Résumé de la 4e partie n Les pauvres aiment bien recevoir de la main des enfants ; les sous leur en semblent plus jolis… Marie aimait beaucoup le jardinage, et je ne lui en voulais pas pour cela ; mais quand elle avait planté, déplanté et même arrosé ses fleurs, elle s'en allait dans les plates-bandes à côté ravager les choux et les oignons du jardinier. Je la surpris un matin qui arrachait de belles betteraves dans le potager pour les repiquer dans son parterre. Je lui retirai son piquet des mains, et elle se mit dans une telle colère rouge, qu'elle leva la main sur moi en criant et me frappa sur le bras. Aussitôt je lui dis : Mamselle, je ne suis plus ni votre nourrice ni votre servante ; voilà du pain dans ce buffet et de l'eau dans ce pot ; arrangez-vous comme vous voudrez. Et je me retirai dans ma chambre. Qui fut penaude ? Ce fut Marie. J'avais resserré dans le garde-manger la viande, dans le fruitier le dessert, et quand arriva l'heure du dîner, il fallut bien se contenter de pain et d'eau, parce que j'avais défendu à la jardinière de rien donner, ni poire, ni pêche. Par amour-propre, elle ne voulut rien me demander ce soir-là, et elle se coucha toute seule, sans pouvoir ôter son corset. Le lendemain, au déjeuner, même régal : du pain et de l'eau, et le pain devenait dur. Enfin, elle vint frapper à la porte de ma chambre et me promit qu'il ne lui arriverait jamais plus de me battre, et qu'elle était bien fâchée de ce que je ne l'aimais plus. Je l'embrassai, et ce fut fini. Le boucher de la ville avait loué, au-dessous du jardin, un champ où il envoyait paître les vaches, les veaux et les moutons qu'il devait tuer la semaine suivante. Marie passait des heures à regarder ces pauvres bêtes, et quelquefois elle me demandait : Qu'est donc devenue la vache rousse, ou bien le petit veau tout jaune, ou bien le joli mouton qui était là hier ? Alors, je lui répondais qu'on l'avait mené à l'abattoir, et que c'était avec ces malheureux animaux-là qu'on faisait les côtelettes, ou le gigot, ou les grillades qu'elle mangeait à dîner. Un jour, elle me dit : Ma bonne Françoise, voilà deux jolis petits agneaux, l'un blanc, l'autre noir ; je ne voudrais pas que le boucher les tue, je les trouve si gentils, si gentils ! et s'ils étaient à moi, je leur ferais manger l'herbe du verger. Je ne fis pas grande attention à ce qu'elle me disait là ; mais quand le boucher vint le soir chercher ses bestiaux dans le champ, Marie l'appela du haut du chemin : Monsieur Vaudron ! monsieur Vaudron ! est-ce que vous allez les tuer aussi, ces petits agneaux mignons ? A suivre Charles-Philippe de Chennevières-Pointel