Syrie, Lakhdar Brahimi, a animé, hier, une conférence au Conseil de la nation intitulée « Les révolutions arabes, entre réalité, mirage ou complot ». Cette rencontre à laquelle ont pris part Abdelkader Bensalah, président de la Chambre haute, Ramtane Lamamra, ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdelkader Zoukh, wali d'Alger, Mohamed Ali Boughazi, conseiller à la présidence de la République, et des parlementaires a permis à ce diplomate de faire un tour d'horizon sur les principaux conflits qui secouent le monde arabe. Selon lui, le Printemps arabe renferme autant de « révolutions que de mirages et de complots ». Là où il a pris forme, il a adopté « les spécificités historiques, politiques, culturelles et sociales de chaque Etat ». Pour expliquer ce phénomène, Brahimi a affirmé que ces événements ne sont pas venus « du néant ». Ils ont été précédés par d'autres faits ayant induit leur déclenchement. Ce ne fut pas non plus « un feu de paille », comme l'avaient prédit les Occidentaux, affirme l'ancien ministre des Affaires étrangères en certifiant que toutes ces « secousses » ont affecté la région en raison des interventions militaires étrangères, dont les retombées seront ressenties également par l'Algérie et tout le voisinage. La Syrie, une nouvelle Somalie ? Le monde arabe est-il victime d'un plan Sykes-Picot bis ? Brahimi répond par la négative en écartant cette éventualité. Prenant le cas de la Syrie, il a fait savoir que ce pays subit une « destruction massive » susceptible de le transformer en une « nouvelle Somalie ». Pour mettre fin à ce conflit, Lakhdar Brahimi estime que la solution réside « dans un rapprochement de la Russie et des Etats-Unis ». Il a souligné, à cet effet, que la Syrie est incapable de trouver à elle seule une solution à sa crise. Malgré les tentatives de rapprochement, les « alliés » de la Russie et des Etats-Unis ont entravé le chemin de la paix. Selon lui, les Occidentaux sont conscients de la nécessité de traiter « diligemment » ce dossier, car menacés par le flux des réfugiés syriens. « La solution au conflit syrien est difficile mais possible », a affirmé Brahimi en faisant remarquer que « seule la Tunisie connaît une évolution satisfaisante suite au printemps arabe. » Mais qu'en est-il de Daech et d'Al Nosra ? Selon Brahimi, Al Nosra n'est autre que la « franchise » d'El Qaïda. Daech par contre est une « organisation irakienne créée après l'élimination d'El Zarkaoui. Elle s'est installée en Syrie à la suite de l'effondrement de son appareil sécuritaire ». « Qualifier tous ceux qui portent les armes de terroristes est exagéré », souligne-t-il en estimant que des zones d'ombre existent sur ce plan. La réconciliation nationale, « une réussite » L'ex-émissaire des Nations unies n'a pas mâché ses mots en avouant que « la Ligue arabe n'a pas du tout adopté une position constructive en ce concerne le conflit syrien ». Il a rappelé qu'elle est intervenue « positivement » au début, mais elle a vite freiné cet élan de solidarité. Brahimi a constaté avec regret que la coopération des Etats membres de la Ligue arabe se dissipe de plus en plus. Pour preuve, le niveau des échanges commerciaux a atteint presque le niveau zéro. Faut-il s'imprégner de l'expérience algérienne en de telles circonstances ? L'ancien ministre des Affaires étrangères a reconnu que l'Algérie a vécu une expérience à la fois « amère et instructive ». Il a pris en exemple la politique de la réconciliation nationale initiée par le président de la République qu'il qualifie de « réussite ». Est-elle applicable dans ces zones de conflit ? Cela échappe à Brahimi qui dit ne pas pourvoir garantir qu'elle peut avoir les mêmes résultats ailleurs. Cependant, il a souligné que « l'Algérie est immunisée » contre la menace externe. « Je n'ai pas peur pour l'Algérie, connaissant bien ses rouages et ses capacités. J'estime également que la France n'a aucune chance de revenir ici », soutient-il en écartant l'existence d'un axe Algérie-Iran-Russie. En ce qui concerne le conflit palestinien, l'invité du Conseil de la nation a avoué que les Etats arabes ont renoncé à cette cause. « L'Algérie a mieux fait que les autres en ce sens », dira-t-il. Pour ce qui est de l'implication israélienne, il a souligné que ces Etats arabes traitant « ouvertement » avec Israël confirment formellement que « leurs rangs sont divisés ». Selon l'ex-diplomate, le vrai défi serait d'éradiquer la « fitna » entre les chiites et les sunnites, afin que le monde arabe retrouve sa « sérénité ».