L'épopée, à la limite inattendue, de l'équipe nationale de foot pour la qualification en Coupe du monde et son cheminement dans la plus prestigieuse compétition africaine a été décortiquée sous toutes les coutures à ce jour. Passion, drogue, séduction, instrument d'élévation morale et sportive ou levier politique, le foot est tout cela et plus encore dans tous les pays où il est le sport favori, le plus pratiqué, où certains clubs sont de grandes entreprises cotées en Bourse. Après des décennies d'absence, l'équipe nationale est revenue sur la scène internationale, renouant avec une gloire que l'on croyait éteinte et reléguée au statut stérile, dans le domaine, d'une nostalgie que la majorité des jeunes n'a pas connue. De nombreuses analyses et expertises ont été délivrées, aux plans sociologique et politique, qui étaient autant de messages et d'éclairages à destination des gouvernants, des partis et à la société entière, à partir du foot.Les feux d'artifice de drapeaux, de slogans patriotiques, l'émergence de la gente féminine à chaque sortie des foules après une victoire, l'absence d'incidents à chaque manifestation populaire, le brassage des générations et des catégories socioprofessionnelles, le sain comportement d'un peuple vivant une mixité durement combattue et réprimée par les sectes archaïques qui ne rêvent que de femmes enfermées derrière des murs en béton ou en tissu, ont été une grande leçon et un vécu imprimé dans la mémoire collective. Il serait stupide, dangereux, réactionnaire de continuer comme si rien ne s'était passé et de revenir au charlatanisme et à la bigoterie.Le récent parcours d'une bande de jeunes, dont la plupart vivent et jouent en Europe ou ailleurs, quel que soit le nombre de passeports qu'ils aient, leur lieu de naissance, leur ascendance ont prouvé qu'on peut avoir sa patrie même au bout des crampons. Ce qui n'a rien à voir avec le ronron routier des gardiens autoproclamés des «constantes», de la rente de la guerre de libération transformée en caisse d'épargne ou d'emprunt obligataire consenti par le Trésor public. L'EN est composée d'une élite chevillée à ses racines qu'elle arrose de sa sueur sur les pelouses. D'autres élites dans les sciences, les arts, la recherche, l'économie, l'innovation, la littérature, le management et la gouvernance peuvent faire aussi bien que les joueurs de l'EN, à l'intérieur et à l'étranger, pour les intérêts du pays. Ces élites dans toutes les disciplines, au même titre que l'EN, attendent que les portes s'ouvrent en même temps que se libèrent des espaces, des postes, des responsabilités pour y injecter de la jeunesse, des compétences, de l'imagination, de la morale et de l'intégrité. Après la défaite de l'EN, le 28 janvier 2010, les messages envoyés après la qualification l'ont été de nouveau par de larges couches, essentiellement les jeunes. Un arbitrage approximatif, un record rarement vu dans l'histoire des cartons rouges, un parti pris vulgaire et pathétique, en même temps volontariste, n'ont diminué en rien la valeur de l'EN et l'amour-passion que lui portent les Algériens. Dans la défaite, dans les pires difficultés, le patriotisme et le désir de continuer et d'affronter d'autres défis figurent parmi les constantes fécondes introduites par les manifestants, après la défaite, dans le froid et la nuit. Que l'on y pense. La manière la plus fertile de souvenir et d'accompagner les joueurs qui, eux, suent sur le terrain et ne «baratinent» pas devant des caméras et des micros, serait de permettre à des millions d'autres jeunes d'offrir des joies et des succès dans d'autres sports, dans l'université, l'hôpital, la banque, l'agriculture, l'industrie, la diplomatie, etc. Le foot, malgré la compétence et le professionnalisme des dirigeants de la FAF, de ses cadres anonymes, de l'entraîneur, ne peut tout seul cacher la forêt des scandales, des incompétences grand format, de la laideur de l'urbanisme, de l'impérialisme des ordures ménagères et du chaos des transports collectifs. Dans le cas contraire, il jouerait le rôle d'une feuille de vigne à la merci de la première tempête.Entre la fin de la Coupe d'Afrique et le début de la Coupe du monde, la place est laissée pour des réformes, un rajeunissement du personnel économique et politique, une écoute sérieuse des palpitations du cœur de la société, pour d'autres victoires sur d'autres terrains.Les Vets ont montré les chemins des possibles, suivons-les. A. B.