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Bien plus qu'un simple brûlot
«Un mouton dans la baignoire» De Azouz Begag
Publié dans Le Midi Libre le 16 - 08 - 2007

Réduit par la presse française à un simple brûlot contre Nicolas Sarkozy, «Un Mouton dans la baignoire», dernier ouvrage de Azouz Begag est beaucoup plus que cela. Publié le 11 avril 2007, en pleine campagne pour les présidentielles, ce dernier ouvrage de l'auteur prolifique risque de survivre même aux joutes électorales d'un lointain avenir.
Réduit par la presse française à un simple brûlot contre Nicolas Sarkozy, «Un Mouton dans la baignoire», dernier ouvrage de Azouz Begag est beaucoup plus que cela. Publié le 11 avril 2007, en pleine campagne pour les présidentielles, ce dernier ouvrage de l'auteur prolifique risque de survivre même aux joutes électorales d'un lointain avenir.
Ecrit au jour le jour, comme un journal du long calvaire de 22 mois que l'auteur endure avant de démissionner de son poste de ministre délégué à la Promotion pour l'égalité des chances, l'essai demeure une édifiante description des moeurs politiques en ce début du 21e siècle. Moeurs disséquées par un regard qui se reconnaît le double recul de «l'ethnologue et du pauvre».
Ce «mouton» on devine que c'est l'auteur lui-même : le «gone du Châaba» qu'un destin attentif à ses vœux secrets a lancé dans la cage aux fauves. Et l'incongrue baignoire tant décriée par Sarkozy c'est bien le monde feutré et cruel du sérail politique que Azouz Begag nomme «la cage» le long de son récit. C'est bien le petit Lyonnais né dans un bidonville en 1957, fils de Messaouda et Bouzid Begag, originaires d'Algérie, ex-ouvriers agricoles à Sétif et émigrés en France en 1949. Le gamin brillant devenu docteur en économie, chercheur en sociologie au CNRS, écrivain, essayiste et cinéaste, va vite découvrir, sans jeu de mots, qu'en tant que ministre délégué il compte pour… du beurre !
Un mélange de souffrance
et de jubilation
«Est-ce que vous allez sortir dégoûté vous aussi, de la politique, comme tous les autres ?», lui demande Michel Drucker, l'animateur de télévision avec qui il dîne un soir. «Oui et non. J'ai le recul de l'ethnologue et du pauvre. Je suis à la fois écœuré et heureux. Je suis un spectateur privilégié, notamment lors des joutes verbales à l'assemblée nationale», répond Azouz Begag. Et c'est un fait que l'essai est constitué d'un curieux mélange de souffrance et de jubilation. C'est qu'ayant endossé le costume bleu nuit, la cravate de soie et les pompes à 300 euros, incontournables pour un ministre de la République française, Azouz Begag n'arrête pas d'évoquer son père ouvrier analphabète, décédé 2 ans plus tôt et qui lui a inculqué en même temps que l'amour et le respect de «l'icoule» un véritable culte de l'honneur et de la dignité. En mesurant le chemin parcouru depuis son enfance et sa jeunesse des bidonvilles et des cités, l'auteur évoque le long du récit sa fière lignée familiale de paysans sétifiens qui ne tergiversent jamais avec les principes.
L'essai prend par moments les accents d'un hymne aux ancêtres dont il entend mériter l'héritage. C'est également une sorte de quête initiatique du sens de la vie qui, peu à peu, au fil des insomnies douloureuses d'un ministre sans budget et au pedigree trop original, vont mener l'agnostique respectueux sur les chemins de la foi. «La crise des banlieues est la crise de sens, de valeurs, d'identité d'une nation tout entière», écrit d'ailleurs celui qui, aux côtés des ancêtres amazighes, vénère Martin Luther King comme le modèle absolu : «Je revis les douleurs qu'il a endurées dans son combat pour la dignité des Noirs américains. Lui, au moins avait foi en Dieu. Mais moi ? J'écoute mon cœur, je continue d'envoyer des SMS à mes ancêtres. Je salue les passants.»
Le ministre invisible
«Azouz, c'est Dominique, je t'apporte des soucis : j'ai décidé de te nommer ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances. Tu seras directement rattaché à moi… A demain.» C'est par ce bref coup de téléphone du premier ministre Villepin que commence le jeudi 2 juin 2005 ce bout de carrière politique que fait Azouz Begag. Deux ans auparavant, il avait fait savoir à Villepin sur le mode de la plaisanterie combien il aimerait être ambassadeur dans quelque pays lointain d'Afrique…
«Ce que je vivais ressemblait à un remboursement de l'histoire. Madame la France m'avait choisi pour régler ses dettes envers ces dizaines de milliers de paysans d'Afrique du Nord qu'elle avait envoyé à la mort sans billet de retour. (…) Les minutes que je vis sont historiques, je ris aux éclats, je ne sais quoi faire d'autre. C'est la première fois dans l'histoire de ce pays qu'un Français issu de l'immigration maghrébine est nommé ministre d'un gouvernement.»
Abasourdi mais heureux, le sociologue et écrivain découvre avec un ahurissement profond un monde fermé dont il ignore tout des règles non écrites mais implacables. Un monde dominé par la «dictature de la rumeur» et de l'intox et où tous les coups sont permis. On ne lui en épargnera aucun. Depuis le début de son mandat le 2 juin 2005 à sa démission le 5 avril 2007, Azouz Bégag va absolument tout connaître en matière de coups bas et de peaux de bananes. Il observe cet univers insoupçonné où être paranoïaque en permanence est vital. Et cela, sans jamais cesser de sourire. Rejeté par la gauche comme un renégat en raison de son origine sociale, il l'est également par beaucoup de citoyens de toutes origines qui le considèrent comme l'Arabe alibi, le Beur de service, etc. Se considérant simplement comme «un militant de la cause des cités», il a déjà dans le passé attisé la méfiance des uns et des autres et n'a jamais pu faire un pas significatif dans le monde hermétique du politique. En proie à un terrible boycott médiatique ou à l'indifférence, quand ce n'est pas au mépris de ses collègues, Azouz Begag est profondément affecté. Il découvre que les ministres se bousculent pour être proches du premier ministre et figurer aux premiers rangs des photos de presse. Etre visible, là est l'enjeu ! L'on s'arrangera pour qu'il le soit le moins possible. Lui, le fils des banlieues et des cités populaires, est écarté en pleine crise des banlieues d'octobre et novembre 2005. Il est férocement boycotté par la presse, ses suggestions ne sont pas prises en compte , ses arguments qui «ne sont pas politiques» ne portent pas. Pire, les députés sarkozystes réclament sa démission pour «absence de loyauté gouvernementale».
Il doit s'imprégner avec horreur les mœurs du sérail : dans une ambiance feutrée, des voix contrôlée et des sourires qui ne quittent jamais les visages, les relations sont très tendues et reposent sur une rivalité sourde mais bien réelle.
Et puis, même ministre de la République, un Beur reste un Beur. On ne rappelle pas son prénom transformé en Yazid ou en Aziz. Sa mission, qui concerne également les femmes et les handicapés, est uniquement perçue comme ministère de l'intégration.
La vertèbre émotionnelle déplacée
C'est aussi l'histoire d'une grande fatigue et d'une grande solitude que conte Begag avec sa verve habituelle. Stressé, il en perd le sommeil et a du mal à trouver des collaborateurs. Ses conseillers tombent malades les uns après les autres… Son récit est ponctué de faits d'actualité douloureux qu'il ressent dans sa chair. «Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi sensible que vous», lui confie son ostéopathe qui lui explique que sa vertèbre émotionnelle s'est déplacée sous le choc. Sa sensibilité exacerbée d'artiste le dessert, donnant raison à Kateb Yacine qui comparait l'homme politique à un pot de fer et l'artiste à un pot de terre. Angoissé, groggy, il en perd la mémoire, ne reconnaît plus les gens et n'arrive plus à se concentrer. Bourré de Temesta, il prend du chocolat pour se calmer, prend du poids, s'empâte et court pour ne pas grossir…
Il est d'ailleurs à l'origine d'un incident diplomatique en octobre 2005 lorsque malgré son visa diplomatique, il est contrôlé par les services de douane états-uniens à l'aéroport d'Atlanta et soumis à un interrogatoire de 15 minutes. Azouz Begag dénonce le délit de faciès. C'est à travers les tempêtes des banlieues en flammes et le combat de la rue contre le CPE qu'il s'affirme malgré tout. La crise des banlieues et sa lutte contre «la sémantique guerrière» de Sarkozy le propulse brusquement au centre de la scène médiatique. Il gagne ainsi peu à peu l'estime de tous pour ses prises de position courageuses.
Sincère et transparent
Son essai se lit d'un trait comme un roman. Transparence, sincérité, humour, mise à nu de l'âme jusqu'aux tréfonds sont les caractéristiques de ce texte sans fard où tout est exprimé. L'homme, ses convulsions, sa grande solitude, ses rêves y compris amoureux, ses déceptions, son bonheur de revoir l'Algérie, des rencontres merveilleuses. «Ce sont des messagers», dit celui qui depuis un séjour émouvant en Algérie où il s'est incliné sur la tombe de son père n'est plus le même. La baraka, il l'a emportée dans ses bagages et soudain tout va pour le mieux. Il a enfin appris ce métier qu' il quittera quelques mois plus tard pour récupérer une liberté de parole que sa fonction lui ôtait. Dans cet ouvrage, Azouz Begag dénonce également l'obsolescence des clivages gauche-droite et des schémas politiques préconçus et défend une certaine idée de la flexibilité.
Après avoir signé une vingtaine d'ouvrages : romans, contes et essais, il livre au lecteur cette expérience unique d'un non-politique, un représentant de la société civile qui se bat contre toutes sortes d'autismes idéologiques et politiques.
"Un Mouton dans la baignoire'' de Azouz Begag
Editions Fayard, avril 2007
374 pages.
Ecrit au jour le jour, comme un journal du long calvaire de 22 mois que l'auteur endure avant de démissionner de son poste de ministre délégué à la Promotion pour l'égalité des chances, l'essai demeure une édifiante description des moeurs politiques en ce début du 21e siècle. Moeurs disséquées par un regard qui se reconnaît le double recul de «l'ethnologue et du pauvre».
Ce «mouton» on devine que c'est l'auteur lui-même : le «gone du Châaba» qu'un destin attentif à ses vœux secrets a lancé dans la cage aux fauves. Et l'incongrue baignoire tant décriée par Sarkozy c'est bien le monde feutré et cruel du sérail politique que Azouz Begag nomme «la cage» le long de son récit. C'est bien le petit Lyonnais né dans un bidonville en 1957, fils de Messaouda et Bouzid Begag, originaires d'Algérie, ex-ouvriers agricoles à Sétif et émigrés en France en 1949. Le gamin brillant devenu docteur en économie, chercheur en sociologie au CNRS, écrivain, essayiste et cinéaste, va vite découvrir, sans jeu de mots, qu'en tant que ministre délégué il compte pour… du beurre !
Un mélange de souffrance
et de jubilation
«Est-ce que vous allez sortir dégoûté vous aussi, de la politique, comme tous les autres ?», lui demande Michel Drucker, l'animateur de télévision avec qui il dîne un soir. «Oui et non. J'ai le recul de l'ethnologue et du pauvre. Je suis à la fois écœuré et heureux. Je suis un spectateur privilégié, notamment lors des joutes verbales à l'assemblée nationale», répond Azouz Begag. Et c'est un fait que l'essai est constitué d'un curieux mélange de souffrance et de jubilation. C'est qu'ayant endossé le costume bleu nuit, la cravate de soie et les pompes à 300 euros, incontournables pour un ministre de la République française, Azouz Begag n'arrête pas d'évoquer son père ouvrier analphabète, décédé 2 ans plus tôt et qui lui a inculqué en même temps que l'amour et le respect de «l'icoule» un véritable culte de l'honneur et de la dignité. En mesurant le chemin parcouru depuis son enfance et sa jeunesse des bidonvilles et des cités, l'auteur évoque le long du récit sa fière lignée familiale de paysans sétifiens qui ne tergiversent jamais avec les principes.
L'essai prend par moments les accents d'un hymne aux ancêtres dont il entend mériter l'héritage. C'est également une sorte de quête initiatique du sens de la vie qui, peu à peu, au fil des insomnies douloureuses d'un ministre sans budget et au pedigree trop original, vont mener l'agnostique respectueux sur les chemins de la foi. «La crise des banlieues est la crise de sens, de valeurs, d'identité d'une nation tout entière», écrit d'ailleurs celui qui, aux côtés des ancêtres amazighes, vénère Martin Luther King comme le modèle absolu : «Je revis les douleurs qu'il a endurées dans son combat pour la dignité des Noirs américains. Lui, au moins avait foi en Dieu. Mais moi ? J'écoute mon cœur, je continue d'envoyer des SMS à mes ancêtres. Je salue les passants.»
Le ministre invisible
«Azouz, c'est Dominique, je t'apporte des soucis : j'ai décidé de te nommer ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances. Tu seras directement rattaché à moi… A demain.» C'est par ce bref coup de téléphone du premier ministre Villepin que commence le jeudi 2 juin 2005 ce bout de carrière politique que fait Azouz Begag. Deux ans auparavant, il avait fait savoir à Villepin sur le mode de la plaisanterie combien il aimerait être ambassadeur dans quelque pays lointain d'Afrique…
«Ce que je vivais ressemblait à un remboursement de l'histoire. Madame la France m'avait choisi pour régler ses dettes envers ces dizaines de milliers de paysans d'Afrique du Nord qu'elle avait envoyé à la mort sans billet de retour. (…) Les minutes que je vis sont historiques, je ris aux éclats, je ne sais quoi faire d'autre. C'est la première fois dans l'histoire de ce pays qu'un Français issu de l'immigration maghrébine est nommé ministre d'un gouvernement.»
Abasourdi mais heureux, le sociologue et écrivain découvre avec un ahurissement profond un monde fermé dont il ignore tout des règles non écrites mais implacables. Un monde dominé par la «dictature de la rumeur» et de l'intox et où tous les coups sont permis. On ne lui en épargnera aucun. Depuis le début de son mandat le 2 juin 2005 à sa démission le 5 avril 2007, Azouz Bégag va absolument tout connaître en matière de coups bas et de peaux de bananes. Il observe cet univers insoupçonné où être paranoïaque en permanence est vital. Et cela, sans jamais cesser de sourire. Rejeté par la gauche comme un renégat en raison de son origine sociale, il l'est également par beaucoup de citoyens de toutes origines qui le considèrent comme l'Arabe alibi, le Beur de service, etc. Se considérant simplement comme «un militant de la cause des cités», il a déjà dans le passé attisé la méfiance des uns et des autres et n'a jamais pu faire un pas significatif dans le monde hermétique du politique. En proie à un terrible boycott médiatique ou à l'indifférence, quand ce n'est pas au mépris de ses collègues, Azouz Begag est profondément affecté. Il découvre que les ministres se bousculent pour être proches du premier ministre et figurer aux premiers rangs des photos de presse. Etre visible, là est l'enjeu ! L'on s'arrangera pour qu'il le soit le moins possible. Lui, le fils des banlieues et des cités populaires, est écarté en pleine crise des banlieues d'octobre et novembre 2005. Il est férocement boycotté par la presse, ses suggestions ne sont pas prises en compte , ses arguments qui «ne sont pas politiques» ne portent pas. Pire, les députés sarkozystes réclament sa démission pour «absence de loyauté gouvernementale».
Il doit s'imprégner avec horreur les mœurs du sérail : dans une ambiance feutrée, des voix contrôlée et des sourires qui ne quittent jamais les visages, les relations sont très tendues et reposent sur une rivalité sourde mais bien réelle.
Et puis, même ministre de la République, un Beur reste un Beur. On ne rappelle pas son prénom transformé en Yazid ou en Aziz. Sa mission, qui concerne également les femmes et les handicapés, est uniquement perçue comme ministère de l'intégration.
La vertèbre émotionnelle déplacée
C'est aussi l'histoire d'une grande fatigue et d'une grande solitude que conte Begag avec sa verve habituelle. Stressé, il en perd le sommeil et a du mal à trouver des collaborateurs. Ses conseillers tombent malades les uns après les autres… Son récit est ponctué de faits d'actualité douloureux qu'il ressent dans sa chair. «Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi sensible que vous», lui confie son ostéopathe qui lui explique que sa vertèbre émotionnelle s'est déplacée sous le choc. Sa sensibilité exacerbée d'artiste le dessert, donnant raison à Kateb Yacine qui comparait l'homme politique à un pot de fer et l'artiste à un pot de terre. Angoissé, groggy, il en perd la mémoire, ne reconnaît plus les gens et n'arrive plus à se concentrer. Bourré de Temesta, il prend du chocolat pour se calmer, prend du poids, s'empâte et court pour ne pas grossir…
Il est d'ailleurs à l'origine d'un incident diplomatique en octobre 2005 lorsque malgré son visa diplomatique, il est contrôlé par les services de douane états-uniens à l'aéroport d'Atlanta et soumis à un interrogatoire de 15 minutes. Azouz Begag dénonce le délit de faciès. C'est à travers les tempêtes des banlieues en flammes et le combat de la rue contre le CPE qu'il s'affirme malgré tout. La crise des banlieues et sa lutte contre «la sémantique guerrière» de Sarkozy le propulse brusquement au centre de la scène médiatique. Il gagne ainsi peu à peu l'estime de tous pour ses prises de position courageuses.
Sincère et transparent
Son essai se lit d'un trait comme un roman. Transparence, sincérité, humour, mise à nu de l'âme jusqu'aux tréfonds sont les caractéristiques de ce texte sans fard où tout est exprimé. L'homme, ses convulsions, sa grande solitude, ses rêves y compris amoureux, ses déceptions, son bonheur de revoir l'Algérie, des rencontres merveilleuses. «Ce sont des messagers», dit celui qui depuis un séjour émouvant en Algérie où il s'est incliné sur la tombe de son père n'est plus le même. La baraka, il l'a emportée dans ses bagages et soudain tout va pour le mieux. Il a enfin appris ce métier qu' il quittera quelques mois plus tard pour récupérer une liberté de parole que sa fonction lui ôtait. Dans cet ouvrage, Azouz Begag dénonce également l'obsolescence des clivages gauche-droite et des schémas politiques préconçus et défend une certaine idée de la flexibilité.
Après avoir signé une vingtaine d'ouvrages : romans, contes et essais, il livre au lecteur cette expérience unique d'un non-politique, un représentant de la société civile qui se bat contre toutes sortes d'autismes idéologiques et politiques.
"Un Mouton dans la baignoire'' de Azouz Begag
Editions Fayard, avril 2007
374 pages.


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