Résumé de la 3e partie n Werner demande quelques retouches sur le mannequin et un quart d'heure plus tard, Papillon est seule avec son pygmalion… L'heure tourne. Papillon a revêtu la deuxième robe, et cherche une attitude devant la glace tandis que Werner téléphone à sa mère ainsi qu'il le fait souvent. C'est une vieille femme paralysée de quatre-vingts ans, qu'il adore et respecte. Juive, elle a subi les camps de concentration pendant la guerre, tandis que son mari, Allemand bon teint, poursuivait ses frères de race avec un acharnement de bon aloi. Werner, le fils, n'a jamais pardonné à ce père-là. Sorti d'une pension suisse après la guerre, il s'est consacré au fantôme qu'était devenue sa mère. Un fantôme paralysé, mutilé, terrible. Il la vénère comme son monument aux morts personnel. Sa voix est douce quand il lui parle : «Maman ? Tu es là ?» Papillon n'entend pas la conversation. En tout cas elle ne s'en mêle pas, trop occupée par sa silhouette moulée de lamé argent. Elle retrouve Werner sur le plateau, et tous deuxcontinuent leur travail. Le photographe semble entièrement pris par le déroulement des poses. «C'est bien comme ça, relève un peu le menton, bouge un peu ta main, à plat sur la hanche,O.K.» Troisième robe. Un bleu nuit en mousseline transparente, rehaussée d'une écharpe en fild'or. Papillon fait frissonner la mousseline, et hésite «Tu préfères assise ou debout ? — Debout, chérie, dans la lumière. J'ai besoin de voir tes jambes en transparence.» Werner travaille avec application, sûr de lui, comme s'il avait longuement préparé cetteséance. Quatrième robe. Du satin jaune d'or. Papillon plaisante : «Je voudrais voir les femmes qui vont porter ça, perchées comme moi sur une échelle noire et une jambe en l'air ! Ça va ? — Ça va.» La cinquième robe, blanche à paillettes, a le don d'énerver Papillon. Elle n'arrive pas à l'ajuster. Werner s'en mêle. Puis renonce. «Passe l'autre, on verra plus tard.» La sixième, la septième, la huitième, neuf, dix robes. Werner travaille vite. Papillon a l'habitude. Ils discutent à peine. De temps en temps le photographe donne une indication à son modèle, mais la plupart du temps, il la suit, mitraillant sa silhouette, à raison d'une dizaine de clichés par robe. Puis Papillon enfile la robe suivante, la blanche, si difficile à ajuster. Elle demande si c'est la dernière et Werner répond : «Encore une après ça. Tu verras, c'est la plus belle.» Il y a maintenant trois heures qu'ils travaillent tous les deux et ils sont sûrement fatigués,car Papillon grogne «J'en ai plein le dos de cette robe ! On t'a donné du 44, ma parole ? Qu'est-ce qu'il leurprend ? Ils font des modèles pour femmes fortes ?» Werner, lui, se bat avec un matériel quelconque. Un projecteur sûrement. Papillon réclame son aide à nouveau. Elle est agacée, le ton de sa voix monte. Elle réclame une épingle, puis despinces à linge. Elle en veut à Werner, qui n'a pas gardé de personnel. «Qu'est-ce qui t'a pris de renvoyer tout le monde, pour une séance pareille ? — Regarde-moi ! Je dégouline, et pas de maquilleuse ! J'ai une robe trop grande et pas d'habilleuse ! A suivre