De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Ce n'était donc qu'un feu de paille que cette opération menée tambour battant au cœur de la ville de Annaba pour en libérer les espaces squattés par les commerçants de l'informel. Une campagne sans lendemain pour laquelle avaient été mobilisées les forces de police qui avaient, il y a quelques jours, fait place nette au grand bonheur des commerçants établis et des habitants de la ville. Tout le monde avait applaudi en poussant un ouf de soulagement, puisque, comme nous l'avons rapporté précédemment, Annaba respirait mieux et l'ordre et la loi avaient été rétablis. Mais cette «pression» et cette poigne de fer très perceptible par la présence de dizaines d'agents de l'ordre public aussi jeunes que les vendeurs de l'informel ont duré 3 jours ; 3 jours pendant lesquels tout le monde avait ressenti la présence de l'Etat et se réjouissait de cette décision prise par les autorités locales. Au quatrième jour, les étals sont réapparus, timidement d'abord avec quelques vendeurs qui avaient investi la rue Emir Abdelkader avec quelques cartons placés sur les trottoirs, histoire de jauger la réaction des forces de l'ordre qui n'avaient pas répliqué. Puis ce fut le rush, et les commerçants de l'informel sont revenus à la charge, plus nombreux, plus forts, plus insolents encore à telle enseigne qu'ils occupent aujourd'hui de larges bandes de la chaussée avec en plus une vente à la criée qui dérange les paisibles citoyens riverains de cette rue. La rue Jean Jaurès est bloquée, aucune voiture ne peut passer, du statut de voie de circulation automobile, elle est passée à celui de voie piétonnière où il faut se faufiler pour la franchir. Charrettes à bras de fruits et légumes remplies à ras bord aux alentours du marché en plein centre-ville. Légumes pourris qui traînent sur la chaussée et les trottoirs, papier d'emballage emmené par le vent, cageots entassés un peu partout, et pour couronner le tout, des bagarres entre vendeurs qui en viennent aux mains pour une histoire de place. Les rues Ibn Khaldoun (ex-Gambetta), Larbi Tébessi (ex-Bouskara) et El Hattab, «libérées», il y a quelques jours, ont été reprises et «recolonisées» par les squatteurs qui en sont devenus les maîtres incontestés. Ainsi, toutes sortes de marchandises, toutes sortes de produits sont étalées au grand jour sur la voie publique et se vendent le plus normalement du monde, alors qu'il y a quelque temps, la situation avait été reprise en main par les policiers qui interdisaient tout étal.Les commerçants établis, qui savaient à l'avance que l'opération lancée ne ferait pas long feu, n'étaient pas enthousiastes. «Ce sont des campagnes sans lendemain, ici à la rue Gambetta, nous savons que cela ne durera pas et l'informel reviendra parce qu'il n'y a pas de volonté réelle d'éradiquer ce type de commerce illégal. Cela ne peut pas continuer ainsi, nous payons des charges et des impôts pour rien, puisque nous nous sentons abandonnés par les pouvoirs publics censés réprimer ce type d'activité illégale. Si cela continue, tout le monde baissera rideau et vendra dans la rue, comme tout le monde», nous confie Ammi Hacène, un vieux commerçant de cette rue.La situation aujourd'hui est pire qu'avant et la ville croule sous les produits de l'informel qui a tout envahi. Le soir, à la tombée de la nuit, après le retrait de ces commerçants, on en voit les traces : des cartons, du papier cellophane, des sachets, des cintres en plastique, des légumes pourris et écrasés, des restes de victuailles de toutes sortes, bref des ordures et une saleté répugnante que les éboueurs de la commune tentent de ramasser et d'enlever. Des lendemains qui déchantent ; Annaba replonge une fois de plus dans le commerce illicite.