Bruno Le Maire et le président de Renault, Jean-Dominique Senard, ont joué la carte de l'apaisement jeudi lors d'un entretien centré sur l'avenir du groupe et de l'alliance avec Nissan, après des tensions autour des responsabilités dans l'échec de la fusion envisagée entre le groupe au losange et Fiat Chrysler Automobiles (FCA). Le ministre de l'Economie et des Finances et le patron du constructeur français ont eu "un excellent entretien, tourné vers l'avenir du groupe Renault et de l'alliance Renault-Nissan", indique-t-on à Bercy, où l'on souhaite "une relation de confiance et apaisée" après les crispations des derniers jours entre le groupe automobile et son principal actionnaire. Lors de cette rencontre d'environ une demi-heure, Bruno Le Maire "a répété que la priorité était le renforcement de l'alliance", précise-t-on dans l'entourage du ministre. Avant ce rendez-vous, le ministre de l'Economie et des Finances avait fait part sur franceinfo de sa volonté de "remettre les points sur les 'i'", notamment sur le fait que les actionnaires définissent la stratégie, le président étant chargé de l'appliquer. "Tant (que l'Etat) est actionnaire de référence, sa responsabilité pour l'entreprise, pour les salariés, pour les usines, pour les centres de recherche, c'est de jouer son rôle d'actionnaire de référence avec les autres actionnaires pour définir une stratégie pour l'entreprise", a-t-il dit sur franceinfo. Mercredi, Jean-Dominique Senard a déclaré à l'assemblée générale de Renault que le retrait brutal de l'offre de Fiat à la suite d'un délai demandé par l'Etat français, qui détient 15% du groupe au losange, le désolait. "Cela m'a toujours paru une opportunité intéressante, ça reste une opportunité intéressante. Mais j'ai toujours été clair: (à condition que ce soit) dans le cadre de la stratégie de renforcement de l'alliance (avec Nissan), ce qui suppose que le partenaire japonais soit associé et ce qui suppose (qu') au bout du compte (il) soit d'accord", a répliqué Bruno Le Maire.
L'état ne va pas "regarder passer les trains" "Nous n'avons jamais opposé, nous, Etat, de veto à cette opération", a-t-il ajouté. "Ensuite, dans un second temps seulement, nous pourrons examiner si ce projet de fusion peut avoir lieu, sans pression, et sans précipitation", a poursuivi le ministre de l'Economie. Des sources ont dit mercredi à Reuters qu'après l'échec de la fusion avec Fiat et face à la crise persistante avec Nissan, Jean-Dominique Senard avait demandé à voir le président de la République Emmanuel Macron pour s'assurer d'être "soutenu au plus haut niveau", en vain jusqu'ici. "J'ai fait le choix la semaine dernière de lui confirmer mon soutien et de lui renouveler ma confiance", a indiqué pour part Bruno Le Maire sur franceinfo. Selon les mêmes sources, les propos du ministre de l'Economie au Japon, le week-end dernier, évoquant la possibilité d'une baisse de la participation de l'Etat dans Renault, voire de celle de Renault dans Nissan, ont également ajouté à l'exaspération de Jean-Dominique Senard. Dans une interview au Figaro de jeudi, le président de Renault rappelle que le conseil d'administration du constructeur est "le seul souverain pour décider de l'évolution des participations de l'entreprise", et qu'il aimerait "être informé en amont des éventuelles prises de position des uns et des autres". "Je souhaite qu'avec l'Etat, le dialogue soit fluide", ajoute-t-il. "Mais il doit être clair pour tout le monde que Renault aujourd'hui n'est plus la Régie ! C'est peut-être le bon vieux temps, mais le monde a évolué." Régie nationale détenue à 100% par l'Etat à l'après-guerre, le groupe au losange a été privatisé en 1995. L'Etat français reste néanmoins aujourd'hui le principal actionnaire de Renault avec 15% du capital. "Tant que l'État est actionnaire de référence de Renault, il jouera son rôle entièrement", a répondu Bruno Le Maire sur France Info. "Ne comptez pas sur moi pour regarder les trains passer."
Senard conforté à l'AG malgré ses déboires Le nouveau président de Renault, Jean-Dominique Senard, a été conforté mercredi par les actionnaires du groupe réunis en assemblée générale, où il était pourtant arrivé affaibli par l'échec du projet de fusion avec Fiat Chrysler (FCA) et les tensions persistantes avec le partenaire Nissan. Avant cette AG, des sources proches du groupe et du gouvernement avaient en outre déclaré à Reuters que Jean-Dominique Senard, mécontent de l'attitude de l'Etat dans les négociations avec Fiat, avait subi un nouveau camouflet avec le refus du président de la République, Emmanuel Macron, de le recevoir. La ratification de son mandat d'administrateur a finalement été votée avec environ 91% des voix et saluée par une salve d'applaudissements de la salle du Palais des congrès à Paris. L'ancien président de Michelin avait été accueilli comme l'homme providentiel en janvier pour succéder à un Carlos Ghosn tombé en disgrâce. Le projet de fusion avec Fiat Chrysler Automobiles, qu'il a défendu, a cependant échoué la semaine dernière après que l'Etat français a demandé un délai supplémentaire pour donner le temps au ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, de surmonter les réticences de Nissan. Après cet épisode, le président de Renault a demandé à rencontrer Emmanuel Macron pour s'assurer de son soutien, en vain, selon les sources de Reuters. "Le vote (du conseil sur le projet de Fiat) n'a pas pu avoir lieu, ce qui me désole", a déclaré le président de Renault à l'assemblée générale, arguant que le projet aurait créé un champion européen capable de rivaliser avec les géants chinois. "Je ne sais pas ce que l'avenir nous dira mais ce projet reste dans ma tête un sujet remarquable et d'exception."
Senard a bon espoir d'un accord avec Nissan sur les comités Sept mois après l'arrestation de Carlos Ghosn sur des accusations de malversations financières, que ce dernier dément, l'alliance franco-japonaise dont il a été l'artisan est en pleine crise. Nissan a refusé d'étudier la fusion complète avec Renault proposée par Jean-Dominique Senard, la priorité du groupe japonais consistant à desserrer l'étreinte de son partenaire français, qui détient 43,4% de son capital. Jean-Dominique Senard s'est alors tourné vers une proposition de fusion avec FCA, préparée sans que Nissan ne soit au courant. Là encore, le président de Renault s'est heurté à un mur, quand son homologue chez Fiat, John Elkann, a retiré son offre face aux conditions fixées par l'Etat français, principal actionnaire de Renault. Quelques jours plus tard, le président de Renault a fait part de son intention de bloquer la réforme de la gouvernance de Nissan à moins que Renault soit mieux représenté dans les puissants comités du groupe japonais, soulevant au passage une vague de protestation au Japon. Jean-Dominique Senard a indiqué mercredi avoir bon espoir que le dialogue régulier qu'il entretient avec Nissan débouche sur un accord sur le sujet des comités. Selon des sources proches de Renault, l'exaspération de Jean-Dominique Senard est encore montée d'un cran quand Bruno Le Maire, soucieux d'apaiser les tensions en marge du G20, a évoqué publiquement la possibilité d'une baisse de la participation de 15% de l'Etat dans Renault, voire de celle de Renault dans Nissan. Le président de Renault, qui s'est senti court-circuité par ces déclarations surprise, a alors confié à des collègues qu'il attendait désormais d'être "soutenu au plus haut niveau", a dit une des sources. Mais celles-ci ajoutent que les services d'Emmanuel Macron ont décliné la proposition de rencontre. "Aux dernières nouvelles il n'y avait pas de rendez-vous avec Senard à l'agenda du Président", s'est borné à déclarer l'Elysée.
En forme et décidé à continuer Renault a refusé de faire un commentaire. Mais des sources proches du président du groupe automobile ont minimisé l'importance de ce refus, ajoutant que Jean-Dominique Senard était déterminé à rester à son poste. Le président de Renault et Emmanuel Macron "communiquent régulièrement par SMS", a souligné l'une de ces sources, et le chef de l'Etat est très pris par d'autres sujets. "Jean-Dominique Senard est en forme, prêt pour son AG et bien décidé à continuer." Une autre source gouvernementale a indiqué de son côté que le gouvernement ne cherchait pas à remplacer Jean-Dominique Senard. "Il a peut-être été mal conseillé. Il est bien évident que pour passer à autre chose (après l'affaire Ghosn), il aurait fallu changer aussi des personnes", a-t-elle dit. L'une des principales missions confiées à Jean-Dominique Senard était de renouer avec Nissan un dialogue ébranlé par les révélations sur l'ancien homme fort de l'alliance. Mais Hiroto Saikawa et Thierry Bolloré, deux anciens bras droits de Carlos Ghosn, respectivement directeur général de Nissan et de Renault, s'adressent à peine la parole, ce qui ne facilite pas vraiment l'apaisement, selon plusieurs sources. "Il en a pleinement pris conscience", a indiqué une source familière du mode de pensée du président de Renault. "Donc on va voir comment ça continue. Il faut laisser passer l'AG et puis on verra après." Parmi les développements récents au Japon, la position de Hiroto Saikawa peut sembler également fragilisée après que deux sociétés de conseil de premier plan ont recommandé de voter contre son maintien en poste à l'AG de Nissan, le 25 juin prochain. Un vote négatif de Renault reste toutefois hautement improbable, le groupe devant soutenir les propositions du conseil d'administration de Nissan en vertu de l'accord de 2015, trouvé pour mettre fin à une crise liée à l'exercice de droits de vote double. La priorité reste de renforcer l'alliance avec Nissan Renault, dont le projet de fusion avec Fiat a échoué la semaine dernière, donne toujours la priorité au renforcement de son alliance avec Nissan, a déclaré mercredi le président du constructeur automobile français. "La priorité est d'aller vers une alliance vivante, efficace, renforcée", a dit Jean-Dominique Senard en préambule, lors de l'assemblée générale des actionnaires de Renault, réunie à Paris. "Il n'y aura pas de réussite de Renault sans réussite de l'alliance." Le président du groupe au losange a ajouté que chaque partenaire devait y mettre du sien dans les négociations sur la manière de renforcer ce partenariat qui fête cette année ses 20 ans, et que si la confiance entre Renault et Nissan s'était "effritée", rien n'était irréparable. Fidèle à sa conception de la mission des entreprises, l'ancien président de Michelin a également appelé à réfléchir à la "raison d'être" de Renault-Nissan. "Il va falloir doter cette alliance d'une vision, d'une direction", a-t-il ajouté. Renault-Nissan-Mitsubishi a été ébranlé par la disgrâce brutale l'an dernier de Carlos Ghosn, artisan et homme fort de la première alliance automobile mondiale. Jean-Dominique Senard, qui lui a succédé en janvier à la présidence de Renault, s'est vu confier pour mission de renouer le dialogue avec la partie japonaise, mais sa tâche s'annonce ardue. Nissan a refusé d'étudier la fusion avec Renault proposée par Jean-Dominique Senard, la priorité du constructeur nippon allant à desserrer l'étreinte de son partenaire français. Le président de Renault a quant à lui menacé de bloquer la réforme de la gouvernance de Nissan à moins que le groupe français soit mieux représenté dans les puissants comités de Nissan, soulevant au passage une vague de protestation au Japon. Renault s'est montré confiant mercredi dans la possibilité de trouver un accord avec Nissan pour que les deux représentants du constructeur automobile français au conseil d'administration de son partenaire japonais puissent siéger aux puissants comités du conseil. Nissan prévoit que seul Jean-Dominique Senard, président de Renault, puisse siéger à l'un de ces comités, et pas le directeur général Thierry Bolloré. Renault refuse en conséquence de voter la réforme de la gouvernance de son associé nippon. "Il suffira, dans le dialogue que nous avons, qu'on me précise que les deux représentants du groupe Renault pourront en effet bien siéger dans ces comités pour que nous changions notre vote pour le rendre positif", a déclaré Jean-Dominique Senard à l'assemblée générale des actionnaires du groupe français. "Il n'y a pas de quoi réveiller les volcans d'Auvergne ni même le Fuji-Yama."