Un conseil : avant de monter dans un ascenseur, assurez-vous qu'il ne soit pas amoureux ! En effet, sinon vous risquez de vivre les mésaventures du pauvre héros de ce conte : une commande d'étage oubliée, une arrivée à un tout autre niveau, un coup de chauffe à l'intérieur… Une expérience pas vraiment agréable… mais tellement drôle et attendrissante ! Il était une fois un ascenseur du nom de Lord, qui était installé dans un hôtel gratte-ciel. Il ne chômait pas, car il y avait de nombreux étages à desservir, et toujours beaucoup de voyageurs. Heureusement, il n'était pas tout seul ! A sa droite travaillait un autre ascenseur du nom de Louf, et à sa gauche siégeait un vieux monte-charge, en triste état. Lord ne comprenait pas ce qu'il faisait là : il ne servait presque jamais, et quand, par hasard, on faisait appel à lui, c'était un concert de grincements, de couinements du plus mauvais augure… — «Que fait un engin pareil dans un hôtel aussi distingué ?», se demandait Lord. Sans doute le propriétaire de l'hôtel dut-il un jour se faire la même réflexion, car quelque temps plus tard, apparurent les prémices d'un chantier. Une barrière de sécurité, un échafaudage, et une grosse caisse d'évacuation des déchets. — «Oh oh !» dit Lord, «on dirait que le vieux monte-charge va déménager… — «Dommage !», répondit Louf, «moi, je l'aimais bien avec ses grincements de machines… Sa présence va me manquer. Surtout qu'on ne sait pas ce qu'ils vont mettre à la place…» — «Sans doute un autre monte-charge, mais plus moderne, et moins bruyant…», supposa Lord. Le chantier dura quelques jours. A la place du vieux monte-charge, il y avait maintenant un gros vide. — «Peut-être que finalement, ils vont reboucher le trou…», pensa Lord entre deux étages. — «Mouais, m'étonnerait…», dit Louf en décollant, «sinon, ils ne se seraient pas appliqués à faire le passage si net…» En effet, quelques jours plus tard, ils virent arriver l'engin neuf, rutilant. — «Waouh ! ça, c'est du monte-charge ! Quelle caisse, tu as vue ?», lança Lord, admiratif. — «Pas mal, c'est vrai… C'est le progrès, c'est tout !», tempéra Louf. Quelques heures de travail, et l'appareil fut complètement monté. — «Du beau matériel ! C'est presque dommage d'y faire monter des machines dedans…», souffla Lord, arrêté au 18e étage. — «Et je crois que tu as raison, car il m'a semblé que cet engin montait des personnes, comme nous…» ajouta Louf au 24e. — «Quoi, un ascenseur ? Pas possible ! Allons saluer ce collègue !», lança Lord, en redescendant vers le rez-de-chaussée. Arrivé au niveau zéro, il lorgna du côté de son voisin. — «Bonjour, cher collègue, je m'appelle Lord, et vous ?» — «Mon nom est Laura !», répondit doucement l'appareil, en refermant ses portes, timidement. Là, il se produisit un drôle de phénomène, comme un court-circuit général, qui faisait plein d'étincelles… Et Lord, alors que personne ne l'avait appelé, s'éleva allègrement jusqu'au dernier étage ! Heureusement que le toit l'arrêta, car sinon, il serait monté jusqu'au ciel. — «Laura, elle s'appelait Laura… Comment avait-il pu exister sans elle ? C'était un mystère ! Comme elle était belle avec ses parois brillantes ! Et ses portes, tellement émouvantes quand elles se refermaient ! Vite, il fallait qu'il la rejoigne… !» (A suivre...)