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La mort de Hamama, le vol foudroyé
Œuvre posthume de Rachid Hamdad
Publié dans La Tribune le 07 - 01 - 2010

Dans ce regard étonné qui voyage derrière de grosses lunettes, loge un être qui pose des questions, les vraies, celles qui donnent des frissons ; une tête qui accouche des engueulades ; une main qui trace des rêves ; un homme avance à la clarté de ce qui terrasse les ténèbres, les terribles ténèbres du mensonge, serein et souverain, n'ayant pour viatique qu'un paquet de rêves pétris dans l'amour et la fraternité, l'idéal qui fonde l'homme nouveau. Voilà qu'au bout la mort guette. Comme pour rappeler que, derrière les vrais rêves, il y a la mort. Bientôt, elle arrive à cheval et non pas à pied. Il avance, profond, dans les sentiers où chaque pierre rappelle le tombeau mais aussi la fronde, enfance et guérillas infinies où la vie est inscrite au fronton du jour à cueillir. La fin a sonné. Rachid Hamdad s'est endormi. Avant de s'envoler éternellement, Hamama, comme le pigeon d'antan, apporte son dernier message.
Il est toujours assez curieux de lire une œuvre posthume et, de surcroît, celle d'un être qui, éteint dans des circonstances glaciales, connaît la même fin tragique que son personnage. La Mort de Hamama, de Rachid Hamdad, est de ces livres qui laissent un amer goût, à la fois par ce triste partage et aussi par ce qui y est dit. La Mort de Hamama, titre éloquent, simple et profond, dessine tout ce pourrissement qui a saisi le pays, y a pris racine et n'arrête pas d'entraver toute forme de rêve et ce, dans une écriture bien ciselée et fine. Ce geste est l'ultime engueulade de Rachid Hamdad qui promettait à chaque ligne une guerre à ce pays qui s'empoisonne à coups de vols et de viols et qui, au demeurant, dévorait sa progéniture. Il met le doigt dans ce que nous hésitons à nommer et, plus grave encore, des choses vautrées dans le silence complice des glissements, des mensonges qui ont aidé à l'édification d'un pays mensonger et pourri jusqu'à l'os. Par l'image de Hamama, une femme qui se suicide, foudroyée par la désespérance et traînée dans toute la crasse par une meute qui aboie la mort, Rachid Hamdad débusque toute la société dans ses contradictions les plus mortifères. Il retrace la géographie du chaos et invite le lecteur à plonger dans les plis d'une réalité qui échappe à ceux qui n'ont du réel qu'un piètre savoir livresque et du pays que quelques choses à vendre quand le marché de l'exotisme étale ses stands. C'est aussi la mort de l'oiseau dont l'envol rappelle à l'épanouissement et la liberté. C'est cet oiseau qui chante les envols les plus rebelles qu'on piège, et, du coup, la vie dans sa fragilité. Par ce geste, il démystifie l'image d'une société, la Kabylie surtout, qu'on présente de «démocratique» comme s'efforce à nous le faire avaler certains marchands. Plus que tout, il jette en vrac ce fatras qui engraisse la réalité de tous les jours. Comme «ces coups mortels de Saïd qui avait roué de coups à mort son plus jeune frère qui avait volé une pastèque chez les voisins !
Il avait rendu l'âme après trois jours d'alitement. A ce jour, nul au village n'est encore au fait de la vérité. On avait invoqué une maladie inconnue». A travers ses personnages, Rachid Hamdad diagnostique la société et son pronostic est cuisant. L'oreille attentive et l'œil profond sans être corrompu par les fausses lumières de la hourma, il signe une mise à nu sans concession. Il a su capter les symptômes dans les moindres gestes et les moindres paroles, en homme enraciné et mordu par ce pays fantôme. Tout participe à la subversion que les militants insoumis au comité central puisque la politique joue un rôle central dans le roman, Mahfoudh en est un exemple ; il dit : «Cette attitude entraîne, et tu le sais très bien, des interrogations multiples. Et la plus en vue est de savoir si nous avons vraiment besoin de l'inspiration poétique d'une suicidaire pour mieux affiner notre ligne idéologique.» Dans ce livre à peine achevé, qu'on devine assez aisément aussi bien dans l'agencement que dans la narration, toute la réflexion de Rachid Hamdad est splendidement exposée avec des accents philosophiques. En outre, dans la ruine où baignent les nageurs, il y a des échappées poétiques, des rêveries et même des délires de Mahfoudh qui transforment tout le désespoir en une fête de poésie : «J'admets qu'à un certain degré de perversion, c'est bien l'amour qui terrorise», dit-il. Tout le livre est étoilé par des questions essentielles qui devraient inciter à fouiller dans les entrailles de ce pays «Mais pourquoi donc notre histoire a toujours coulé en un fleuve de sang et grandi en un monceau de chair en éternelle putréfaction», dit Salah à sa femme Ferroudja. Ce geste fatal, qui foudroie l'oiseau en plein vol, lègue un chant funèbre d'un pays désormais enclavé dans les meurtrissures. Court mais dense, ce livre révèle dans sa nudité la société dans toute sa décomposition et rappelle le désastre des expériences qui n'ont cessé d'accoucher de monstres. La rigidité et l'intolérance de la société frappent à mort les êtres. Ce livre rappelle très bien qu'une société qui ne tolère pas la différence est une société condamnée à la disparition. Et ce n'est pas fortuit si la mort hante les territoires du roman. Que pourrait-on ajouter pour consoler l'œil qui voit défiler des cadavres, l'iniquité qui y règne, sinon l'éveil d'une bouche querelleuse, insoumise ? Rachid Hamdad reconstitue les écorchures dans une écriture limpide et dans une bouleversante et tragique sagesse. L'art d'exprimer la déchéance est dans le subtil geste même de décrypter la réalité et de la transformer. Car trouver une forme à cette réalité mortifère, c'est aussi,s'exposer au danger de se frayer un chemin dans le désordre des choses. Avoir ce texte entre les mains, c'est sentir des frissons que seuls les vrais livres provoquent. Le personnage de Rachid a le même destin que lui. Comment ne pas sentir cette présence à fleur de peau d'un être qui venait juste de larguer les amarres de la vie alors qu'il venait tout juste d'écrire son destin ? Cela ne s'appelle pas de la confusion même si le préfacier, M. Kali, conteste ce fait, cela s'appelle tout simplement hasard devenu réalité.
La lecture laisse un âpre goût de l'histoire d'un pays qui n'arrive pas à se redresser, pays où toutes les ignominies sont possibles, où l'essentiel est sacrifié pour d'étranges causes ; le foot est là pour confirmer cela. Heureusement, des êtres comme Rachid Hamdad continuent à déchiffrer l'obscur alphabet de ce pays. Peut-être qu'un jour on saura en comprendre un bout.
A. L.


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