Faites-nous rêver, même si vous échouez ! Mohamed Raouraoua nous a fait l'honneur de nous donner la primeur des intentions de l'Equipe nationale en Angola. «On visera la finale et rien d'autre», nous a-t-il confié tout simplement. Une phrase courte, mais ô combien lourde de sens et qui a eu pour effet de réveiller la flamme de tous les supporteurs qui attendaient tous qu'une voix officielle s'accorde à leurs désirs. Ainsi donc, les supporteurs des Verts ont-ils été mis au courant, cinq jours avant le match contre le Malawi, sur les prétentions réelles de l'Algérie dans cette CAN 2010. Revues à la hausse officiellement, les visées de l'EN ne feront que réjouir les supporteurs qui, eux, sont nettement moins prudents que le staff technique. Saâdane a raison de ne pas s'enflammer En effet, Saâdane l'a joué encore une fois très sceptique pour ne pas mettre plus de pression qu'il en faut à ses joueurs et à lui-même. Certes, le cheikh a bien raison de ne pas s'enflammer à la moindre victoire et c'est lui qui connaît le mieux le football que Raouraoua après tout. L'expérience du terrain lui a appris à ne rien promettre en cours de route et attendre le moment propice avant de se lancer corps et âme avec les envies du peuple. Rappelez-vous des débuts des éliminatoires, lorsque Saâdane s'emportait contre tous les impatients qui voulaient le pousser à annoncer que l'Algérie allait viser une place en Coupe du monde. Une prudence qui a pour origine Mexico 86 En ces temps-là, le président était Hamid Haddadj et l'Algérie avait encore beaucoup de peine à faire face à l'adversité que lui imposaient pourtant des vis-à-vis, de pointure nettement plus faible. Appuyé alors par son président de l'époque, Saâdane n'en demandait pas moins, lui dont la pression avait conduit toute sa famille à déserter le domicile familial, à cause des menaces de mort proférées contre lui et les siens par d'illustres abrutis se croyant plus algérien que lui en voulant l'agresser après lui avoir imputé, injustement, la désillusion de «Mexico 86». Pour ces raisons essentiellement, le tandem Saâdane-Haddadj avait donc préféré suivre la voie de la sagesse, en insistant sur le fait que l'Algérie devait plutôt refaire surface sur la scène continentale, avant de rêvasser au faste des années 80. Quand l'Afrique dansait sans l'Algérie… Du coup, le peuple avait été obligé de changer de nature en prenant son mal en patience, allant jusqu'à déserter carrément les matchs de l'EN qui se retrouvait même bannie des unes des journaux, tellement elle n'intéressait plus personne. Il a fallu qu'une étincelle vienne claquer dans ce silence de mort collective pour que jaillisse un faisceau d'espoir qui a allumé dans le ciel de Khartoum un extraordinaire feu d'artifice dont le bouquet final restera gravé pour l'éternité, dans la mémoire collective du peuple. Sauf que, avant cette légendaire bataille du Soudan, il y avait des éléments qui ont fait que l'Algérie en arrive à rêver de Coupe du monde, alors que deux éditions de suite, l'Afrique avait dansé sans nous pendant la CAN. «T'as vu papa ? J'ai tenu ma promesse ! » Il a fallu un heureux concours de circonstances pour que les Verts reprennent leur chlorophylle. Et tout a commencé par l'audace d'un petit génie, nommé Karim Ziani qui, par sa grinta et son talent, avait fait naître un fol espoir dans le cœur des supporteurs. Ziani était, en effet, le seul joueur qui clamait haut et fort qu'il rêvait de qualifier l'Algérie en Coupe du monde. A son papa, il avait même juré de «mener un jour l'équipe du bled au Mondial». Rabah Ziani en était tout ému le jour où son fils l'a appelé de Khartoum pour lui dire : «T'as vu papa ? J'ai tenu ma promesse !» Des guerriers à tous les niveaux Et c'est donc du fusil de notre little big man national qu'est parti le premier baroude d'honneur qui réveilla toute l'Algérie du football. Puis, le destin lui a mis derrière Yahia, Belhadj, Halliche et Bougherra, devenus l'espace d'un temps des potes inséparables. A ceux-là, le ciel a ajouté les tueurs que sont Matmour, Ghezzal, Saïfi et Djebbour et enfin à leurs côtés, de vaillants guerriers qui répondent aux noms de Lemmouchia, Zaoui, Raho, Mansouri, Meghni, Bezzaz, Bouazza, Yebda, Gaouaoui et Chaouchi entre beaucoup d'autres. Raouraoua s'est appuyé sur la volonté des joueurs C'est en découvrant cette volonté affichée par Ziani et ses compagnons de la première heure que Raouraoua, de retour aux commandes, avait senti le coup avant tout le monde. Dès sa réinstallation, le président de la FAF s'est attelé à donner le statut qui allait le mieux à cette EN. A Saâdane, il avait enlevé la crainte de mal faire, le mettant dans des conditions optimales à tous les niveaux. Il lui expliqua qu'il était derrière lui pour le meilleur et pour le pire, le laissant retrouver toute sa confiance et son intelligence tactique. C'est de la sorte que le Cheikh nous a sorti de son béret ce fameux 3-5-2 que tout le monde décria, mais qui nous a finalement menés au paradis. L'envie d'aller en finale et la gagner ! Saâdane avait donc osé se lâcher, dès lors que Raouraoua l'avait poussé au-delà de ses limites. Aujourd'hui encore, c'est le même scénario qui vient de se répéter, avec un entraîneur prudent et un président offensif et kamikaze. Les joueurs ont aussi accueilli ce coup de fouet donné par le patron de la FAF comme un détonateur qui a tonné dans leur tête. L'envie d'aller en finale et de gagner la CAN a commencé à faire son chemin chez l'ensemble des Verts. Fonce cheikh, l'Algérie entière est derrière toi ! Les paroles du guide spirituel ont été bues comme un fortifiant dont une seule gorgée a suffi pour redonner le punch espéré. L'Algérie entière s'est réveillée une fois de plus, pour rêver avec ses Verts. Le mental a changé et Saâdane suivra sans doute la voie ouverte par le président dès son arrivée à Luanda. On n'attend pas de lui qu'il nous promettent la lune, mais juste qu'il continue à nous faire rêver. Qui lui en voudra s'il échoue dans sa mission après toutes les joies qu'il nous a procurées. Fonce cheikh, l'Algérie entière est derrière toi ! Nacym Djender
