Les puristes craignaient que le caractère franc et entier de la Mégane R.S. ne soit dénaturé par le système 4Control. Au final, ajouter deux roues directrices à l'une des meilleures sportives la rend plus passionnante encore à conduire. Même le conducteur d'une Twingo - la moins puissante des Renault avec ses 70 chevaux - doit constamment modérer ses ardeurs s'il tient à conserver son permis. Alors pensez, avec deux cent quatre-vingt chevaux à disposition… On mesure la futilité d'une telle puissance lorsqu'on sait qu'une trentaine d'équidés suffirait à une Mégane pour se maintenir à l'allure réglementaire de 80 km/h, sur le plat. [NdlR : Renault est actionnaire de Challenges.] Pourtant, la Mégane R.S. n'est pas moins pertinente aujourd'hui qu'elle ne l'était du temps des 90 km/h. La popularité des berlines familiales compactes à très hautes performances va même croissant, y compris chez les automobilistes britanniques réputés parmi les plus prudents d'Europe. L'attrait de ces bombinettes ? Procurer des sensations fortes à des vitesses avouables et responsables. Partant de l'idée que l'amateur de conduite sportive n'est jamais plus heureux qu'au volant d'une voiture qui vire sans délai sans glisser du nez, l'Américain Ford a fait de sa Focus RS une survireuse invétérée. Cette familiale en jogging plonge vers la corde avec l'entrain d'un lévrier à l'ouverture des cages de départ. C'est comme si elle avait effacé de son vocabulaire le mot de sous-virage, tare honteuse dans le cénacle des voitures sportives.
4 roues directrices, pour davantage d'agilité Pour l'égaler en agilité, la Mégane R.S. devait-elle passer à son tour à la transmission intégrale pimentée d'un différentiel arrière à vectorisation de couple ? "Il reste des avenues à explorer avant d'en arriver là", estime Philippe Varet, Ingénieur Chef du Projet Mégane Renault Sport. "On peut faire beaucoup de choses avec une simple traction - Honda l'a démontré avec sa Civic Type R. Plus encore si on exploite le potentiel offert par les quatre roues directrices." La nouvelle Mégane R.S. fait donc appel au train arrière directionnel de la Mégane GT, sortie fin 2015. Objectif : accélérer la rotation de la voiture en entrée de virage, pour atténuer la tendance au sous-virage qui affecte la plupart des tractions et diminuer l'angle de braquage des roues. La voiture paraît beaucoup plus vive, comme si elle reposait sur un empattement plus court. En mode Sport, le correcteur de trajectoire autorise même l'arrière à glisser gentiment, de manière prévisible et progressive. Jouissif. Rappelons le principe de ce système 4Control : un vérin électrique commandé par ordinateur braque les roues arrière, tantôt dans le sens opposé (2,7° maxi), tantôt dans le même sens que les roues avant (1° seulement). Le point d'inversion est situé à 60 km/h en temps normal ; à 100 km/h sur le mode le plus sportif, dit "Race".
Le 4Control ne dénature pas le comportement de la R.S. Le résultat est surprenant. On s'attendait à ce que le châssis raffermi et la direction plus directe de la R.S. amplifient la sensation de flottement que l'on ressent parfois au volant de la Mégane GT, lorsque le train arrière réagit avec retard aux injonctions du volant. Il n'en est rien : le nouveau paramétrage rend le 4Control moins brusque et moins désordonné, au grand soulagement de ceux qui redoutaient le parfum artificiel de la GT dans les enchaînements rapides de virages. Un autre trait de caractère typique de l'ancienne Mégane R.S. disparaît : le délestage du train arrière sur gros freinage. Inquiétant pour les uns, savoureux pour les autres, ce mouvement de louvoiement de l'arrière pouvait être exploité pour placer l'auto en entrée de virage. Rien de tout cela avec la nouvelle Mégane R.S., plus stable et moins ferme en suspension.
On peut voyager loin en Mégane R.S. Quand bien même Renault nous assure qu'il correspond aux attentes de la clientèle, cet assouplissement général fera hurler les puristes. Ils préféreront sans doute attendre une première évolution Trophy, donnée pour 300 chevaux au moins et annoncée plus dure sur ses appuis. Il convient néanmoins de saluer cette réussite : la nouvelle Mégane R.S. préserve les vertèbres sans entamer l'efficacité de son comportement, bien au contraire. On connaît des SUV à la fibre pseudo-sportive qui secouent davantage les tissus adipeux. Là encore, la Honda Civic Type R semble avoir été une source d'inspiration pour les ingénieurs de Renault Sport. Le plus fort est que cette amélioration du confort est obtenue sans recourir à un amortissement piloté. Renault Sport se contente de butées hydrauliques, solution moins coûteuse qui rend la réception moins brutale en fin de compression. Résultat, le conducteur bataille moins avec le volant sur route défoncée. Ce confort nouveau tend à gommer la perception de la vitesse. Mais Renault se savait condamné à assouplir sa Mégane R.S. par l'évolution du marché. "En se faisant plus confortable - mais pas moins efficace - la petite soeur de la Mégane R.S. a élargi sa clientèle", souligne Grégoire Ginet, Chef Produit. "Résultat, la Clio R.S. se vend mieux que jamais. Les passionnés de pilotage sont toujours aussi nombreux mais leur part relative diminue au regard de celle des acheteurs à la recherche de plus de facilité et de polyvalence. C'est une bipolarisation du marché des sportives, qui touche aussi bien les citadines que les familiales compactes." Pour mieux y répondre, non seulement Renault la Mégane R.S. accentue le contraste entre ces deux châssis (Sport et Cup, ce dernier plus ferme de 10 %), mais elle améliore la précision du dosage du freinage et se convertit à l'automatisme.
Du Grand Tourisme en attendant du sport Sur le papier, cette boîte EDC 7 constitue une arme de choix pour le pilote. Le double embrayage gomme les ruptures de charge qui bousculent l'attitude de l'auto lors des changements de rapport et diminuent l'adhérence en virage. Dans les faits cependant, on peut reprocher à cette boîte quelques hésitations lorsqu'on saute d'un virage à l'autre. Heureusement, on dispose de palettes au volant pour prendre les choses en main. En lieu et place de quelques milliers de lignes de code dans la programmation du correcteur de trajectoire, la version Cup de la Mégane R.S. bénéficie d'un blocage de différentiel digne de ce nom. Là où l'électronique freine la roue qui patine sur le châssis Sport, les engrenages à hélice du système Torsen répartissent le couple pour offrir un gain sensible en motricité à la Mégane R.S. Cup. Il ne nous a été donné que trois tours de circuit pour apprécier l'efficacité du Torsen. C'est peu. Nous avons tout de même senti le nez de la voiture comme aspiré vers le point de corde, sans grand tiraillement dans le volant lorsqu'on écrase l'accélérateur. Sur le châssis Sport, les corrections sont moins progressives, malgré la présence d'un pivot découplé qui limite beaucoup les remontées de couple.
Le moteur de l'Alpine A110, version 280 chevaux Auréolé de nombreux records prestigieux sur le Nürburgring, le 4-cylindres 2.0 turbo de 275 chevaux prend sa retraite. Il est remplacé par un 4-cylindres 1.8 turbo de 280 chevaux né de l'Alliance avec Nissan. Ce moteur anime déjà le Renault Espace TCe 225, ainsi que l'Alpine A110. Sous le capot de la Mégane R.S., il émet en moyenne 155 g/km de CO2, ce qui lui vaut un malus de 3.113 euros. A ajouter aux 39.400 euros réclamés pour la version 280 EDC à châssis Sport essayée longuement sur route. Le châssis Cup exige une rallonge de 1.500 euros. En modes Neutral et Confort, le 4-cylindres met la sourdine. Une vraie "Grand Tourisme", cette R.S. ! Pour un peu, on se croirait au volant de la Mégane GT 1.6 de 205 chevaux. Enfoncer la touche R.S. libère les vocalises de l'amplificateur sonore logé près du silencieux d'échappement, raffermit la direction et rend plus vive la pédale d'accélérateur. La boîte automatique EDC lisse un peu le caractère de cette mécanique gavée par une turbine à double entrée, de sorte qu'on ne sent pas vraiment de creux avant le gros coup de pied aux fesses qui arrive aux alentours de 2.500 tr/min. Les 390 Nm de couple sont bien là. Les rivales sont bien là, elles aussi. Impossible de ne pas penser à la Seat Leon Cupra, avec son châssis aux petits oignons, son confort de bon aloi et ses 300 chevaux. Bien que plus généreuse en équipements, elle coûte moins cher que la Renault : 35.510 euros, augmenté d'un malus de 3.660 euros. La guerre des sportives compactes aura bien lieu.