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La mémoire ou comment reconstruire l'histoire
Les guerres sans fin de Benjamin Stora
Publié dans Le Midi Libre le 16 - 11 - 2008

Dans son dernier ouvrage Les guerres sans fin, édité chez l'éditeur Stock dans la collection essais et documents et paru en septembre dernier, l'historien spécialiste de l'histoire du Maghreb, Benjamin Stora achève une trilogie – les deux derniers ouvrages intitulés ‘'La Dernière Génération d'Octobre'' et ‘'Les Trois Exils'' –, dans laquelle se mêlent la passion parfois douloureuse d'une quête personnelle et la raison exigeante de l'enquête historique.
Dans son dernier ouvrage Les guerres sans fin, édité chez l'éditeur Stock dans la collection essais et documents et paru en septembre dernier, l'historien spécialiste de l'histoire du Maghreb, Benjamin Stora achève une trilogie – les deux derniers ouvrages intitulés ‘'La Dernière Génération d'Octobre'' et ‘'Les Trois Exils'' –, dans laquelle se mêlent la passion parfois douloureuse d'une quête personnelle et la raison exigeante de l'enquête historique.
A l'heure de l'ouverture d'une partie des archives coloniales pour la postérité, l'auteur se laisse aller à une analyse plus ou moins exaustive en engageant, le long de cet essai broché, une pertinente réflexion sur le devoir de mémoire d'une part, et comment se reconstruire à partir de l'écriture de l'histoire. Il tient, à travers sa réflexion, à associer le cénacle d'historiens à plancher sur l'écriture de l'histoire et l'engagement de l'historien. Il évoque dans les colonnes de la publication ‘'les deux Rives de la Méditerranée'' qui parait à Toulon «la responsabilité [la nécessité] de l'historien entre écrire l'histoire, et éviter que [cette écriture] serve à fabriquer des vengeances». ‘'Au début de mon travail sur la mémoire dans ces années 1990, dévoile-t-il, je pensais naïvement que la tâche principale de l'historien était de ‘'retrouver'' la mémoire pour écrire l'histoire, en permanence dévoiler la connaissance des faits qui avaient été enfouies, dissimulées, reconstruites. «Au fur et à mesure du développement de l'écriture de ‘'La gangrène et l'oubli'', ou de la réalisation des ‘'Années algériennes'', je me suis aperçu que c'était un petit peu plus compliqué. Les sociétés, en fait, avaient besoin d'oublier», note-t-il. Et de poursuivre que «l'oubli fonctionne aussi de manière positive. Pour se reconstruire, se fabriquer une identité, une société pratique une sorte ‘'d'oubli nécessaire''. Les principaux acteurs (ou victimes) de la tragédie ne peuvent pas vivre en état perpétuel de frénésie mémorielle. C'est une illusion que de vouloir absolument imposer, sans cesse, comme une sorte de tyrannie, la mémoire retrouvée. Il existe des plages, des séquences, des moments d'histoire où l'oubli est normal, rappelle Benjamin Stora, expliquant qu'«un oubli peut être légitime, [car] il n'est pas possible de vivre sans cesse en étant dans la guerre, l'adversité, la recherche de l'adversaire, la vengeance. Il faut faire avec l'oubli, et le travail des historiens doit se faire avec cela (…). Les historiens travaillent sur la mémoire et la restitution du temps dissimulé, mais aussi sur les mécanismes de l'oubli. L'amnésie peut fonctionner comme une bombe à fragmentation. Si les haines, les rancœurs restent trop longtemps confinées dans l'espace privé, elles risquent d'exploser dans l'espace public plusieurs dizaines d'années plus tard. Pour ne pas avoir assumé le passé dans sa complexité, celui-ci explose dans le présent de manière anarchique, désordonnée, échappant à tout contrôle».
L'oubli est-il légitime pour pouvoir vivre ?
auteur a essayé, au fil de ses travaux d'instaurer une sorte de distinction, entre cet oubli légitime, nécessaire, évident et un oubli organisé par les Etats, visant à échapper à la justice, à éviter le châtiment. Faisant la part de choses, Benjamin Stora scinde l'oubli en types : l'oubli de la société, légitime pour pouvoir vivre, et puis un oubli très pervers, très organisé. «Parfois, les oublis décidés par les Etats rencontraient un écho dans la société qui les acceptait. Car la société n'était pas en état d'insurrection permanente contre l'Etat», relève-t-on dans son essai. Pour l'auteur «le travail historique consiste précisément à voir quand, et comment, ils se produisent. Et pourquoi la société accepte-t-elle de vivre avec des mensonges ? Pourquoi continue-t-on d'avancer avec tous les secrets que l'on porte dans sa tête ? Pourquoi à un moment donné on n'accepte plus ? Pourquoi faut-il divulguer ce secret, pourquoi faut il qu'on le reconnaisse ? s'interroge l'auteur. A un moment donné, la mémoire se réveille, parce que la société a changé, ne supporte plus le poids des drames anciens, et qu'il y a eu des batailles, des reconnaissances, des seuils franchis dans l'espace public. Alors, l'Etat ne peut plus conserver la même attitude. Tout ce travail compliqué de cicatrisation des mémoires blessées renvoie aussi, peut-être, au nécessaire temps de ‘'guérison'', sorte de période de latence qui correspond à une intensification des refoulements de souvenirs difficiles.» Le temps d'attente dans l'écriture du travail historique paraît, poursuit-il, aussi s'établir en relation avec la protection de la vie privée des individus.
Séquelles postcoloniales
Concernant par exemple la guerre d'Algérie en France, explique Benjamin Stora, «il n'est que de voir le destin des harkis qui ont combattu aux côtés de la France. Ils ont été très nombreux et certains sont toujours vivants. On connaît le problème moral qui se rattache à cette question et touche au bas mot 100 000 hommes. Le travail historique et le devoir de transparence, par l'ouverture d'archives encore brûlantes, se heurtent ici au souci de citoyens voulant protéger leur vie privée, voire leur vie tout court. En d'autres termes, l'ouverture des archives permet-elle d'écrire une histoire sereine ou sert-elle à raviver des vengeances passées, à réactiver des blessures toujours apparentes, non cicatrisées ?» Dans ce sens, peut-il y avoir correspondance entre le temps d'apaisement des passions et le temps d'une possible ouverture des archives, étatiques ou mémorielles ? Entre étude historique et témoignage personnel, ce livre singulier est jalonné par des rencontres avec quelques personnages clés. L'essai document bat le rappel de la Guerre d'indépendance, qu'accompagnent les conflits de mémoire et séquelles postcoloniales, la guerre civile algérienne, les luttes intestines... des deux côtés de la Méditerranée. En effet, les effets de combats n'en finissent pas, comme les répliques des tremblements de terre. Les rapports entre l'Algérie et la France sont ensanglantés, passionnés, obsédants, durablement marqués par une conflictuelle proximité. A distance des passions partisanes, froide par méthode, l'histoire de ces relations tourmentées s'écrit néanmoins à chaud et l'exercice est parfois périlleux. Spécialiste reconnu de l'histoire du Maghreb qu'il enseigne à l'Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), Benjamin Stora a réalisé plusieurs travaux de documentaires sur la guerre de libération nationale. Il est aussi l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages, dont La Mémoire de la guerre d'Algérie (La Découverte, 1991), La Guerre invisible (Presses de Sciences Po, 2001), Algérie Maroc. Histoires parallèles, destins croisés (Maisonneuve et Larose, 2002), La dernière Génération d'Octobre (Stock, 2003), Histoire de la Guerre d'Algérie (La découverte 2004), La Gangrène et l'Oubli (La Découverte, 2005) et Les Trois Exils, Juifs d'Algérie (Hachette Pluriel 2008).
F.B-H.
A l'heure de l'ouverture d'une partie des archives coloniales pour la postérité, l'auteur se laisse aller à une analyse plus ou moins exaustive en engageant, le long de cet essai broché, une pertinente réflexion sur le devoir de mémoire d'une part, et comment se reconstruire à partir de l'écriture de l'histoire. Il tient, à travers sa réflexion, à associer le cénacle d'historiens à plancher sur l'écriture de l'histoire et l'engagement de l'historien. Il évoque dans les colonnes de la publication ‘'les deux Rives de la Méditerranée'' qui parait à Toulon «la responsabilité [la nécessité] de l'historien entre écrire l'histoire, et éviter que [cette écriture] serve à fabriquer des vengeances». ‘'Au début de mon travail sur la mémoire dans ces années 1990, dévoile-t-il, je pensais naïvement que la tâche principale de l'historien était de ‘'retrouver'' la mémoire pour écrire l'histoire, en permanence dévoiler la connaissance des faits qui avaient été enfouies, dissimulées, reconstruites. «Au fur et à mesure du développement de l'écriture de ‘'La gangrène et l'oubli'', ou de la réalisation des ‘'Années algériennes'', je me suis aperçu que c'était un petit peu plus compliqué. Les sociétés, en fait, avaient besoin d'oublier», note-t-il. Et de poursuivre que «l'oubli fonctionne aussi de manière positive. Pour se reconstruire, se fabriquer une identité, une société pratique une sorte ‘'d'oubli nécessaire''. Les principaux acteurs (ou victimes) de la tragédie ne peuvent pas vivre en état perpétuel de frénésie mémorielle. C'est une illusion que de vouloir absolument imposer, sans cesse, comme une sorte de tyrannie, la mémoire retrouvée. Il existe des plages, des séquences, des moments d'histoire où l'oubli est normal, rappelle Benjamin Stora, expliquant qu'«un oubli peut être légitime, [car] il n'est pas possible de vivre sans cesse en étant dans la guerre, l'adversité, la recherche de l'adversaire, la vengeance. Il faut faire avec l'oubli, et le travail des historiens doit se faire avec cela (…). Les historiens travaillent sur la mémoire et la restitution du temps dissimulé, mais aussi sur les mécanismes de l'oubli. L'amnésie peut fonctionner comme une bombe à fragmentation. Si les haines, les rancœurs restent trop longtemps confinées dans l'espace privé, elles risquent d'exploser dans l'espace public plusieurs dizaines d'années plus tard. Pour ne pas avoir assumé le passé dans sa complexité, celui-ci explose dans le présent de manière anarchique, désordonnée, échappant à tout contrôle».
L'oubli est-il légitime pour pouvoir vivre ?
auteur a essayé, au fil de ses travaux d'instaurer une sorte de distinction, entre cet oubli légitime, nécessaire, évident et un oubli organisé par les Etats, visant à échapper à la justice, à éviter le châtiment. Faisant la part de choses, Benjamin Stora scinde l'oubli en types : l'oubli de la société, légitime pour pouvoir vivre, et puis un oubli très pervers, très organisé. «Parfois, les oublis décidés par les Etats rencontraient un écho dans la société qui les acceptait. Car la société n'était pas en état d'insurrection permanente contre l'Etat», relève-t-on dans son essai. Pour l'auteur «le travail historique consiste précisément à voir quand, et comment, ils se produisent. Et pourquoi la société accepte-t-elle de vivre avec des mensonges ? Pourquoi continue-t-on d'avancer avec tous les secrets que l'on porte dans sa tête ? Pourquoi à un moment donné on n'accepte plus ? Pourquoi faut-il divulguer ce secret, pourquoi faut il qu'on le reconnaisse ? s'interroge l'auteur. A un moment donné, la mémoire se réveille, parce que la société a changé, ne supporte plus le poids des drames anciens, et qu'il y a eu des batailles, des reconnaissances, des seuils franchis dans l'espace public. Alors, l'Etat ne peut plus conserver la même attitude. Tout ce travail compliqué de cicatrisation des mémoires blessées renvoie aussi, peut-être, au nécessaire temps de ‘'guérison'', sorte de période de latence qui correspond à une intensification des refoulements de souvenirs difficiles.» Le temps d'attente dans l'écriture du travail historique paraît, poursuit-il, aussi s'établir en relation avec la protection de la vie privée des individus.
Séquelles postcoloniales
Concernant par exemple la guerre d'Algérie en France, explique Benjamin Stora, «il n'est que de voir le destin des harkis qui ont combattu aux côtés de la France. Ils ont été très nombreux et certains sont toujours vivants. On connaît le problème moral qui se rattache à cette question et touche au bas mot 100 000 hommes. Le travail historique et le devoir de transparence, par l'ouverture d'archives encore brûlantes, se heurtent ici au souci de citoyens voulant protéger leur vie privée, voire leur vie tout court. En d'autres termes, l'ouverture des archives permet-elle d'écrire une histoire sereine ou sert-elle à raviver des vengeances passées, à réactiver des blessures toujours apparentes, non cicatrisées ?» Dans ce sens, peut-il y avoir correspondance entre le temps d'apaisement des passions et le temps d'une possible ouverture des archives, étatiques ou mémorielles ? Entre étude historique et témoignage personnel, ce livre singulier est jalonné par des rencontres avec quelques personnages clés. L'essai document bat le rappel de la Guerre d'indépendance, qu'accompagnent les conflits de mémoire et séquelles postcoloniales, la guerre civile algérienne, les luttes intestines... des deux côtés de la Méditerranée. En effet, les effets de combats n'en finissent pas, comme les répliques des tremblements de terre. Les rapports entre l'Algérie et la France sont ensanglantés, passionnés, obsédants, durablement marqués par une conflictuelle proximité. A distance des passions partisanes, froide par méthode, l'histoire de ces relations tourmentées s'écrit néanmoins à chaud et l'exercice est parfois périlleux. Spécialiste reconnu de l'histoire du Maghreb qu'il enseigne à l'Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales), Benjamin Stora a réalisé plusieurs travaux de documentaires sur la guerre de libération nationale. Il est aussi l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages, dont La Mémoire de la guerre d'Algérie (La Découverte, 1991), La Guerre invisible (Presses de Sciences Po, 2001), Algérie Maroc. Histoires parallèles, destins croisés (Maisonneuve et Larose, 2002), La dernière Génération d'Octobre (Stock, 2003), Histoire de la Guerre d'Algérie (La découverte 2004), La Gangrène et l'Oubli (La Découverte, 2005) et Les Trois Exils, Juifs d'Algérie (Hachette Pluriel 2008).
F.B-H.


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