Vocation Autodidacte, Fatima s?est adonnée à sa passion juste après avoir arrêté sa scolarité au lycée. «L?araignée», comme ses frères aimaient à l?appeler, ne se séparait jamais de ses aiguilles ou de son crochet. Broderie et tricotage ont été son apprentissage. Puis vint sa rencontre avec la machine à coudre. «Je me suis spécialisée d?abord dans les robes et autres vêtements de fillettes» se rappelle-t-elle. Dès que Fatima fut sûre de son talent, elle aménagea le hangar de la maison en atelier. «J?avais trop de commandes à l?approche des fêtes et cela me gênait d?être sollicitée plusieurs fois par jour à la maison.» L?idée lui vint alors de trouver un atelier en ville. Fatima s?est accrochée à son idée et fut encouragée par son père. Celui-ci tint tête à ses fils qui n?ont jamais vu d?un bon ?il ce que faisait leur s?ur. Idem pour les voisines qui n?arrêtaient pas de lui lancer des piques lors des rencontres estivales. Fatima ne s?est jamais découragée et savait que ce n?était là qu?une jalousie de femmes, ce qui, d?ailleurs, ne faisait que la motiver davantage. «Ces femmes sont devenues mes clientes. Je leur ai bouclé la bouche par mon savoir-faire», dit-elle. Le projet finit quand même par voir le jour. Fatima révèle qu?au début, c?était très difficile. Certains hommes malintentionnés se sont lourdement trompés la prenant pour ce qu?elle n?était pas, une femme facile. Elle a fini par imposer le respect à tous et a même obtenu un crédit bancaire. «Malgré mes échecs successifs, je n?ai pas baissé les bras et suis restée debout. J?ai exposé mes travaux à plusieurs reprises lors de festivals et cérémonies. J?ai fini par avoir des propositions de quelques ateliers d?Alger et d?Oran». Fatima n?en est pas restée là, son permis de conduire en poche, elle achète une voiture et fait ses commissions elle-même avec l?aide de son frère. «Même mes frères ont fini par se rallier à ma cause en constatant ma réussite et le fait que j?avais acquis une réputation de femme respectable.» Fatima a refusé beaucoup de demandes en mariage. «A quoi bon vivre sous la coupe d?un homme et dépendre de lui. C?est ma liberté à moi. Je suis une battante et je veux prouver que la femme peut se mesurer à l?homme même sur son propre terrain. Le mariage, j?y pense, mais à ma manière. Je veux vivre avec mes moyens». Fatima projette d?ouvrir une école de couture où elle transmettra son savoir aux jeunes filles comme elle l?a fait pour sa voisine Fouzia qui a suivi une formation de modéliste avant d?ouvrir un atelier de couture à El-Attaf, une ville à vocation agricole. Un atelier, appelé Djihad où elle s?est associée avec d?autres filles. «C?est pour montrer qu?on mène une guerre contre cette mentalité trop masculine qui veut museler la femme à laquelle on ne donne ni importance ni liberté, mais qu?on n?hésite pas à juger. J?aurais pu aller vivre dans la capitale, mais c?est ici qu?est mon projet. Il grandira et moi avec», déclare Fouzia.