Elles ne seraient aujourd'hui que 5 joueuses professionnelles de l'imzad parmi la population féminine des Touareg en Algérie. Cet instrument ancestral joué exclusivement par les femmes qu'accompagnent, de leurs chants et poèmes les hommes. Terza est l'une des joueuses les plus connues de la région de Djanet. Sa photo a figuré plus d'une fois sur les affiches des concerts et autres spectacles joués aussi bien en Algérie qu'à l'étranger. Elle a eu le privilège d'accompagner dans ses tournées le défunt Athmane Baly. Et à chacune de ses représentations, Terza arrache l'admiration des étrangers notamment qui découvrent, pour la première fois, cet instrument inhabituel et une manière de l'exécuter tout aussi distincte. Elle s'est produite aussi bien aux Etats-Unis d'Amérique qu'en Chine, au Japon, en Europe et a sillonné l'Algérie de long en large. Terza (la profusion, en targui) tripote les cordes de son imzad depuis toute petite. Sa prédisposition artistique est encouragée par une mère douée pour cet art qu'elle fit, sans peine, aimer à sa fille. A 86 ans, seule la maladie a réussi à la faire arrêter de jouer, depuis que les caprices physiques de la vieillesse ont dicté leur loi il y a une année. Et encore ! Quand nous lui rendons visite chez elle, elle insiste pour réparer les cordes abîmées de l'instrument avant de jouer quelques notes. Comme si elle ne pouvait se résoudre à ne plus entendre les complaintes si chères à elle et qu'on sent émaner de ses tripes avant d'être traduites par l'imzad. De ses doigts amaigris et tremblotants, elle s'entête à réparer elle-même l'instrument alors que ni sa fille ni ses petites-filles n'ont réussi à le faire. Elle mettra autant d'acharnement à obtenir le bon morceau en dépit d'une évidente fatigue. «Quand elle joue, elle se sent bien, elle est heureuse. Elle nous impose alors le silence !» témoigne l'une de ses petites-filles, Keltoum. Sa fille nous raconte, quant à elle, qu'elle avait commencé à jouer en cachette de son frère qui n'appréciait pas trop cela et lui cassa même un jour son imzad. Après son mariage, elle arrêta de jouer avant de reprendre dès son divorce. Aujourd'hui, elle est la doyenne de l'imzad à Djanet et elles ne sont que deux dans toute la daïra à jouer de cet instrument. Plus jeune, Tletni habite la commune d'Aïn Barbar. C'est dire que la problématique de la relève s'impose d'autant que Terza n'est plus en mesure d'inculquer son savoir à sa progéniture. «Il n'y a que Tletni qui peut le faire mais elle, elle montrera son savoir à ses héritières et seulement peut-être après aux étrangères !» explique Keltoum. Et de noter l'espoir qu'avait suscité, il y a 3 ou 4 ans, l'ouverture d'une école pour l'apprentissage de l'imzad à Tamanrasset : «L'école avait commencé à former une douzaine de jeunes filles, 6 de Djanet et autant de Tamanrasset, mais il semblerait que ces cours ne soient plus dispensés !» Sa cousine Hana, plus jeune, a déjà acquis beaucoup de notions de sa grand-mère avant sa maladie mais qu'elle doit cependant parfaire. «Les jeunes filles d'aujourd'hui ne sont pas tellement intéressées par cet apprentissage, elles préfèrent passer leur temps à suivre les feuilletons à la télévision plutôt que de se soucier de perpétuer ce patrimoine», avance la fille de Terza, qui avoue qu'elle-même n'a pas pu acquérir le talent de sa mère. Elle nous montre, non sans fierté, des diplômes et autres attestations de cette dernière pour ses remarquables participations à des concerts. Fort heureusement, Terza a pu enregistrer, il y a trois ans, un CD contenant 6 chansons mais qui a été distribué uniquement… en France.