Photo : S. Zoheir Par Kamel Amghar L'Etat consacre aujourd'hui un budget conséquent à la culture. Depuis le début des années 2000, les ressources dégagées au profit de ce secteur tranchent nettement avec la période des vaches maigres qui a profondément marqué les deux décennies précédentes. La politique gouvernementale dans ce domaine insiste, du moins jusqu'à présent, sur la programmation de grands événements, les célébrations grandioses et les hommages pompeux aux grands piliers de l'art algérien. «Une année de l'Algérie en France», «Alger, Capitale de la culture arabe», le «Panaf», «Tlemcen, Capitale de la culture islamique» et «Constantine, capitale de la culture Arabe 2015» comptent justement parmi ces grandes entreprises destinées à redorer l'image du pays sur les scènes régionale, continentale et internationale. Le ministère de tutelle a également focalisé sur l'institution de plusieurs festivals internationaux dans les grandes villes du pays. Citons à ce propos le Festival international de théâtre professionnel de Béjaïa, ceux de la musique à Timgad (Batna), la chanson arabe à Djemila (Sétif), des danses africaines (Tizi Ouzou), du cinéma arabe (Oran), du film amazigh (itinérant), de la BD et le Salon international du livre à Alger. Des festivals nationaux ont été également créés pour promouvoir les diverses facettes du patrimoine algérien. Le Festival de la chanson amazigh (Tamanrasset), celui du raï (Oran), la musique classique andalouse et le Jazz (Constantine), le folklore kabyle (Béjaïa), le Gnawa (Béchar), entre autres rendez-vous. Tout cela coûte évidemment très cher. Il est vrai que toutes ces manifestations offrent des espaces d'échanges et de rencontres pour les artistes algériens et leurs homologues étrangers. Un contact qui inspire naturellement un regard actualisé sur le monde. Cela a également permis une nette amélioration de l'image du pays qui a été franchement boycotté durant la longue tragédie de la décennie 1990. Mais en termes d'impact à la base, les retombées ont été des plus minces. Tous ces festivals peinent visiblement à créer des dynamiques culturelles pérennes au niveau local et régional. Avec autant de grandes manifestations, on est en droit d'attendre des dividendes conséquents en matière de socialisation de la culture. Les commissaires et les organisateurs de toutes ces manifestations doivent impérativement se ressaisir en incluant cet objectif dans leurs calculs. Les grosses enveloppes allouées devraient permettre aussi d'encourager la formation (ateliers, forums et colloques), de promouvoir les jeunes talents (concours, soutien à la création) et d'inculquer le raffinement au grand public. A l'échelle régionale et locale, les directions de tutelle et établissements culturels tournent au ralenti. Faute de budgets conséquents et surtout de compétences, ces infrastructures publiques (maisons de culture, centres culturels, salles de cinéma, musées et théâtres) ne remplissent que partiellement leurs missions premières. Absence d'initiatives sérieuses de formation, programmation irrégulière et bureaucratisation excessive limitent sensiblement leur action sur le terrain. Les Assemblées populaires communales (APC) et wilayales (APW) sont à ce titre sommées de prévoir des subventions, au moins égales à celles attribuées au sport, pour permettre au mouvement culturel d'assurer une animation régulière des espaces. En collaboration avec d'autres partenaires, on doit réfléchir à créer des scènes partout ; dans les établissements scolaires, les centres de formation, l'université et les quartiers populaires. Comme il ne suffit pas de débloquer de l'argent, les assemblées locales doivent aussi mettre les gens qu'il faut sur ce dossier, repérer les dispositifs de gestion, de pilotage et d'évaluation permettant de mieux justifier de la pertinence des objectifs fixés, de l'efficacité et de l'efficience des moyens mis en œuvre et de l'utilité des actions conduites. Cela afin de pouvoir apporter, en cas de besoin, les correctifs nécessaires. En somme, il faut absolument veiller à ce que les fonds publics dégagés à cette noble cause portent l'intégralité des fruits attendus. Ce qui, hélas, n'est pas le cas à présent.