Le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme a tenu à rassurer sur la viabilité architecturale de la Grande mosquée d'Alger et sur le strict respect des plans initiaux de construction. A la radio nationale, Abdelmadjid Tebboune a notamment assuré que l'érection du minaret sera, comme prévu, de 265 mètres. Comme quoi, la fierté nationale sera sauve ! Le ministre s'est voulu encore plus rassurant à propos du lien entre la sismicité du sol et la solidité des futurs bâtiments. Selon lui, les normes parasismiques de construction sont tout à fait respectées. Se fiant à des avis d'experts, il a affirmé que les fondations de la mosquée «résisteraient à un séisme de très forte magnitude». Et de pourfendre le catastrophisme de Cassandres perpétuels qui oublient que de gigantesques édifices existent ailleurs, érigés parfois sur des sols sismiques, à l'image de la Tour de 580 mètres de Taiwan. La bonne foi du ministre n'est pas en question car elle n'est pas le sujet. La question de fond relève donc des rêves en hauteur du président Abdelaziz Bouteflika. Ou si l'on veut, de la grandiloquence architecturale qui sublime le religieux. Et Allah est Grand qui veillera sur la future Grande Mosquée d'Alger. Ce projet pharaonique, issu d'un songe de grandeur, spirituelle, bien sûr, d'un chef d'Etat qui a décidé de ne pas lésiner sur les deniers de l'Etat, relève à la fois du grandiose et de la démesure. On peut en juger par les données du projet qui donnent le vertige. 275 000 m2, 120 000 fidèles en prière, un minaret de 265 mètres, un musée d'art et d'histoire islamique, un très grand centre de congrès et une Maison du Coran pour 300 doctorants. Mais aussi des dizaines de cafés et de boutiques et même un multiplexe cinématographique, une immense salle de stockage de chaussures et un parking pour pas moins de 10 000 voitures ! Et surtout un peu plus d'un milliard d'euros, sans compter les probables surcoûts. Chiffres hallucinants à la mesure de la troisième plus grande mosquée de tous les temps après celles de La Mecque et de Médine. Ce projet des siècles algériens avait longtemps rencontré le doute des détracteurs et les interrogations négatives des sceptiques. On y a vu une folie architecturale sur une faille sismique. Celle sur laquelle se trouve le terrain de construction, classé «zone 3», soit le degré sismique le plus élevé du nord du pays. Le site est en effet situé sur l'une des six failles sismiques d'Alger qui convergent toutes vers la fameuse faille du Sahel qui traverse Mohammadia, le bien-nommé quartier d'accueil. Mais trêve de doute car le temps n'est plus aux récriminations. La chimère architecturale est en passe de devenir une réalité, celle d'une nef religieuse en bordure de Méditerranée. Sa position face à la mer n'est pas sans rappeler la Grande mosquée de Casablanca, gigantesque trône architectural face à l'immensité océane. Le parallèle sonne comme un aveu implicite d'existence d'un complexe spirituel inavouable, le complexe al-Qarawiyine. Ou bien, si on se déportait vers l'est de l'Algérie, un syndrome de la Zitouna. Dans les deux cas, l'existence de ces deux prestigieux pôles de la spiritualité malékite rappelle l'absence d'un espace analogue en Algérie. Et on sait que le président algérien est profondément habité par l'idée de doter son pays d'un centre de rayonnement religieux, à l'instar des Qarawiyine, par exemple. En termes de vision, al-Qarawiyine fut pour lui le périgée religieux et la Zitouna le point d'apogée spirituel. C'est vraisemblablement un peu de tout ça qu'il a voulu voir à Mohammadia ! N. K.