Souk Ahras : Zerouati appelle au renforcement du rôle des jeunes dans la vie politique    Hamlaoui reçoit une délégation des cadres de l'UNFA    La manifestation "Alger, Capitale de la Culture hassaniya" incarne la profondeur des liens entre l'Algérie, la Mauritanie et le Sahara occidental    Rezig appelle les opérateurs économiques à conquérir le marché africain    L'UIPA appelle à davantage de solidarité pour promouvoir la sécurité et la stabilité dans le monde arabe    Osmani appelle les Algériens à se mobiliser pour préserver et protéger le pays    Nâama: la 16e édition du Festival culturel national de la musique Gnawa débutera le 27 juin    Attaf participe à Istanbul à la séance d'ouverture de la 51e session du Conseil des MAE de l'OCI    Hand/Mondial U21- 2025 (Gr.D - 3e journée) : victoire de l'Algérie face au Canada 33-20    Annaba: le ministre de l'Intérieur donne le coup d'envoi officiel de la saison estivale 2025    Baddari préside une réunion de coordination avec les directeurs des établissements universitaires et des ENS    Transport : Air Algérie cargo prévoit une hausse notable de son activité pour 2025    Belmehdi reçoit le mufti de la République arabe d'Egypte    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 55.908 martyrs    Une délégation ministérielle en visite à Annaba pour présider l'ouverture officielle de la saison estivale    Ligue de Diamant 2025 (Meeting de Paris) : l'Algérien Mohamed Yasser Triki termine 5e au triple saut    L'Iran poursuit sa riposte aux agressions sionistes, plusieurs cibles détruites    Ligue 1 Mobilis: l'ESS renoue avec la victoire, l'USMA sombre à Oran    La nécessité d'un démarrage effectif de toutes les unités industrielles récupérées soulignée    Le Président Abdelmadjid Tebboune s'exprimera lors de l'African Energy Week (AEW) 2025    Missions refusées    « Une page d'histoire figée dans le temps »    18 mois de prison ferme pour publication illicite de sujets du Bac à Ammi Moussa    La sélection algérienne en stage de présélection    Trump pousse Téhéran à se doter de l'arme nucléaire    Les raisons de la dépréciation du dinar sur le marché parallèle et l'impact sur le processus inflationniste    Pour une évaluation des performances des arbitres en fin de saison    Réunion de coordination pour la mise en œuvre du décret portant transfert de l'OREF    Le MCA a un point du titre, suspense pour le maintien    Vers l'intégration de 40 nouvelles spécialités dans le domaine numérique dès la rentrée prochaine    Rush sur le Parc de Mostaland    Donald Trump appelle à la reddition de Téhéran    Un lieu pour l'éveil des enfants à La Haye    « Abdelmadjid Tebboune n'a pas accordé d'entretien à des journaux français »    Déjouer toutes les machinations et conspirations contre l'Algérie    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La quête de l'oubli dans une mémoire tourmentée
Le Passé devant soi de Gibert Gatore aux éditions Chihab
Publié dans La Tribune le 11 - 07 - 2010

Poignant, émouvant, déroutant, tels sont les qualificatifs que l'on pourrait attribuer au roman le Passé devant soi du romancier rwandais Gilbert Gatore, publié par les éditions Chihab.
Dès la première page, une voix avertit les lecteurs : «Chers inconnus, bienvenue dans ce récit. Je dois t'avertir que si, avant de mettre un pied devant l'autre, il te faut distinguer le sentier incertain qui sépare les faits de la fable, le souvenir et la fantaisie ; si la logique et le sens te paraissent une seule et même chose ; si, enfin, l'anticipation est la condition de ton intérêt, ce voyage te sera peut-être insoutenable.» Ainsi, le ton de l'œuvre est donné, dans une écriture fluide, mêlant harmonieusement réalisme et fable. Le Passé devant soi harponne les lecteurs par les tripes et qui resteront longtemps hantés par cette œuvre surprenante.
Le roman alterne, en fait, deux récits, deux voix, deux destins marqués par la tragédie d'un pays que l'auteur a choisi de ne pas nommer. Les deux personnages - Isaro et Niko, la victime et le bourreau dont le point commun est le passé douloureux de massacres engendrés par la folie des hommes. Ces deux personnages partagent en commun le fardeau inhumain d'une telle mémoire à laquelle on ne peut survivre, que l'on appartienne à l'un ou à l'autre camp.
L'histoire d'Isaro et la fable de Niko se relaient dans un style classique pour la première et celui d'une violente fable pour le second. Au-delà des passages «insoutenables» qui plongent le lecteur dans les abysses sombres des hommes, tant sur le plan psychologique que celui d'actes monstrueux, l'auteur se pose tel un humaniste qui relate la détresse humaine face au poids du souvenir, quel que soit le camp de l'individu. Gilbert Gatore choisit de ne pas donner de réponse aux nombreuses questions qu'il pose, de ne pas se poser en juge. Il n'affirme rien, il interroge. Ainsi, Isaro, seule rescapée du massacre de toute sa famille, vit en France dans un exil doré, surprotégée par ses parents adoptifs. Elle qui semble avoir étouffé son passé, un flash à la radio va tout faire remonter à la surface. C'est un véritable cataclysme qui va ébranler son univers, révélant de vieilles blessures encore purulentes : «Elle est contente de constater que ce monde, qui ne doit avoir changé en rien, lui est devenu totalement étranger aujourd'hui.»
Face à cette tragédie de la mémoire, Isaro décide de se consacrer à un projet dont la finalité est de constituer un recueil de témoignages sur cette folie meurtrière. Elle abandonne sa famille et ses brillantes études pour se rendre dans son pays natal et récolter les témoignages des habitants, dans l'espoir vain de comprendre l'inconcevable. Mais cela la mènera dans un tourbillon mémoriel sans fin qui, finalement, ne lui apportera pas la sérénité de l'esprit, mais la poussera vers l'acte ultime de mettre fin aux
tourments de son âme.
Niko, muet de naissance, grandira dans l'indifférence de son père et victime de sa différence, il vivra une enfance solitaire. A l'age adulte, il rejoindra par la force des choses les tortionnaires, armés de gourdins et de machettes. Niko le paria deviendra un redoutable chef sanguinaire, qui trouve dans son statut de bourreau un pouvoir inattendu.
Lorsque s'achèvent les horribles massacres, Niko prenant conscience de ses exactions s'exile alors sur une île maudite, dans une grotte, lieu d'initiations traditionnelles où vivent de grands singes qui le séquestrent. Dans cette solitude, il questionne son existence passée, témoignant de son impuissance à comprendre ce qui, un jour, l'a fait dévier de son chemin tranquille, ce qui lui a fait prendre une machette, ce qui lui a fait massacrer ses proches. Il revient sur son impuissance à comprendre d'où est né le chaos, et aussi ce qui a ramené le monde à un semblant de normalité. Son impuissance à trancher face au choix le plus trivial qui puisse être : mourir ou bien tuer.
Le lecteur est entraîné dans l'esprit de Niko, ce «labyrinthe sauvage» qui égrène au long de paragraphes numérotés, comme des versets bibliques, les insupportables souvenirs et pose des questions dures : «Ceux qui tuent ont-ils une raison ? Et ceux qui meurent ?» «Doit-on quelque chose à son ange gardien ?» «Prendre la vie de quelqu'un interdit-il de disposer de la sienne ?» Pour Niko, la quête de l'oubli est aussi impossible, prisonnier de la justice des singes, alors que celle des hommes a échoué par impuissance ; il se laissera dépérir dans une lente agonie. Ses dernières interrogations avant que son âme ne s'envole sont : «Est-ce lui qui se répand dans l'air sous la forme d'un relent insupportable et au sol l'aspect d'un coulis visqueux et noirâtre que les insectes, écœurés, laissent aux vers ?» Au final, que l'on soit victime ou bourreau, l'esprit est rongé par les mêmes questions : comment pardonner, comment oublier, comment renaître ? Est-ce possible ? Survivant de la tragédie rwandaise, Gilbert Gatore publie, à 26 ans, ce premier roman fort «qui pose avec délicatesse et courage des questions universelles ». Le Passé devant soi, qui a paru en 2008, a obtenu le prix Ouest-France Etonnants voyageurs. C'est le premier tome d'une trilogie intitulée Figures de la vie impossible. L'auteur avait confié à un quotidien français : «Je ne suis pas sûr que la mémoire serve à quelque chose, elle prolonge les événements, mais n'apporte aucune réponse.» Il a ainsi choisi la fiction pour donner la parole à ces êtres blessés, une forme qu'il considère comme «la manière d'approcher une vérité impossible à dire».
S. A.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.