Une tête a été retrouvée par les gendarmes le 31 juillet à proximité du village kabyle Aït Abdelouahab où Nihal, 4 ans, a disparu le 21 juillet dernier. Découverte funeste faisant suite à celle d'une robe de fillette tâchée de sang, récupérée par un berger allemand. On ignore à ce jour s'il s'agit bien de cette petite qui a probablement été enlevée et dont on est depuis sans nouvelles. Hélas, cette nouvelle manifestation de la barbarie montre que l'horreur indicible, comme ailleurs d'ailleurs, porte des noms, des prénoms et se décline en chiffres macabres. Elle a surtout le visage de doux chérubins et de douces séraphines, ravis à l'amour de leurs familles par la folie imprévisible et meurtrière. Que faudrait-il faire alors face à la sauvagerie inouïe des auteurs des crimes consécutifs à des kidnappings ? Se contenter de leur infliger des peines à perpétuité incompressibles comme le prévoit le Code pénal ? Ou bien aller au-delà en leur appliquant la peine de mort ? Amnesty International n'est pas d'accord avec le fait de condamner à mort les violeurs et autres assassins d'enfants, ainsi que les amants de l'apocalypse que sont les terroristes auteurs de crimes abominables en Algérie. En somme, elle est contre la peine de mort quelle que soit l'abomination criminelle ! A la limite, c'est son problème, dirions-nous, mais la question mérite d'être posée froidement. Car, comme dans d'autres contrées, le débat sur la peine de mort n'est jamais serein. Il met toujours en opposition abolitionnistes et partisans irréductibles de la peine de mort. En Algérie, la grande vague d'indignation qui a déferlé en 2013 sur le pays après l'assassinat de deux minots à Constantine, a même mis au goût du jour l'idée d'appliquer la stricte charia islamique aux psychopathes meurtriers d'enfants. Précisément, la loi du Talion et la mise à mort systématique. Face à l'atrocité et l'ignominie, faudrait-il, comme Amnesty International, prôner donc une approche purement culturaliste, par définition anthropologique et psychanalytique, pour excuser l'abjection, en se montrant aussi clément et miséricordieux ? La question est très difficile et la réponse pas du tout aisée y compris pour le chroniqueur favorable à la peine de mort quand il s'agit de crimes contre les enfants. Mais que faire réellement sachant que la punition extrême ne constitue pas pour autant la panacée ? Et que faire alors face à l'extrême aversion que suscitent les crimes les plus abjects contre les enfants ? Surtout lorsque le phénomène est en augmentation régulière, et quand sa progression est perçue comme exponentielle. Faudrait-il réfléchir à chaque fois au problème sous l'empire de l'émotion et de la psychose, comme celles qui ont envahi le pays après l'assassinat de Brahim et Zakaria à Constantine ? La question est donc plus vaste, plus complexe, car elle concerne et implique l'ensemble de la société et pas seulement l'Etat et ses bras sécuritaires. Par leur ampleur, les chiffres officiels ou émanant du mouvement associatif indiquent que nous vivons dans une société malade et sous l'emprise progressive de la violence qui régit dans bien des cas les rapports sociaux. Mais le phénomène n'est pas nouveau. Il est juste amplifié par les conséquences des années de violence terroriste et dont la perception est grossie parfois par l'effet de zoom d'une presse mercantiliste qui se repaît, telle une charogne, du sang et des cadavres d'enfants violés, mutilés et tués. Le phénomène est bien réel mais sa perception n'est pas toujours juste. La violence subie par les enfants est multiple : maltraitance, crimes pédophiles, exploitation par le travail illégal, errance dans les rues, drogues dans les établissements scolaires, et la liste n'est pas exhaustive. Durant la seule année 2013, 13 000 plaintes pour violences contre les enfants ont été reçues par Nada, unique réseau algérien pour la défense des droits de l'enfant. Pour autant, la colère et l'émotion ne doivent, en aucun cas, justifier la dérive inquiétante du débat déstructuré, enregistré sur les forums sociaux, la blogosphère, dans les journaux et les mosquées. Les crimes de Constantine, après celui de la petite Chaïma de Zéralda, et bien avant celui probable de Nihal, ont mobilisé les partisans de la peine de mort qui demandent à ce que l'on ressorte la guillotine pour les criminels d'enfants. On a même vu un ancien bourreau sortir de sa retraite pour se porter volontaire pour couper les têtes ou étrangler les assassins. Pis encore, des islamistes de tout poil, même des barbus dits modérés comme Abou Djorra Soltani, relayant des prêcheurs déchaînés, ont prôné l'application de «al-qassas». Pour l'ancien chef du MSP, il faut même appliquer strictement la loi du Talion et systématiquement la guillotine. Là, on n'est plus dans l'application de la peine de mort. Mais plutôt dans une dérive inquiétante qui voudrait que l'on applique à l'enfant de l'autre les mêmes sévices, les mêmes exactions. Or ce n'est pas d'une guillotine et de la loi du Talion dont on a le plus besoin pour mieux protéger nos enfants des pitbulls enragés qui les guettent au coin de rue. C'est, en priorité, d'un code de protection de l'enfance assez cohérent, assez clair et assez coercitif qui manque tant au pays plus de cinquante ans après l'Indépendance. Nous avons certes beaucoup de textes sur la protection des droits de l'enfant, mais qui sont dispersés dans différents codes et qui sont parfois en contradiction avec la Convention internationale sur les droits des enfants ratifiée par l'Algérie. Et nous avons surtout besoin d'un ministère de Protection de l'enfance. Pas d'un minuscule secrétariat de la famille, placé sous la tutelle d'un ministère de la Solidarité qui est lui-même le parent pauvre du gouvernement Sellal. N. K.