Les spoliateurs, les révoltés, les déracinés, des titres qui empruntent au même champ sémantique. C'est le cri de révolte d'un cinéaste ? Ce n'est pas un cri de révolte, mais probablement l'expression d'une douleur séculaire que tout Algérien porte en lui et qu'il extériorise, chacun à sa façon… La génération qui nous a précédé l'a exprimé, elle, par la révolte…armée… Ma génération l'a exprimé à travers ce qu'elle maîtrise comme moyen d'expression. En ce qui me concerne, ce fut et c'est encore, le cinéma. C'est un art, certes, mais c'est mon arme à moi, et je ne peux pas concevoir m'en servir simplement pour conter des histoires à l'eau de rose ou bien des blagues pour faire rire ceux qui ont les yeux gonflés de larmes. La paysannerie tient une place prépondérante dans votre œuvre, surtout au début. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous intéresser au monde rural ? Mon intérêt particulier à la paysannerie est tout naturel, d'abord parce que je suis issue d'une famille paysanne, comme la majorité des algériens d'ailleurs, mais aussi et surtout, parce que cette catégorie sociale a le plus souffert de la colonisation vu qu'elle était la première visée et spoliée. L'histoire de la colonisation est étroitement liée à la spoliation de la terre. Vous avez reçu une double formation, celle de cinéaste, et en sociologie. Est-ce un choix délibéré ? Après ma formation au cinéma, je me suis rendu compte que j'avais acquis les outils spécifiques pour manipuler le discours audiovisuel, les techniques d'un langage spécifique, mais pour dire quoi. Raconter des histoires ou raconter l'Histoire ? J'ai choisi de raconter l'Histoire, la sociologie m'a donné les instruments théoriques pour appréhender cette histoire, de la manière la plus sérieuse, la plus objective et la plus constructive aussi. En commençant votre expérience dans le documentaire, n'avez-vous pas été influencé par vos études en sociologie ? C'est vrai et je reste convaincu que tout documentaire doit être construit et que si le film de fiction obéit à une dramaturgie, le documentaire obéit aussi à une construction, la problématique d'abord, les hypothèses formulées en images et en son (commentaires et interview) et, bien entendu, le montage des attractions, la musique expressive, etc. Pour que soient additionné, à l'objectivité du maitre d'œuvre, l'artiste, l'idéologue. Parce que le cinéma (l'audiovisuel), c'est un moyen d'expression. C'est un art et on ne peut le concevoir sans émotion. Il y a un élément qui a manqué, il me semble, dans vos premiers films : l'amour, le romantisme… Pourquoi ? C'est vrai. J'ai dû faire ma propre autocritique et mon introspection. Je dois avouer que le sociologue au sens scientifique du terme, l'a emporté parfois sur l'artiste, et puis, à l'époque épique que nous avons vécue, celle du projet socialiste, le projet collectif nous poussait peut-être non pas à mettre de côté nos sentiments individuels, mais de ne pas les imposer aux autres. On ne devait exprimer que le sentiment collectif, mais n'est-ce pas là une incongruité ? Ce qui n'a pas empêché l'artiste de vivre da propre sentimentalité dans sa vie privée. Peut-être pas à l'écran par pudeur ? Ou par crainte de la critique publique ? Plus tard, en 2003, vous réalisez un feuilleton télévisuel en 13 épisodes, retraçant le destin de 3 familles séparées par la richesse et les clivages sociaux. Les relations entre l'homme et la femme sont-elles déterminées par ces clivages ? Depuis que le monde existe, les clivages entre les personnes, entre les groupes, ont eu pour base et pour levier principal la différence entre fortunes… Les hommes et les femmes qui ont réussi à dépasser cela restent des exceptions qui sont devenues des légendes, parce qu'extraordinaires. Que pensez-vous de la critique de Nouara Saadia Djaafar se rapportant au sexisme de la série Lakhdar, diffusée tout au long du ramadan ? A dire vrai, je vous avoue que je n'ai vu de la série que deux ou trois épisodes. Durant le mois de Ramadan, je suis branché sur d'autres chaînes de télé, comme 2M, par exemple, que je considère la meilleure de la région. J'ai lu dans la presse, et on m'a raconté la chose, mais je n'en veux pas à Lakhdar ; s'il y a des gens à blâmer, ils sont ailleurs. ‘'C'est un plaisir de tourner, et personne ne peut m'enlever cette passion'', aviez-vous déclaré. Est-ce toujours le cas ? La passion de tourner des films c'est celle que vit tout artiste qui pratique son art. Je suis passionné par mon art et je le ferai quels que soient les obstacles dressés. Vous aviez été alité et avez lutté avec courage contre la maladie. Votre passion de la caméra a-t-elle été un stimulant déterminant dans ce combat ? C'est vrai que l'espoir de revenir à la caméra m'a donné le moral et le courage pour surmonter la maladie. Comment est-il possible de continuer à faire du cinéma en Algérie, alors qu'il n'y a pas de salle, ou si peu ? Heureusement que la télé permet de contourner cet écueil. Mais la télé peut-elle remplacer le grand écran ? Ce qui importe pour moi, c'est que mon œuvre soit vu par un public maximum. La réalité s'impose, en Algérie il n'y a pas de salle mais le public existe, derrière le petit écran. Qu'est-ce qui empêche les promoteurs algériens d'aller à la conquête des marchés extérieurs ? Il n'y a pas de promoteurs du cinéma en Algérie. Qu'est-ce qui, selon vous, empêche la production audiovisuelle algérienne d'évoluer : le manque de moyens, l'absence de laboratoire, la faiblesse des scénarios ? Je crois qu'une volonté politique réelle, si elle existait, elle entraînerait automatiquement toutes mesures (financière et autres) à même de développer le cinéma. Malheureusement, pour la culture, il faut d'abord, savoir ce que ce mot veut dire. Il semble que cette politique n'existe pas ou presque pas. Espérons, car l'espoir fait vivre jusqu'à la mort. A. B. Les spoliateurs, les révoltés, les déracinés, des titres qui empruntent au même champ sémantique. C'est le cri de révolte d'un cinéaste ? Ce n'est pas un cri de révolte, mais probablement l'expression d'une douleur séculaire que tout Algérien porte en lui et qu'il extériorise, chacun à sa façon… La génération qui nous a précédé l'a exprimé, elle, par la révolte…armée… Ma génération l'a exprimé à travers ce qu'elle maîtrise comme moyen d'expression. En ce qui me concerne, ce fut et c'est encore, le cinéma. C'est un art, certes, mais c'est mon arme à moi, et je ne peux pas concevoir m'en servir simplement pour conter des histoires à l'eau de rose ou bien des blagues pour faire rire ceux qui ont les yeux gonflés de larmes. La paysannerie tient une place prépondérante dans votre œuvre, surtout au début. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous intéresser au monde rural ? Mon intérêt particulier à la paysannerie est tout naturel, d'abord parce que je suis issue d'une famille paysanne, comme la majorité des algériens d'ailleurs, mais aussi et surtout, parce que cette catégorie sociale a le plus souffert de la colonisation vu qu'elle était la première visée et spoliée. L'histoire de la colonisation est étroitement liée à la spoliation de la terre. Vous avez reçu une double formation, celle de cinéaste, et en sociologie. Est-ce un choix délibéré ? Après ma formation au cinéma, je me suis rendu compte que j'avais acquis les outils spécifiques pour manipuler le discours audiovisuel, les techniques d'un langage spécifique, mais pour dire quoi. Raconter des histoires ou raconter l'Histoire ? J'ai choisi de raconter l'Histoire, la sociologie m'a donné les instruments théoriques pour appréhender cette histoire, de la manière la plus sérieuse, la plus objective et la plus constructive aussi. En commençant votre expérience dans le documentaire, n'avez-vous pas été influencé par vos études en sociologie ? C'est vrai et je reste convaincu que tout documentaire doit être construit et que si le film de fiction obéit à une dramaturgie, le documentaire obéit aussi à une construction, la problématique d'abord, les hypothèses formulées en images et en son (commentaires et interview) et, bien entendu, le montage des attractions, la musique expressive, etc. Pour que soient additionné, à l'objectivité du maitre d'œuvre, l'artiste, l'idéologue. Parce que le cinéma (l'audiovisuel), c'est un moyen d'expression. C'est un art et on ne peut le concevoir sans émotion. Il y a un élément qui a manqué, il me semble, dans vos premiers films : l'amour, le romantisme… Pourquoi ? C'est vrai. J'ai dû faire ma propre autocritique et mon introspection. Je dois avouer que le sociologue au sens scientifique du terme, l'a emporté parfois sur l'artiste, et puis, à l'époque épique que nous avons vécue, celle du projet socialiste, le projet collectif nous poussait peut-être non pas à mettre de côté nos sentiments individuels, mais de ne pas les imposer aux autres. On ne devait exprimer que le sentiment collectif, mais n'est-ce pas là une incongruité ? Ce qui n'a pas empêché l'artiste de vivre da propre sentimentalité dans sa vie privée. Peut-être pas à l'écran par pudeur ? Ou par crainte de la critique publique ? Plus tard, en 2003, vous réalisez un feuilleton télévisuel en 13 épisodes, retraçant le destin de 3 familles séparées par la richesse et les clivages sociaux. Les relations entre l'homme et la femme sont-elles déterminées par ces clivages ? Depuis que le monde existe, les clivages entre les personnes, entre les groupes, ont eu pour base et pour levier principal la différence entre fortunes… Les hommes et les femmes qui ont réussi à dépasser cela restent des exceptions qui sont devenues des légendes, parce qu'extraordinaires. Que pensez-vous de la critique de Nouara Saadia Djaafar se rapportant au sexisme de la série Lakhdar, diffusée tout au long du ramadan ? A dire vrai, je vous avoue que je n'ai vu de la série que deux ou trois épisodes. Durant le mois de Ramadan, je suis branché sur d'autres chaînes de télé, comme 2M, par exemple, que je considère la meilleure de la région. J'ai lu dans la presse, et on m'a raconté la chose, mais je n'en veux pas à Lakhdar ; s'il y a des gens à blâmer, ils sont ailleurs. ‘'C'est un plaisir de tourner, et personne ne peut m'enlever cette passion'', aviez-vous déclaré. Est-ce toujours le cas ? La passion de tourner des films c'est celle que vit tout artiste qui pratique son art. Je suis passionné par mon art et je le ferai quels que soient les obstacles dressés. Vous aviez été alité et avez lutté avec courage contre la maladie. Votre passion de la caméra a-t-elle été un stimulant déterminant dans ce combat ? C'est vrai que l'espoir de revenir à la caméra m'a donné le moral et le courage pour surmonter la maladie. Comment est-il possible de continuer à faire du cinéma en Algérie, alors qu'il n'y a pas de salle, ou si peu ? Heureusement que la télé permet de contourner cet écueil. Mais la télé peut-elle remplacer le grand écran ? Ce qui importe pour moi, c'est que mon œuvre soit vu par un public maximum. La réalité s'impose, en Algérie il n'y a pas de salle mais le public existe, derrière le petit écran. Qu'est-ce qui empêche les promoteurs algériens d'aller à la conquête des marchés extérieurs ? Il n'y a pas de promoteurs du cinéma en Algérie. Qu'est-ce qui, selon vous, empêche la production audiovisuelle algérienne d'évoluer : le manque de moyens, l'absence de laboratoire, la faiblesse des scénarios ? Je crois qu'une volonté politique réelle, si elle existait, elle entraînerait automatiquement toutes mesures (financière et autres) à même de développer le cinéma. Malheureusement, pour la culture, il faut d'abord, savoir ce que ce mot veut dire. Il semble que cette politique n'existe pas ou presque pas. Espérons, car l'espoir fait vivre jusqu'à la mort. A. B.