Par Amina Hadjiat Le chef de l'Etat attribue à la presse nationale sa journée. Il s'agit du 22 octobre, en hommage au jour de la première parution du journal du FLN/ALN El-Mouqawama El-Djazaïria (la résistance algérienne), en 1955. Le ministre de la Communication, Mohand Oussaïd Belaïd, a transmit ce message présidentiel, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée, hier au Palais de la culture. Pourtant, en quatorze ans à la tête du pays, Abdelaziz Bouteflika n'a jamais accordé d'interview ni répondu aux questions des journalistes algériens. Lors de ses apparitions médiatiques, le Président a toujours choisi de répondre aux questions par d'autres questions, ce qui déstabilise ceux qui ont osé le questionner. Cette stratégie a été payante car, après quelques coups d'éclats, rares ont été les journalistes à retenter l'expérience. Malgré cette distance prise avec la presse nationale, le président de la République a affirmé dans son message, «l'engagement de l'Etat à doter la presse nationale de mécanismes juridiques et de différentes formes de soutien pour lui permettre de s'acquitter de sa noble mission». Par «mécanismes juridiques», le Président évoque peut être la loi organique sur l'information de janvier 2012 dont les articles 83 et 84 disent une chose et son contraire. En effet, l'article 83 stipule en substance que toutes les instances, administrations et institutions sont sommées à fournir au journaliste les informations qu'il demande. Paradoxalement, l'article 84 de cette même loi dresse une longue liste des cas de figure où ces institutions peuvent refuser au journaliste l'accès à l'information. Ce qu'elles ne se privent jamais de faire. Le message présidentiel va encore plus loin. Selon lui, l'Etat offre «un soutien sans restrictions à la liberté de la presse» afin, ajoute-t-il, qu'elle accède «à la place de choix qui lui revient dans le monde de l'information». Effectivement, pendant longtemps, la presse algérienne faisait exception dans le monde en voie de développement. De par le foisonnement des titres et une certaine liberté de ton notamment dans la presse privée. Mais alors que les choses se sont bien améliorées ailleurs, ici tout stagne, voire recule même. Quant à parler de «soutien à la liberté de la presse», c'est oublier la réalité. Les médias sont vulnérables. L'Etat et les opérateurs économiques disposent de plusieurs façons de les priver de liberté. Il y a les dettes d'imprimerie qui font l'objet de chantage s'agissant de la presse écrite. Il y a les agréments qu'on donne au compte-gouttes, ou pas du tout en ce qui concerne l'audiovisuel. Mais il y a surtout le nerf de la guerre : l'argent de la publicité qu'on utilise comme moyen de pression, voire d'orientation de ligne éditoriale. Enfin, le ministre de la Communication estime que l'élaboration des textes d'application du Code de l'information de 2012 dépend de la capacité d'organisation de la corporation. «Organisez-vous en syndicats représentatifs, désignez vos représentants et tout marchera très bien», a-t-il répondu. Une organisation qui sera difficile à mener à bien tant les disparités salariales sont importantes entre presse privée et publique. Tant la situation socioprofessionnelle du journaliste s'est détériorée au fil des années. Mais en ce point, le ministre a en partie raison car la presse algérienne, c'est l'histoire du cordonnier mal chaussé. Si elle veut garantir sa liberté et son indépendance, la corporation doit exister et défendre ses intérêts au même titre qu'elle le fait déjà pour tous les autres corps de métiers. A. H.