Les invitations en ce sens ne manquent pas, mais il décline gentiment la sollicitation. Pour lui, faire partie d'une formation de cortège est synonyme de risque d'accident. « Il y a une semaine, un cousin avec lequel j'entretiens de bons rapports a célébré le mariage de son fils. Nous y avons partagé de très bons moments festifs. Seulement, au moment de former le cortège, je me suis retiré pour ne pas y prendre part », raconte-t-il. Et d'ajouter : « Mon cousin m'a cherché partout jusqu'à ce qu'il me trouve. J'ai essayé de lui expliquer que j'ai fait le serment de ne plus prendre part à un cortège, mais peine perdue. Devant son insistance, j'ai rompu à contrecœur mon serment et j'y ai pris part. » A peine sorti de la ville, Ali quitte le cortège. « C'était pour moi impossible de rester dans le cortège, les voitures, surtout celles conduites par des jeunes, ronflaient bruyamment et commençaient à zigzaguer dans tous les sens. A la vue de cette anarchie, j'ai préféré quitter cette ambiance qui ne m'inspirait pas assurance », indique-t-il. A l'en croire, il est de nos jours difficile, voire hasardeux de résister jusqu'au bout du trajet d'un cortège nuptial. « Cela fait presque 30 ans que j'ai mon permis de conduire. L'expérience, à elle seule, ne peut vous éviter un accident, surtout en pareilles circonstances où des chauffards exécutent des manœuvres dangereuses sous prétexte que c'est la fête. Il y a deux ans, j'ai failli en payer le prix. D'où ma décision de ne plus prendre part », confie Ali. Comme Ali, de nombreux pères de famille redoutent ce genre de comportement qui a tendance à se développer davantage ces dernières années, surtout l'été où les cortèges nuptiaux sillonnent les routes et les villes à longueur de journée, notamment les week-ends. « J'ai remarqué ces derniers temps un nouveau phénomène. Des motos encerclent la voiture de la mariée et ouvrent la voie au cortège. C'est certes beau à voir, mais à mon avis, on augmente les risques de survenance d'accidents, compte tenu du comportement de certains motards », observe un habitant de Hadjout. Les récits de conduite dangereuse et de manœuvres suicidaires de certains chauffeurs dans les cortèges ne manquent pas. « Même les passagers en rajoutent pour ainsi dire une couche. Souvent je croise sur l'autoroute des passagers inconscients, en majorité des adolescents, qui s'assoient sur les portières. Il suffit que le conducteur freine pour qu'ils soient projetés en dehors du véhicule », prévient Ahmed de Bou Ismaïl. Selon le lieutenant Bouraâda, chargé de la communication à la sûreté de wilaya de Tipasa, la police n'a enregistré, du moins jusqu'à maintenant, aucun accident impliquant des chauffeurs formant un cortège. « Grâce au dispositif Plan Bleu spécial été, nous avons accentué nos positions sur le terrain, et ce, que ce soit dans les zones urbaines ou bien sur les tronçons routiers relevant du territoire de notre compétence. Cette présence accrue dissuade par implication les conducteurs d'effectuer des manœuvres dangereuses », souligne l'officier en question. La sensibilisation des chauffeurs est, selon lui, un travail quotidien que mènent les agents de la sécurité routière. Même topo sur les autres routes de la wilaya, particulièrement sur la voie express, les RN11 et 67. « Il suffit de voir les gendarmes pour que les chauffards s'assagissent, car ils savent que s'ils s'entêtent à poursuivre l'exécution de leurs manœuvres, ils seront verbalisés et leur permis retiré », atteste un automobiliste. « Je regrette les cortèges de l'ancienne époque. Pas plus loin que dans les années 1980 et 1990, il y régnait une discipline irréprochable », conclut Ali de Fouka.