Nasser Hannachi C'est parti pour la douzième édition du Festival international de jazz de Constantine, baptisé Dimajazz, qui s'étale du 20 au 26 septembre. L'ouverture a eu lieu samedi soir dernier sous un charmant chapiteau jouxtant le théâtre de verdure à Zouaghi, sur les hauteurs d'Aïn El Bey. On relèvera l'absence de tout officiel et responsable de la culture de la wilaya, ce qui est pour le moins incompréhensible, d'autant qu'il s'agit d'un évènement culturel institutionnalisé, feront remarquer des observateurs. C'est le commissaire, également membre fondateur du festival, Bouzid Zoheir, qui donnera un aperçu sur le programme de la présente édition «délocalisée à cause des chantiers en ville». «L'opus de 2015, qui coïncidera avec ‘‘Constantine, Capitale de la culture arabe 2015'', verra le Dimajazz accueillir les géants de la musique planétaire», a-t-il déclaré. Et d'ajouter : «Un défi étant donné que la ville est ouverte aux ateliers, et aussi une histoire à perpétuer : le festival devait se tenir pour honorer les engagements du commissariat et respecter ainsi les fins qui l'attendait chaque année.» La soirée inaugurale a vibré entre un jazz dit «méditerranéen» propre à Mamia Cherif, artiste d'origine algérienne née à Lilles et son jazz arabe et le blues-rock puissant signé par l'immense guitariste Eric Sardinas et son véritable Big Motor. Durant plus de deux heures, les mélomanes et les nombreux fidèles du festival ont savouré deux répertoires aux styles différents. L'émotion, la nostalgie et parfois la douleur étaient du côté de Mamia, avec une troupe composée d'éléments de nationalités différentes, mais au parfum méditerranéen : l'Italien Damia Argentier au piano, Fabrice Nicolas à la basse (France), l'Algérien Karim Ziad à la batterie et le Portugais Christian Loutas, qui teintaient tantôt en tango tantôt en salsa les mélodies de la chanteuse. «Je suis de Ouled Bouziane à Bechar», dira-t-elle en survolant un répertoire varié : de Henri Salvador avec Syracuse, Barbara (Gottingen) avec Un soir de bal, Whater Lola wants en plus de quelques compositions personnelles dont Malaïka et Maâlich. Passant de l'espagnol à l'arabe dialectal, du français à l'anglais, Mamia qui raffole des langues puisqu'elles «ont marqué la musique», a offert au public un spectacle «cool», même si la touche arabe dans le jazz ne prenait pas souvent la portée dans sa musique. À ce propos, elle explique : «Si j'avais un bon parolier je m'engagerais dans des textes arabes auxquels se greffent ma musique.» Et de revenir sur le début de son projet : «Au démarrage de ma carrière, j'ai commencé à adapter des standards de jazz en arabe. Mon expérience m'a permis de découvrir la passion des gens pour la mixité des langues. C'est l'une des raisons qui m'ont poussé à chanter polyglotte.» Actuellement, elle prépare un troisième album et compte revenir en Algérie. «Je suis très émue. Cela fait plusieurs années que je voulais chanter ici... le festival que je trouve intéressant m'a ouvert la voie», dira Mamia. Le rock dans l'âme du blues d'Eric Sardinas Eric Sardinas n'a pas brûlé sa guitare en fin de spectacle comme il avait de coutume de le faire. «Croyez-moi, ce n'était pas visible sur scène, mais au fond de moi ma guitare a été brulée...», ironisera-t-il en réponse à notre nos question. Le guitariste, en compagnie de son bassiste Levell Price et de son batteur Bryan Keeling, a enflammé la scène. Que du rythme. Et de la voix. Toujours puisés dans le blues. Le public n'a pu se tenir loin du plateau. Les décibels harmonieux les en a rapproché pour y danser. Véritable transe ! Onglets au pouce et à l'index, Eric explorait son bijou sonore avec une dextérité et une célérité qui n'ont rien à envier au feeling de Clapton ou de Hendrix. Find my heart, Down to whiskey, Texola, All I need, I'm praying seront parmi les titres interprétés. Le chapiteau vibrera durant plus de 90 minutes sous les influences du blues joué notamment à Chicago et au Texas. Eric sardinas est resté fidèle au mythique Douze blues bar dans lequel il exhume son talent et sa musicalité quoique «depuis les années soixante avec le génie de Hendrix cette musique a pris une autre tournure à la guitare», nous confiera-t-il en fin de son éclectique prestation. Questionné sur un éventuel message qu'il pourrait transmettre à travers son talent pour une paix universelle, l'artiste américain lâche sèchement : «C'est une équation impossible, malheureusement.» Et de renchérir : «J'ai chanté la joie, la douleur, la paix, l'amour,... rien n'y fait.» Se produisant pour la première fois en Algérie et en Afrique, Eric et ses Bigs Motors ont trouvé un public connaissant parfaitement les fins fonds de ses tonalités et ce qu'elles expriment en joie et en douleur : «I'll come back, je reviendrais. Merci», promettra-t-il. Dimajazz devait se poursuivre hier avec deux autres belles affiches : Sylvain Beuf Electric Quartet et la diva Sia Tolno. N. H.