Véhicules de la mort, routes de la peur ! 32 personnes sont mortes et 22 autres ont été blessées dans un récent et terrible accident de la route. En cause, un autobus et un poids lourd dans la région de Laghouat. La plupart des victimes sont mortes carbonisées. Une hécatombe supplémentaire qui rappelle de nouveau que les accidents de la route sont la première cause de mortalité en Algérie. Le ministre de la Santé et celui des Transports qui ont fait le déplacement, ont reconnu que la RN-23 reliant Aflou à Laghouat est un point noir. Face à la catastrophe, le ministre des Transports a estimé que «le nouveau permis à points devra permettre un meilleur contrôle des conducteurs». Mais ce permis à points, perçu comme la panacée, est promis depuis des années, sans effet. Pourtant, une personne meurt sur la route toutes les deux heures. Sur les routes du sud du pays, les passagers des autocars sont régulièrement victimes d'accidents. Les routes sont abîmées, les conducteurs de bus roulent à tombeau ouvert, tiennent le volant souvent plus de huit heures d'affilé, et les trajets se font de nuit à cause de la chaleur. Mais la responsabilité incombe également aux chauffeurs de poids lourds, dont les véhicules ont souvent des contrôles techniques défaillants. En 2015, plus de 25 poids lourds ont été impliqués dans des accidents journaliers. On peut multiplier ces bilans macabres à l'envi ! L'accident sur la route Laghouat-Aflou relance en tout cas le débat sur la violence routière en Algérie qui confine au terrorisme routier. Plus de 5 000 morts par an et autant de personnes handicapées ! Les 10 pays où le nombre absolu de décès est le plus élevé au monde sont certes la Chine, l'Inde, le Nigéria, les USA, le Pakistan, l'Indonésie, la Russie, le Brésil, l'Egypte et l'Ethiopie. Mais apprécié par rapport à la population, le réseau routier et le parc automobile, le nombre de morts en Algérie pourrait être le plus élevé au monde ! Les causes de cette mortalité routière sont multiples. En zones montagneuses, on évoque souvent des routes démunies de parapets ou de glissières de sécurité ou même de tout panneau signalant le danger qui tombe à pic. On parle également de l'état des véhicules. Les enquêtes de gendarmerie accusent notamment des systèmes de freinage défaillants et récriminent parfois une météo capricieuse et un mauvais état de la route. D'autres fois, les mauvais freins, le manque d'entretien et l'absence de sécurisation de routes périlleuses. Mais tout cela exprime finalement une double défaillance et une responsabilité double des chauffeurs et de l'Etat. La responsabilité des pouvoirs publics est encore plus importante quand elle est aggravée par les manquements du système de contrôle des véhicules, surtout des cars de voyageurs et des camions. En Algérie, parfois plus qu'ailleurs, la route tue plus que de mesure ! Les chiffres traduisent de sinistres records ! Environ 6 millions de voitures, sans compter les camions et les bus, 4 598 morts rien qu'en 2011 et depuis c'est pire encore ! Estimés donc en proportions, les chiffres de la sinistralité algérienne placent en fait notre pays en tête du peloton de la mort par accident de la circulation ! Dans le détail macabre, cela donne par exemple, en zones urbaines, 2 527 accidents, 98 morts et 2 946 blessés pour les seuls janvier et février 2012. Circuler sur nos routes, en présence de chauffeurs qui sont souvent des névrosés de l'accélérateur qui se transforment en sérial-accidenteurs, est un saut dangereux dans l'imprévu. L'irresponsabilité, le hasard et le chauffard rencontrés, c'est assurément le drame quotidien sur le bitume. En Algérie, on meurt davantage de la route que du fait d'une tumeur maligne ou d'un terroriste barbu. La manière de conduire des chauffeurs et leur façon de se conduire sur les routes, est un véritable cancer. A ce sujet, l'Entreprise nationale de contrôle technique automobile affirme que les conducteurs sont responsables à plus de 80% des accidents. D'ailleurs, dans les fréquentes mises en garde des ministères des Affaires étrangères à leurs ressortissants en Algérie, le comportement des chauffeurs est souligné comme un facteur de risque réel. Au registre des incivilités meurtrières, on relève notamment l'irrespect quasi absolu du code de la route, les excès de vitesse routiniers, les dépassements abusifs, les débordements intempestifs, les queues de poisson, l'irrespect des distances de sécurité, les refus obtus de priorité, les rodéos sur route et bien d'autres attitudes pathologiques. Face aux fous du volant, dont la quête orgasmique a pour objet le levier de vitesse et la pédale d'accélération, l'Etat laxiste se montre souvent impuissant ! Le gouvernement sort de temps en temps des textes répressifs dont l'application relève cependant de services de sécurité routière débonnaires et fatalistes, et d'autre part d'une justice démunie ou laxiste. Ajoutez-y l'inefficacité des contrôles obligatoires, la vétusté de beaucoup de véhicules, la faible signalisation et la pauvreté de la signalétique. Il y a en outre l'état lamentable des routes, y compris, pour partie, l'autoroute Est-Ouest où le bitume, tel du couscous mal roulé, se fissure et se déforme. L'Etat lui-même met le frein sur la pédale de la répression. Il laisse faire alors même qu'il ne dispose pas encore de véritable politique de prévention et de sécurité routières. N. K.
