L'Algérie et le Ghana insistent sur le principe de solutions communes aux problèmes africains et de règlements négociés pour résoudre les conflits    Journée mondiale de la liberté de la presse: nouveaux rôles pour les médias nationaux face aux défis actuels et aux enjeux futurs    Début à Alger des travaux de la 38e session du Comité exécutif de l'UIPA    CHAN 2024: la sélection algérienne A' à pied d'œuvre à Banjul    Ligue 2 amateur: beau duel pour l'accession entre le MB Rouissat et l'USM El Harrach    Athlétisme/Championnat arabe (2e j): 17 nouvelles médailles pour l'Algérie    Le Calife général de la Tariqa Tidjania, Cheikh Ali Belarabi entame une visite au Burkina Faso    Moutons de l'Aïd importés: lancement de l'opération de vente la semaine prochaine dans toutes les wilayas    Palestine/agression sioniste: ce qui se passe à Ghaza "est une abomination"    Plus de 30.000 enfants du sud, des hauts plateaux et de la communauté nationale à l'étranger bénéficieront de camps d'été    Presse écrite et électronique: le statut et le mode de rémunération du président, des membres et du secrétaire général de l'Autorité de régulation publiés au JO    Journée internationale des travailleurs: activités diverses et hommages à des travailleur et des retraités à l'est du pays    Fête du Travail à l'ouest du pays: activités variées et hommages aux travailleurs et aux retraités    Rebiga assiste à "Hô Chi Minh-Ville", à un défilé commémorant le 50e anniversaire de la libération du Sud Vietnam    Les marchandises usagées importées appartenant à l'Etat exonérées des droits et taxes    Il y a cinq ans, disparaissait Idir après un riche parcours de près d'un demi-siècle    Accident mortel à Bouira : le chauffeur de bus placé en détention provisoire    Lazzarini: les allégations visant l'UNRWA menacent la vie et le bien-être de son personnel    Poursuite du stage à Sidi Moussa avec l'intégration des joueurs du CSC    L'Algérie clôture sa participation avec un total de 21 médailles    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Domination de la sphère informelle et écart croissant entre le cours du dinar sur le marché parallèle et celui du cours officiel : quelles solutions ?    Le projet de loi présenté à l'APN    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Le championnat national de football se met à jour    Présentation à Alger des projets associatifs    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Les renégats du Hirak de la discorde    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Quand l'innocence se nomme conscience
Travail des enfants en Algérie
Publié dans La Tribune le 14 - 06 - 2008


Photo : Zoheïr
Reportage réalisé par Ghada Hamrouche
Ils font presque partie du décor. Sur les plages, au bord de routes et des voies express, sur les longs chemins escarpés qui mènent aux villages, ou à l'entrée des marchés dans les grandes villes, ils tentent, tant bien que mal, de vendre leurs marchandises : des cigarettes au détail, des fruits dans de petits paniers en osier et des œufs bouillis. La vente à la sauvette de tout et de rien. Ils vendent, autour des marchés, pains, couscous et bricoles artisanales.
Asma, Ahmed, Youcef ont oublié la signification du mot vacances. L'ont-ils jamais su ? Rien n'est moins sûr. Ils ont troqué leurs rires d'enfants contre un sérieux qui ne les quitte plus. Ils ont acquis ce sérieux des gens responsables. Ceux qui ont la charge d'une famille. Alors que l'Algérie, à l'instar de nombreux pays, célébrait jeudi dernier la Journée internationale de la lutte contre le travail des enfants, Asma, elle, le visage hâlé un cran de plus par ce soleil du 12 juin, les cheveux au vent, a déjà pris place depuis des heures sur cette route nationale 11 qu'elle connaît si bien. Non loin de l'entrée de la coquette ville de Bousmaïl, elle met de l'ordre dans son couffin usé par la besogne quotidienne.
«A peine l'année scolaire terminée, je prépare déjà ma prochaine rentrée scolaire. Septembre n'est plus loin», dit-elle, le nez toujours plongé dans son couffin. «Du matlouaa ou de la kessra ?» interroge-t-elle avec ce pragmatisme distinctif des gens qui n'aiment pas perdre leur temps. Elle s'étonne même des questions de ces intrus d'un moment dans sa vie «d'enfant actif». Quoi de plus normal pour elle que d'aider son père dans les dépenses qu'impliquerait la rentrée scolaire ? «Vous savez, nous ne sommes pas riches. Ma grande sœur prépare ce pain et mon frère et moi nous le vendons. Tout le monde contribue à l'économie familiale», dit-elle du haut de ses dix ans. Ce jeudi, elle était seule sur la route. Son frère devait assister son père dans son travail aux champs. «Il y a beaucoup de tomates qui ont mûri ces jours-ci. Ils doivent les cueillir si on veut en tirer un bon prix», explique-t-elle les yeux rivés sur les clignotants des voitures qui défilent devant elle. De sa condition, Asma n'en retient qu'une chose : elle a de la chance d'être encore à l'école. Certains ne l'ont pas. Ses parents n'ont pas eu autant d'indulgence pour sa sœur aînée.
Si son frère a quitté volontairement l'école, sa frangine a été contrainte de le faire.
«Vous savez, l'Etat ne paie pas notre scolarité. Les 2 000 dinars ne suffisent pas et les parents voulaient qu'elle se consacre à la préparation du pain à longueur de journée pour que l'on puisse vivre convenablement.» Asma et ses frères et sœurs ne sont malheureusement plus une exception. Ces enfants qui viennent chaque année agrandir les rangs des travailleurs du système D sont de plus en plus nombreux.
500 000 enfants, affirme le ministre de la Solidarité nationale. 2 900 000, soutient de son côté l'Organisation internationale du travail. Qu'importe. Ils sont nombreux à intégrer les circuits du travail informel. Non loin de Bousmaïl, et sur la route nationale 42 menant à Koléa, un grand nombre de gamins, alignés, le dos courbé, ramassent les poivrons. «On nous paie 50 DA le casier», lance avec un large sourire Ahmed, sans suspendre sa laborieuse besogne. On a besoin de cet argent pour s'acheter des vêtements neufs. Son copain renchérit : «C'est plus facile de cacher la misère sous une veste ou un manteau. L'été, il faut bien s'habiller pour gagner l'estime des autres et imposer le respect.» Ahmed croit important de dire : «On aurait aimé être sur la plage maintenant mais… tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents qui gagnent bien leur vie.»
Les jeux aquatiques du lac artificiel de la nouvelle ville de Sidi Abdellah ou les toboggans des clubs branchés de Bordj El Kiffan, ils n'en rêvent même pas. Un plongeon près du majestueux Chenoua vaut mieux que tous les endroits branchés pour ces gosses. Certains de ces bambins qui assurent ces récoltes d'été sont toujours écoliers. D'autres ne se souviennent plus de leurs bancs d'école. Youcef fait partie de ces derniers. Il fêtera ses 15 ans dans un mois. Avec l'allure d'un chef accompli, le gamin continue sa tâche tout en jetant, d'un moment à l'autre, un regard furtif sur ses compagnons. «Je surveille s'ils trichent. On doit faire bien et vite pour gagner plus que les autres groupes. La concurrence est rude.» Regrette-t-il l'école ? Absolument pas, dit-il, lui qui doit légalement être encore à l'école jusqu'à ses 16 ans. «Que voulez-vous que je fasse avec cette instruction ?» lance-t-il ironique, avant d'assener comme un coup de massue : «Ceux qui ont des diplômes ne travaillent pas et ceux qui travaillent peinent pour joindre les deux bouts.» L'expérience de sa courte vie lui a appris qu'un salarié n'est jamais à labri de la misère.
L'œil toujours sur ses coéquipiers, il poursuit : «Nous avons de la chance de trouver ces petits boulots qui nous font bien gagner notre vie. Regardez plutôt ces familles qui se sont toutes converties à la mendicité.» Sans se désarçonner, il s'interrogera en arquant le sourcil : «Vous n'avez pas remarqué leur grand nombre ? Ils sont partout. Des enfants entre 8 et 12 ans, des vieux, des vieilles qui arpentent les rues à longueur de journée. Ils entrent dans les magasins, les restaurants, les agences de voyages, perturbent les occupants de ces lieux et personne n'ose les renvoyer ou leur dire d'aller faire la manche ailleurs.» Faire travailler ou mendier des enfants est l'alternative trouvée pour compléter des salaires qui ne subviennent plus aux besoins les plus rudimentaires.
En fait, comment peut-on s'en sortir lorsque le salaire d'un «smigard» est de 12 000 dinars ? Plus que jamais le travail des enfants semble être la solution adéquate pour de nombreuses familles.
Face à la cherté de la vie, à la précarité des emplois, certains Algériens n'hésitent plus à placer la responsabilité de leur foyer sur les frêles épaules de leur progéniture. Tous les plans semblent être bons pour se mettre à l'abri de la misère.
Ces enfants qui rêvent tous de lendemains meilleurs, ces enfants qui côtoient déjà le monde impitoyable des employeurs privés, ces enfants qui travaillent plus de 10 heures par jour sous un soleil de plomb ne comptent que sur leurs petites mains pour sortir de leur condition. Le véhicule qui nous ramène sur Alger croise le bus qui relie Alger à Bousmaïl. Le receveur était un gamin d'à peine 13 ans.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.