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Lettre de Tahar Djaout à Mouloud Mammeri
Hommage
Publié dans Le Midi Libre le 28 - 02 - 2013

Cette lettre a été écrite par Tahar Djaout après la mort ( le 25 février 1989) de Mouloud Mammeri et a été publiée par Awal.
Cette lettre a été écrite par Tahar Djaout après la mort ( le 25 février 1989) de Mouloud Mammeri et a été publiée par Awal.
Comme il va être dur de devoir désormais parler de toi au passé ! Quelques heures après ta mort, que ta famille et tes amis ignoraient encore, un universitaire qui venait d'assister à ce colloque d'Oujda d'où tu revenais toi aussi m'entretenait de toi. Il me disait, entre autres, que tu avais passé sept heures à la frontière ; trois heures et demie du côté algérien et autant du côté marocain. En dépit de ce que tu as donné à la culture maghrébine, tu demeurais un citoyen comme les autres, un homme qui n'a jamais demandé de privilèges qui a, au contraire, refusé tous ceux qui lui ont été proposés. Depuis le prix littéraire qui a couronné ton premier roman et que tu as refusé d'aller recevoir, tu t'es méfié de toutes les récompenses parce que tu savais qu'elles demandaient des contreparties. Tu n'étais pas de ces écrivains qui voyagent dans les délégations officielles, dans les bagages des ministres ou des présidents, et qui poussent parfois le cynisme jusqu'à écrire, une fois rentrés, des articles contre les intellectuels aux ordres des pouvoirs !
Tes rapports avec le pouvoir (tous les pouvoirs) ont été très clairs ; une distance souveraine. Tu étais, au lendemain de l'indépendance, président de la première Union d'écrivains algériens. Mais le jour où l'on était venu t'informer que l'Union allait passer sous l'autorité du Parti, tu avais remis le tablier avec cette courtoisie seigneuriale qui t'est coutumière. Tu n'acceptais aucune contrainte, aucun boulet à ton pied, aucune laisse à ton cou. Tu étais, par excellence, UN HOMME LIBRE. Et c'est ce que AMAZIGH veut dire. Cette liberté t'a coûté cher. De toute façon, tu en savais le prix et tu l'a toujours accepté. Tu as été peut-être le plus persécuté des intellectuels algériens, toi l'un des fils les plus valeureux que cette nation ait jamais engendrés. Le soir où la télévision avait annoncé laconiquement et brutalement ta mort, je ne pus m'empêcher, en dépit de l'indicible émotion, de remarquer que c'était la deuxième fois qu'elle parlait de toi; la première fois pour t'insulter lorsque, en 1980, une campagne honteusement diffamatoire a été déclenchée contre toi et la deuxième fois, neuf ans plus tard, pour nous annoncer ta disparition. La télévision de ton pays n'avait aucun document à nous montrer sur toi ; elle ne t'avait jamais filmé, elle ne t'avait jamais donné la parole, elle qui a pérennisé en des kilomètres de pellicule tant d'intellectuels approximatifs, tant de manieurs de plume aux ordres du pouvoir.
Mais je vais clore la le chapitre navrant et long des brimades. Ce serait faire affront à ta générosité et à ta noblesse d'âme que de m'attarder à l'énumération des injustices, des diffamations qui glissaient sur toi comme de simples égratignures, qui te faisaient peut-être mal à l'intérieur mais ne transparaissaient pas. Tes préoccupations étaient ailleurs, tu avais autre chose à faire. Et puis, tu respectais trop les autres, même lorsqu'ils te faisaient du mal. Sans avoir jamais prétendu donner de leçon, ta vie, ton comportement, ton courage et ton intégrité constituaient en eux-mêmes un exemple et une leçon. C'est pourquoi, toi l'homme modeste et brillant qui ne se montre gêné et pris de court que lorsqu'il s'agit de lui-même, tu as toujours été au cœur de ce qui fait ce pays. Et les 200.000 personnes venues de toute l'Algérie escalader ces "chemins qui montent" pour t'accompagner à ton ultime demeure au cœur du Djurdjura témoignent en quelque sorte de cela. Toi l'homme pacifique et courtois, toi qui ne claques les portes que lorsqu'un pouvoir ou une chapelle quelconque tente de t'embrigader, tu as aidé, non par des déclarations fracassantes, mais par ta lucidité, par ton travail intellectuel minutieux et soutenu, au lent cheminement de la tolérance et de la liberté. Qui peut oublier les débuts de l'année 80 ? Des hommes qui nient une partie de la culture de ce peuple (tout le monde heureusement a oublié leurs noms, car ce ne sont pas des noms que l'histoire retient) t'interdisent de prononcer une conférence sur la poésie kabyle. De partout, de Bejaia, de Bouira, de Tizi-Ouzou, la Kabylie se lève pour défendre ses poètes. Et c'est toute l'Algérie qui, peu à peu, année après année, rejettera les baillons, les exclusions, les intolérances, la médiocrité et qui un jour d'octobre descendra dans la rue pour l'affirmer en versant une fois encore son sang. Toi, l'humaniste sceptique et indépendant qui n'a jamais assené de vérité, qui n'a jamais juge personne, tu étais, presque malgré toi, en amont d'une prise de conscience. Et voici que nous devons désormais nous passer de ta présence chaleureuse et brillante, de ta superbe intelligence, de ta bonne humeur à toute épreuve, de ton endurance physique (on peut difficilement t'imaginer malade, par exemple) qui te faisait faire des centaines de kilomètres par jour pour aller donner bénévolement une conférence et remonter tout de suite après dans ta voiture. Tu es mort au volant de ta 205 (une voiture de jeune) comme le jeune homme fougueux que tu as toujours été. Sois rassuré, Da Lmulud, la dernière image que je garderai de toi ce n'est pas celle, émouvante, du mort accidenté que j'ai vu mais celle de ce jeudi 16 février où nous nous étions retrouvés avec d'autres amis à Ighil-Bwamas pour discuter du tournage d'un film. Tu étais élégant et alerte comme toujours, en tennis. Tu étais le premier au rendez-vous. Tu nous plaisantais sur notre retard, disant que tu croyais te tromper de jour. Tu étais aussi le premier à repartir, toujours disponible et toujours pressé. Tu avais beaucoup de choses à faire, à donner à cette culture que tu as servie généreusement, sans rien demander en retour, supportant au contraire avec dignité les brimades que ton travail t'attirait. Tu étais impatient en ce jeudi 16 février comme si tu savais déjà que le temps pressait. Je te vois monter dans ta 205 et démarrer bruyamment sur la route difficile tandis que nous étions encore à bavarder. C'était la dernière fois que je devais te voir vivant.
La jeunesse assoiffée de culture et de liberté t'a toujours reconnu comme l'une de ses figures symboliques, quelques intellectuels et artistes t'ont toujours témoigné amitié, respect ou admiration dans les moments les plus difficiles. Mais ces derniers mois, c'est tout le monde intellectuel et médiatique algérien qui a commencé a comprendre ton importance et qui a recherché ton point de vue. C'est vrai que certains médias, qui avaient peur de "se compromettre", te sont demeures fermes jusqu'à ta mort. Mais que de projets auxquels des gens voulaient t'associer ! que de journaux t'ont interviewé ! Et toi,comme enivré par cette brise de liberté, tu te démenais, tu prenais ta voiture, sillonnais les routes et te rendais partout où l'on te sollicitait. Oran, Aïn El-Hammam (où tu devais rendre hommage à Si Mohand ou Mhand et où l'on t'avait offert un burnous), Béjaïa. Et enfin Oujda. Au mois de janvier, à Béjaïa, ta conférence sur la culture berbère a drainé tellement de monde qu'aucun édifice ne pouvait le contenir. Et c'est dans le stade de la ville que des milliers de gens t'ont écouté et ont discuté de leur culture. Quelle belle revanche sur l'interdiction de ta conférence en 1980 ! Quel trajet parcouru depuis cette date sur le chemin de l'expression libre !
Je te revois à cette époque où nous préparions l'entretien qui allait paraître aux éditions Laphomic. Je me rappelle la vivacité de ton intelligence, ton sens de la répartie, ta pudeur et ta gêne lorsque nous sortions du domaine de l'esthétique ou des idées et que je te demandais de parler de toi-même (ton combat nationaliste, par exemple, ton militantisme au MTLD, ce que tu as souffert durant la Guerre, tu ne les évoquais jamais même lorsqu'on te contestait ton passé ou qu'on t'en fabriquait un autre). Je me rappelle surtout ta jeunesse indéfectible. Je nous revois prenant des glaces dans l'un de ces innombrables salons de thé qui encombrent la rue Ben M'hidi ou dans le café Le Véronèse, à Paris. Tu seras toujours près de nous, éternel jeune homme des Ath Yenni et d'Algérie.
Qim di lehna
Tahar Djaoutaa
Comme il va être dur de devoir désormais parler de toi au passé ! Quelques heures après ta mort, que ta famille et tes amis ignoraient encore, un universitaire qui venait d'assister à ce colloque d'Oujda d'où tu revenais toi aussi m'entretenait de toi. Il me disait, entre autres, que tu avais passé sept heures à la frontière ; trois heures et demie du côté algérien et autant du côté marocain. En dépit de ce que tu as donné à la culture maghrébine, tu demeurais un citoyen comme les autres, un homme qui n'a jamais demandé de privilèges qui a, au contraire, refusé tous ceux qui lui ont été proposés. Depuis le prix littéraire qui a couronné ton premier roman et que tu as refusé d'aller recevoir, tu t'es méfié de toutes les récompenses parce que tu savais qu'elles demandaient des contreparties. Tu n'étais pas de ces écrivains qui voyagent dans les délégations officielles, dans les bagages des ministres ou des présidents, et qui poussent parfois le cynisme jusqu'à écrire, une fois rentrés, des articles contre les intellectuels aux ordres des pouvoirs !
Tes rapports avec le pouvoir (tous les pouvoirs) ont été très clairs ; une distance souveraine. Tu étais, au lendemain de l'indépendance, président de la première Union d'écrivains algériens. Mais le jour où l'on était venu t'informer que l'Union allait passer sous l'autorité du Parti, tu avais remis le tablier avec cette courtoisie seigneuriale qui t'est coutumière. Tu n'acceptais aucune contrainte, aucun boulet à ton pied, aucune laisse à ton cou. Tu étais, par excellence, UN HOMME LIBRE. Et c'est ce que AMAZIGH veut dire. Cette liberté t'a coûté cher. De toute façon, tu en savais le prix et tu l'a toujours accepté. Tu as été peut-être le plus persécuté des intellectuels algériens, toi l'un des fils les plus valeureux que cette nation ait jamais engendrés. Le soir où la télévision avait annoncé laconiquement et brutalement ta mort, je ne pus m'empêcher, en dépit de l'indicible émotion, de remarquer que c'était la deuxième fois qu'elle parlait de toi; la première fois pour t'insulter lorsque, en 1980, une campagne honteusement diffamatoire a été déclenchée contre toi et la deuxième fois, neuf ans plus tard, pour nous annoncer ta disparition. La télévision de ton pays n'avait aucun document à nous montrer sur toi ; elle ne t'avait jamais filmé, elle ne t'avait jamais donné la parole, elle qui a pérennisé en des kilomètres de pellicule tant d'intellectuels approximatifs, tant de manieurs de plume aux ordres du pouvoir.
Mais je vais clore la le chapitre navrant et long des brimades. Ce serait faire affront à ta générosité et à ta noblesse d'âme que de m'attarder à l'énumération des injustices, des diffamations qui glissaient sur toi comme de simples égratignures, qui te faisaient peut-être mal à l'intérieur mais ne transparaissaient pas. Tes préoccupations étaient ailleurs, tu avais autre chose à faire. Et puis, tu respectais trop les autres, même lorsqu'ils te faisaient du mal. Sans avoir jamais prétendu donner de leçon, ta vie, ton comportement, ton courage et ton intégrité constituaient en eux-mêmes un exemple et une leçon. C'est pourquoi, toi l'homme modeste et brillant qui ne se montre gêné et pris de court que lorsqu'il s'agit de lui-même, tu as toujours été au cœur de ce qui fait ce pays. Et les 200.000 personnes venues de toute l'Algérie escalader ces "chemins qui montent" pour t'accompagner à ton ultime demeure au cœur du Djurdjura témoignent en quelque sorte de cela. Toi l'homme pacifique et courtois, toi qui ne claques les portes que lorsqu'un pouvoir ou une chapelle quelconque tente de t'embrigader, tu as aidé, non par des déclarations fracassantes, mais par ta lucidité, par ton travail intellectuel minutieux et soutenu, au lent cheminement de la tolérance et de la liberté. Qui peut oublier les débuts de l'année 80 ? Des hommes qui nient une partie de la culture de ce peuple (tout le monde heureusement a oublié leurs noms, car ce ne sont pas des noms que l'histoire retient) t'interdisent de prononcer une conférence sur la poésie kabyle. De partout, de Bejaia, de Bouira, de Tizi-Ouzou, la Kabylie se lève pour défendre ses poètes. Et c'est toute l'Algérie qui, peu à peu, année après année, rejettera les baillons, les exclusions, les intolérances, la médiocrité et qui un jour d'octobre descendra dans la rue pour l'affirmer en versant une fois encore son sang. Toi, l'humaniste sceptique et indépendant qui n'a jamais assené de vérité, qui n'a jamais juge personne, tu étais, presque malgré toi, en amont d'une prise de conscience. Et voici que nous devons désormais nous passer de ta présence chaleureuse et brillante, de ta superbe intelligence, de ta bonne humeur à toute épreuve, de ton endurance physique (on peut difficilement t'imaginer malade, par exemple) qui te faisait faire des centaines de kilomètres par jour pour aller donner bénévolement une conférence et remonter tout de suite après dans ta voiture. Tu es mort au volant de ta 205 (une voiture de jeune) comme le jeune homme fougueux que tu as toujours été. Sois rassuré, Da Lmulud, la dernière image que je garderai de toi ce n'est pas celle, émouvante, du mort accidenté que j'ai vu mais celle de ce jeudi 16 février où nous nous étions retrouvés avec d'autres amis à Ighil-Bwamas pour discuter du tournage d'un film. Tu étais élégant et alerte comme toujours, en tennis. Tu étais le premier au rendez-vous. Tu nous plaisantais sur notre retard, disant que tu croyais te tromper de jour. Tu étais aussi le premier à repartir, toujours disponible et toujours pressé. Tu avais beaucoup de choses à faire, à donner à cette culture que tu as servie généreusement, sans rien demander en retour, supportant au contraire avec dignité les brimades que ton travail t'attirait. Tu étais impatient en ce jeudi 16 février comme si tu savais déjà que le temps pressait. Je te vois monter dans ta 205 et démarrer bruyamment sur la route difficile tandis que nous étions encore à bavarder. C'était la dernière fois que je devais te voir vivant.
La jeunesse assoiffée de culture et de liberté t'a toujours reconnu comme l'une de ses figures symboliques, quelques intellectuels et artistes t'ont toujours témoigné amitié, respect ou admiration dans les moments les plus difficiles. Mais ces derniers mois, c'est tout le monde intellectuel et médiatique algérien qui a commencé a comprendre ton importance et qui a recherché ton point de vue. C'est vrai que certains médias, qui avaient peur de "se compromettre", te sont demeures fermes jusqu'à ta mort. Mais que de projets auxquels des gens voulaient t'associer ! que de journaux t'ont interviewé ! Et toi,comme enivré par cette brise de liberté, tu te démenais, tu prenais ta voiture, sillonnais les routes et te rendais partout où l'on te sollicitait. Oran, Aïn El-Hammam (où tu devais rendre hommage à Si Mohand ou Mhand et où l'on t'avait offert un burnous), Béjaïa. Et enfin Oujda. Au mois de janvier, à Béjaïa, ta conférence sur la culture berbère a drainé tellement de monde qu'aucun édifice ne pouvait le contenir. Et c'est dans le stade de la ville que des milliers de gens t'ont écouté et ont discuté de leur culture. Quelle belle revanche sur l'interdiction de ta conférence en 1980 ! Quel trajet parcouru depuis cette date sur le chemin de l'expression libre !
Je te revois à cette époque où nous préparions l'entretien qui allait paraître aux éditions Laphomic. Je me rappelle la vivacité de ton intelligence, ton sens de la répartie, ta pudeur et ta gêne lorsque nous sortions du domaine de l'esthétique ou des idées et que je te demandais de parler de toi-même (ton combat nationaliste, par exemple, ton militantisme au MTLD, ce que tu as souffert durant la Guerre, tu ne les évoquais jamais même lorsqu'on te contestait ton passé ou qu'on t'en fabriquait un autre). Je me rappelle surtout ta jeunesse indéfectible. Je nous revois prenant des glaces dans l'un de ces innombrables salons de thé qui encombrent la rue Ben M'hidi ou dans le café Le Véronèse, à Paris. Tu seras toujours près de nous, éternel jeune homme des Ath Yenni et d'Algérie.
Qim di lehna
Tahar Djaoutaa


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