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«Il faut dire l'humiliation que le fait colonial a infligée à tout un peuple»
L'historien Christian Phéline soutient
Publié dans La Tribune le 09 - 07 - 2012

Entretien réalisé par notre correspondant à Aïn Defla
Madani Azzeddine

La Tribune : Vous venez de présenter une communication sur la révolte de Margueritte, comment est né cet ouvrage ?
CHRISTIAN PHELINE : On ne peut sérieusement écrire l'Histoire qu'en revenant aux documents. Pour raconter avec exactitude le bref soulèvement paysan intervenu dans le petit centre de colonisation appelé Margueritte (Aujourd'hui, Aïn Torki) et ses répercussions politiques, il m'a fallu faire tout un voyage dans les archives du Gouvernement général, des ministères parisiens, de la cour d'assises de Montpellier, de la Chambre des députés, du bagne de Cayenne… Les journaux d'Algérie et de métropole, la presse illustrée ; les cartes postales de l'époque ont constitué, aussi, une source d'une grande richesse.

Que retrace L'Aube d'Une Révolution. Margueritte (Algérie) 26 avril 1901 que vous venez de publier ?
Ce livre qui devra également paraître en Algérie, aux éditions Casbah, sous le titre les Insurgés de l'an 1, raconte, d'abord, le déroulement d'un soulèvement qui, s'il a pris une forme religieuse (Quatre Européens ont été égorgés pour avoir refusé de prononcer la chahada), traduit aussi une exaspération économique face à la menace de nouvelles expropriations foncières, en même temps qu'il met symboliquement au défi tout l'ordre colonial. A mi-parcours des grandes insurrections de 1871-1881 et de l'essor du mouvement national à partir des années 1930, cet épisode manifeste ainsi la persistance d'un courant souterrain de résistance à la colonisation dans une Algérie que le colonisateur croyait définitivement «pacifiée».J'ai, aussi, voulu mettre en évidence l'ampleur disproportionnée d'une répression qui, face à un mouvement qui n'a duré que huit heures et n'a pas dépassé les limites d'un village, a cumulé de violentes représailles, des sanctions économiques immédiates, déployées par l'armée, une procédure judiciaire officielle ayant conduit au plus grand procès d'assises de tout les temps (107 inculpés !) et de multiples tracasseries administratives auxquelles ont été soumis les accusés après leur libération. On reconnaît là, à l'échelle d'un village, la continuité des méthodes d'écrasement déjà pratiquées face à la grande insurrection kabyle de 1871 et qui le seront de nouveau, à grande échelle, à Guelma et Sétif en mai 1945.Le livre attire, enfin, l'attention sur le fossé d'opinion qui, déjà en ce début du XXe siècle, se creuse entre les colons algériens et la métropole : en France, l'alerte de Margueritte provoque, pour la première fois, une réelle interrogation sur les abus économiques et politiques de la colonisation. Le procès d'assises se retourne même contre l'accusation, la défense en faisant une tribune contre la politique menée à Alger, tandis que le jury refuse toute peine de mort et acquitte la grande majorité des inculpés. Et puis, il est vrai, deux mois plus tard, il aura suffi d'un voyage en Algérie du président de la République pour que… tout recommence comme avant !

Vous avez présenté une communication au colloque sur la wilaya IV historique, à Aïn Defla, comment a réagi l'assistance composée de moudjahidine et autres personnalités ? Et qu'avez-vous ressenti ?
Il y avait, déjà, pour moi, une grande force symbolique dans le fait que cette rencontre, consacrée à la mémoire de la Wilaya IV, se soit tenue au pied du Zaccar, à une vingtaine de kilomètres du lieu de la révolte de 1901. Et j'ai bien perçu que chacun de ces combattants qui ont subi de plein fouet la violence de la colonisation et de la guerre pouvait, sans mal, reconnaître ce qui reliait cet épisode lointain à l'expérience de son propre combat mais j'ai, surtout, ressenti beaucoup d'admiration devant l'esprit d'ouverture et de dialogue dont ils ont fait preuve en acceptant, par l'organisation d'un tel débat, que le travail indispensable sur l'Histoire de l'Algérie coloniale puisse être mené et discuté en commun, dès lors que chacun l'aborde avec pour seul guide le respect de la vérité.

Ne pensez-vous pas que la France devrait reconnaître ses crimes de guerre en Algérie durant la période coloniale ?
Je crois qu'il faudrait plutôt, comme cela a déjà été le cas pour les massacres de 1945, que l'on dise publiquement, avec des mots simples et humains, que nous comprenons quelle humiliation le fait colonial a infligé à tout un peuple et que la guerre faite à l'encontre de sa volonté de libération était à la fois inutile, meurtrière et contraire à tous les principes du droit international. Pour qu'une telle parole soit possible et ouvre la voie à un vrai apaisement, sans doute faudrait-il cependant que chacun des deux Etats commence par s'interdire toute instrumentalisation politique, à des fins internes ou de pression diplomatique, des ressentiments mutuels né du drame colonial. Du côté français, n'a-t-on pas vu, au cours de la campagne présidentielle, une propagande anti-immigrés menée par des nostalgiques de l'Algérie française être encouragée, au sommet même de l'Etat, pour les plus mauvais calculs électoraux ? Mais, sans plus attendre, il appartient aux hommes et femmes de bonne foi et de bonne volonté, intellectuels, historiens, citoyens d'œuvrer, par le dialogue, à une réconciliation sans arrière-pensées. Chacun de nos deux pays y ferait une force et une richesse de tous les liens tissés entre eux, par-delà la violence de leur passé commun.

Votre souhait, c'est que votre recherche sur la révolte de Margueritte puisse se poursuivre en Algérie. Est-ce à travers un travail partagé des deux côtés de la Méditerranée ?
Un de mes soucis, tout au long de cette recherche, a été de redonner, chaque fois que c'était possible, un nom et un visage à des insurgés que l'ordre colonial avait traité comme une masse anonyme de «fanatiques», - jusqu'à les désigner, au cours de leur procès, par de simples numéros - !
On dispose ainsi de photographies de groupes de paysans, victimes des rafles effectuées au lendemain de la révolte. J'ai exhumé aussi la liste nominative des inculpés, des quelque 25 d'entre eux qui sont morts en prison ou au bagne, de ceux qui ont été acquittés ou libérés… mais que sont devenus ces derniers, après leur retour au pays ? Quelles traces orales ou écrites leur épopée a-t-elle laissées dans la région, dans leur mechta, dans chaque famille ? Comment, en 1954 et après l'engagement de leurs petits-enfants, a-t-elle marquée cette région du Zaccar ?
Mon souhait est donc très concret : que de jeunes chercheurs, des enseignants, leurs élèves poursuivent, maintenant, sur place, l'enquête qui permettrait de répondre à toutes ces questions. Ce serait, j'en suis sûr, pour la jeune génération le plus beau moyen de se réapproprier le passé et d'en faire, comme y invitait le titre du colloque d'Aïn Defla, une clé pour l'intelligence du présent et la conquête de l'avenir.C'est, en tout cas, en pensant à ces jeunes Algériens d'aujourd'hui, autant qu'aux insurgés de 1901, que j'ai conduit tout ce travail.

Un dernier mot pour les lecteurs de La Tribune ?
Cette phrase splendide d'Albert Camus qui dit si fortement comment, à Margueritte, comme dans tout autre sursaut collectif de dignité, l'isolement et la résignation laissent place à la force d'un dessein partagé : «Je me révolte, donc nous sommes !».


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