De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La réhabilitation des espaces culturels et patrimoniaux est souvent une opération délicate et onéreuse. C'est l'Etat qui en assume conséquemment les frais. Sous d'autres cieux, de puissantes institutions privées et de richissimes organisations citoyennes y contribuent notablement, mais de telles initiatives sont -du moins pour le moment- quasi inexistantes en Algérie. Après de longues années de «vaches maigres», les budgets publics ont consacré ces derniers temps d'importantes enveloppes à ce chapitre. La wilaya de Béjaïa, à titre d'exemple, en a substantiellement bénéficié. Des travaux de rénovation ont, en effet, touché de nombreux établissements et sites classés. On citera, en premier, les ateliers dédiés à la réfection et à l'équipement de la maison de la culture, du théâtre régional et de la cinémathèque ; trois infrastructures qui comptent depuis toujours parmi les plus sollicitées à travers l'ensemble de la région. Cela dénote, évidemment, l'intérêt accordé de nouveau à un secteur qu'on a complètement délaissé à un moment tragique de l'histoire récente du pays. D'autres programmes sont également en cours de réalisation pour sauver des monuments et des sites historiques de premier plan. Une opération datant de 1999 a effectivement permis de rénover la mosquée de la Casbah où officiait autrefois l'historien et sociologue Abderrahmane Ibn Khaldoun. La structure abrite, aujourd'hui, l'annexe de la bibliothèque nationale. Un chantier de même ampleur est en voie d'exécution à Seddouk. Il porte sur l'étude, la restauration et l'équipement de la madrasa de cheikh Aheddad et de ses équipements annexes. La remise à neuf de ce mausolée, témoin encore du début du lancement de l'insurrection populaire de 1871, sera en principe achevée au cours de cette année. Les pouvoirs publics viennent également de débloquer une enveloppe de 12 milliards de centimes pour la réparation et l'extension de l'école coranique de Sidi Yahia Aïdli, à Tamokra. En plus de la reconstitution de la vieille zaouïa, on compte réaliser 3 nouvelles classes de cours et un internat. Une bibliothèque, un cybercafé et une résidence d'hôtes sont également inscrits dans cette opération. Par ailleurs, des études ont été achevées concernant les travaux de conservation des deux portes, Bab El Fouka et Bab El Bahr, édifiées à l'époque du sultan hammadite En Nacer entre 1067 et 1071, la restauration du fort Abdelkader qui date de l'occupation espagnole au XVIe siècle, la conservation du fort Gouraya (édifié également par les Espagnols), et la remise en l'état de la Qalaa de Ath Abbas, dont la maison de cheikh El Mokrani (meneur du mouvement insurrectionnel de 1871) et la mosquée Ibn Souane. Les services compétents ont déjà sollicité la tutelle pour d'éventuelles inscriptions. Des travaux de confortement sont prévus à la koubba de Sidi Yahia Abou Zakaria (époque médiévale) et au musée de Bordj Moussa (ouvrage militaire espagnol). Dans son plan de sauvegarde du patrimoine cultuel, la direction de tutelle a inscrit le site classé de Tiklat (Tubusuctu, une cité romaine de 25 ha, érigé en 27 av J-C pour servir de colonie aux vétérans de la 7e légion). Le cahier des charges a été déjà approuvé par la commission des marchés de la wilaya. On doit, à ce titre aussi, mentionner l'aménagement de l'ex-tribunal (une œuvre architecturale française datant du XIXe siècle). Ces opérations marquent, selon des responsables locaux, le début d'une prise en charge qui touchera, dans un premier temps, les monuments historiques sérieusement endommagés. Faut-il rappeler que la capitale des Hammadites compte 12 sites et monuments historiques classés, et 8 autres proposés au classement, dont trois ont été récemment admis. Les services de la culture ont répertorié récemment 15 autres constructions patrimoniales non encore classées. C'est dire toute l'ampleur des chantiers qu'il va falloir lancer pour restaurer et mettre en valeur ce joyau culturel et civilisationnel.
