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Témoignage : Le 11 janvier 92 , le jour où tout a basculé !
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 10 - 01 - 2012


Le 11 janvier, le jour où tout a basculé !
Le 29 septembre 1991 l'état d'urgence est levé et des élections législatives sont annoncées. Les résultats du premier tour sont hallucinants ; le 26 décembre ils donnent au FIS 188 sièges et une centaine en ballottage positif, le plaçant en position pour réussir la majorité. Les militaires s'y opposent et le Président Chadli Bendjedid contraint à démissionner le 11 janvier 1992. Le Haut conseil de sécurité (HCS) sous Sid Ahmed Ghozali invalide les résultats des élections et annule le deuxième tour. Une junte militaire, une première en Algérie, s'accorde à créer le HCE (Haut Comité de l'Etat) qui se trouve à la tête de l'état, et décrète l'état d'urgence le 09 février suivant. C'est alors que commence une véritable chasse aux leaders du FIS ; entre 20 000 et 24 000 élus, candidats, militants et sympathisants de ce parti sont arrêtées, kidnappés ou déportés vers des camps de concentration au Sahara (plus de 12 camps), et une véritable guérilla est déclenchée contre les auteurs du punch déguisé.
J'étais l'une des victimes de ce putsh. J'avais 3o ans, j'étais – ma première erreur monumentale – élu président de la commission sociale et culturelle à l'APW (Assemblée Populaire de Wilaya) de Bouira et – ma seconde faute – candidat aux élections législatives avortées !
Il était 22H 00 quand des gendarmes armés jusqu'aux dents encerclèrent ma maison ; quelques-uns prirent leurs places sur le toit pendant que d'autres, se mettant devant l'entrée, me sommèrent de sortir et sans attendre, fracassèrent la porte et inondèrent la maison, non sans casser tout sur leur passage; mes deux filles qui criaient horrifiées et leur mère enceinte n'ont pas été pour déclencher cette pitié que tout un chacun de nous autres Algériens avons en réserve; j'avais suspecté quelque chose de bizarre dans leurs comportements, donc je m'étais résigné à répondre à toutes leurs sommations.
Il n'est pas nécessaire de rappeler qu'avec nos gendarmes, se résigner ne peut pas valoir dire que l'on peut éviter ce qui est de leur nature : La violence dans tous les sens ! Il est inutile de raconter que je garde toujours des séquelles dues à cette intervention musclée digne des films hollywoodiens ; je souffre toujours et probablement jusqu'à la fin de mes jours que j'attends lucidement et avec patience !
En tout cas, pour chaque mot prononcé, j'étais mis systématiquement à tabac et battu à volonté. Je me retrouvais avec environs 200 personnes de la wilaya de Bouira enlevées; les traces de violence étaient apparentes sur leurs corps et leurs visages, et pourtant nous avions la chance de survivre à la folie de nos militaires qui ne savent faire la guerre qu'à leurs peuple et qui n'avaient jamais osé la faire contre trafic illicite des stupéfiants, le blanchiment d'argent, la corruption et les fléaux sociaux.
Nous avons été conduits comme des criminels vers les sièges de gendarmerie puis vers une caserne isolée où personne n'avait échappé à la rage de nos militaires. Les insultes dont ils sont experts, les coups, alors que nous étions menottés, et les menaces de tous genres étaient le décor de ces premiers moments d'une guerre sans nom mais planifié depuis longtemps.
Rassemblés dans une caserne, nous avons été soumis à des interrogatoires humiliants et effrayants conduits par des gens qui ne savent rien de l'art d'interroger ; sous un froid glacial nous avons été forcés à nous mettre torse nu pour prendre des photos de face et de profil, comme on a l'habitude de le faire avec les délinquants ; il arrivait même que l'on vous rappelle pour refaire les photos. Puis l'on vous vous passe de nouveau à l'interrogatoire; un vrai calvaire : si vous répondez, vous êtes sommé de vous taire et si vous vous taisez, vous êtes forcé de parler! A titre d'exemple : Etes vous marié? Combien de femmes avez-vous et pourquoi?
C'est dans une salle de prière étroite et comme dans un souk que nous avons été entassés sous un froid glacial pendant trois jours et quatre nuits encerclés par une véritable chaîne militaire. Nous ne faisons qu'à attendre dans un flou total ! Une vraie torture ! Pour éviter un quelconque engagement aventurier et baisser la pression, l'on nous disait que tout le monde allait être libéré sauf ceux qui avaient commis des crimes; il se trouvait qu'il n'y avait personne d'entre nous qui se reprochait quoi que ce soit ! Nous savions qu'il se tramait quelque chose, mais nous ignorions tout jusqu'au 13 janvier à l'aurore !
Nous nous attendions à une entrevue promise la veille avec les autorités militaires pour demander des explications au sujet de notre statut et nous y sommes préparés, mais ce n'était qu'un mensonge ; nos militaires appellent cela de la tactique. Subitement la bête s'est réveillée ; il est difficile de raconter en détail ce retournement de situation. Un mot propre au militaires se répétait : « On se lève ! On se lève » suivi d'insultes, de coups de pied ou de cross, et tout le monde grouillait. Une seule issue pouvait être salvatrice : suivre le couloir indiqué par des soldats apeurés et monter le premier camion libre à la fin de la course sous des coups de toutes sortes ! Puis c'est seulement, une fois dans le camion, que l'on peut se considérer à l'abris des coups ! Et c'est à partir de ce moment que tout le monde avait compris que le jeu était faits et que l'avenir ne pourrait être que tragique ; on nous a attachés à nos sièges, non sans nous menotter deux à deux, et la caravane entama son périple vers cet horrible inconnu qui changerait le cours de l'histoire.
Les souffrances que nous avons endurées pendant ce voyage de tous les dangers perdront du sens, au fur et mesure que nous avancions vers un lendemain obscur ; qui oublierait cette scène de tri faite dans un terrain vague et isolé encerclé par des hommes armés ? Il y avait même qui pensaient à une tuerie programmée ! D'ailleurs plusieurs dizaines de détenus ont été sortis du lot et dirigés vers une autre destination, et on ne les a jamais revus! Le plus étonnant dans cette affaire est que l'on nous avait ôté les menottes et nous sommes remontés docilement dans les camions, après nous avoir fait croire, oh que nous étions bêtes, que nous allions être libérés ! Or, tout en faisant demi tour, nous avons été acheminés vers l'aéroport de Boufarik où un avion prêt à décoller nous attendait sur le tarmac. L'horreur était tellement insupportable qu'il nous était impossible d'imaginer une suite, surtout après la fermeture de la grande porte de l'engin puis nous voir menottés dans un avion sur le point de voler! Nous étions unanimes à penser qu'un carnage était programmé en simulant un crash, si ce n'était la présence avec nous des gendarmes armés jusqu'au dents! Je ne pouvais pas croire qu'ils étaient capables de sacrifier les leurs ?
C'est ainsi que nous avons atterri dans la peur en pleine tempête de sable dans un coin que nous n'avions jamais imaginé auparavant : La fameuse base militaire de Reggane connue pour être le centre d'observation d'où l'ennemi de l'humanité, en l'occurrence la France coloniale, avait déclenché la bombe A le 13 février 1960 ; est ce une coïncidence d'y arriver ce 13 février 1992? L'avenir nous le dira peut-être.
Les camps de la honte où nous avons été séquestrés étaient tous implantés dans des régions connues pour leurs radios activités élevées. Celui de Reggane était classé zone dangereuse. Par ailleurs, le lieu où l'on nous avait entassés était une poudrière sous haute surveillance qui nécessitait des précautions très particulières pour y accéder ; avant notre arrivée là bas, on devait impérativement mettre masques à gaz pour y accéder. C'est aussi les cas des camps de Tibergamine et de Tassabit qui étaient des entrepôts où l'on stockait des produits chimiques.
En parler, c'est badiner avec la mélancolie et le chagrin, c'est donner de la chance à la haine et la rancune et enfin c'est mourir avant terme. Même si nous n'étions pas des SDF, puisque nous habitions à 14 dans des tentes destinées pour 8 personnes, les lits de camp, les couvertures, sans autres choses d'ailleurs, seraient interdits aux animaux dans les pays qui se respectent ! Sales et puants étaient-ils depuis le jour de notre arrivée, et bien sûr, ils n'ont jamais été changés ; seraient-ils brûlées après notre départ ou envoyées vers d'autres camps de la honte qui poussaient comme des champignons : Six mois à Reggane, trois à Tibergamine pour ce qui me concerne, et quelques semaines à Tassabit d'où j'ai été évacué vers l'hôpital d'Adrar où j'avais séjourné avec des menottes en mains, jusqu'à l'arrivée du nouveau gendarme de garde qui refusait de me menotter, en me disant : « Tu n'as qu'à te sauver si tu veux » ! Et bien sûr, je n'avais pas envie de me sauver !
Pendant les chaleurs, nous survivions, et les plus vulnérables, il y en avait, se souhaitaient de mourir ! On ne se laissait pas faire facilement certes, puisque de temps à autre, nous entreprenions des grèves de la faim, des marches, des sit-in etc. En revanche, les militaires en guise de représailles nous privaient d'eau, de nourriture, de soins, de courrier, de visite des parents – ailleurs qu'à Reggane où ce fut nous même qui décidâmes d'en refuser ! A rappeler que plusieurs camps de concentration furent envahis par des troupes antiémeutes ! Les fabricants de la haine avaient même isolé plus de 400 détenus du camp de Reggane et les avaient séquestrés à la prison sans se donner la peine de passer par la justice qui n'a d'ailleurs jamais existé en Algérie. On sait bien que la prison est mise sous l'autorité d'un procureur de justice !
Je dois rappeler que pendant toute cette durée que nous avions passée, allant d'une semaine à 4 ans, des mouvements de transfert des détenus s'opéraient pour répondre à un dessein diabolique que le temps présent met à nu : des centaines de détenus avaient été soi disant libérés, au gré des responsables au niveau des wilayas, pour être, soit liquidés, soit arrêtés et torturés à mort, soit « retournés » et utilisés dans la sale guerre ; des milliers de disparus sont à dénombrer aujourd'hui ! Il y en a même ceux qui ont été conduits vers des tribunaux militaires qui les auraient innocentés, mais qui seraient arrêtés et assassinés en cours de route de retour chez eux. D'autres ont été repris et transférés vers des camps de concentration, en l'occurrence Oued Namous ! La presse de l'époque est là pour dire cette tragédie mais aussi pour dire sa bassesse !
Et même ceux ayant la chance d'être « élargi » – revenir vivant – selon les propos mêmes des responsables classés cadres supérieurs de l'état, n'avaient droit à aucun document certifiant sa présence dans un camp ou plusieurs ! D'ailleurs s'il est attrapé dans un vrai barrage, il serait bon à être porté parmi les disparus, et s'il ne l'est pas, il y aurait les GIA pour s'occuper de lui et le récupérer, à moins qu'il reste éveillé en permanence et baisser l'échine en attendant le printemps qui n'est jamais arrivé !
Pour répondre au général criminel Khaled Nezzar qui n'a jamais raté une occasion pour se salir, en affirmant que nous ne faisions rien à part de prier : A Reggane, par exemple, nous n'étions pas moins de 1000 universitaires ; on peut donc imaginer que, et c'est la réalité, le camp a été transformé en une véritable université où nous enseignons et étudions tout. Nous étions tous : ou des enseignants ou des apprenants! Rares ceux qui se contentaient de tourner leurs doits : Personnellement, c'est là bas que j'ai eu l'occasion de lire beaucoup et d'écrire, pas moins de 1000 pages que je garde jalousement! En outre, avec d'autres frères nous avions contribué à la réussite au bac d'une vingtaine de détenus enlevés privés de leurs lycées ; aujourd'hui, j'en connais qui sont devenus des docteurs!
En fait, ceux qui ont dit que nous avons la chance de revenir vivants n'ont pas tort : Nous vivions dans une zone radio active et contaminée sans qu'aucune mesure de sécurité ne soit prise pour nous protéger ; même pas d'informations sur la dangerosité du site ! Un médecin, rarement présent pour 3025 détenus et autant de militaires; y a-t-il lieu de penser autre chose ? Avec une gourde d'eau pour chacun et une nourriture que des chiens mêmes n'oseraient pas manger, tout était pour nous briser. Notre statut inconnu constituait une torture morale intenable dans un environnement plus que hostile ; la majorité des détenus avait l'impression, et tout le laissait penser, que nous étions des otages en plus de la conviction que nous étions des cobayes. N'a-t-on pas froidement tué un homme à bout portant un certain 27ème jour du Ramadhan ? Sont-ils donc capables de tout ! Aussi, avions-nous appris que plusieurs personnes avaient étés kidnappés puis portés disparus alors qu'ils étaient censé êtres élargis !
Et maintenant, après vingt années de crimes programmés : plus de 200 000 morts et de blessés, 20 000 disparus et autant de détenus et de prisonniers d'opinion, plus de 500 000 exilés et 30 000 réfugiés sans parler de millions de malades et de handicapés mais aussi de milliards de dollars de perdus, qu'attend-on pour dénoncer courageusement les responsables que désormais nous connaissons de cette tragédie ? Est-ce une solution durable d'imposer une loi sur la réconciliation nationale sans punir les vrais commanditaires ? Que reste-t-il de l'esprit d'une réconciliation qui pourtant est dans chacun de nous ? Mais enfin, qu'attend-t-on de nous, les 20 000 élus et citoyens kidnappés puis séquestrés dans des lieux contaminés par des radiations nucléaires, privés de nos droits ? Après vingt années de souffrance, la meilleur chose et la plus primordiale qui nous vient à l'esprit, et qui reste notre espoir à l'occasion de ce 20ème anniversaire d'un coup d'état tragique : C'est que l'Algérie change, et radicalement ! C'est tout!
Laïd DOUANE
Le 09 janvier 2012
Tu as encore jusqu'à demain midi pour peaufiner ton texte. Merci infiniment.
Salah-Eddine
From: Laïd DOUANE
Sent: Monday, January 09, 2012 8:26 PM
To: Salah Eddine Sidhoum
Subject: 11 janvier
Salam,
Voici une suggestion sur laquelle je travaille en ce moment-même! Elle n'est pas tt à fait prête; je suis en train de la relooker. Cependant, tu peux la publier dans l'état si tu trouves qu'il ne reste pas beaucoup de temps..
Merci de faire suivre..
Le 11 janvier, le jour où tout a basculé !
Le 29 septembre 1991 l'état d'urgence est levé et des élections législatives annoncées. Les résultats du premier tour sont hallucinants ; le 26 décembre ils donnent au FIS 188 sièges et une centaine en ballottage positif, le plaçant en position pour réussir la majorité. Les militaires s'y opposent et le Président Chadli Bendjedid contraint à démissionner le 11 janvier 1992. Le Haut conseil de sécurité (HCS) présidé par Sid Ahmed Ghozali invalide les résultats des élections et annule le deuxième tour. Une junte militaire crée le HCE (Haut Comité de l'Etat) qui se trouve à la tête de l'état, et décrète l'état d'urgence le 09 février suivant ; alors commence une véritable chasse aux leaders du FIS ; entre 20 000 et 24 000 élus, candidats, militants et sympathisants de ce parti sont arrêtées, kidnappés ou déportés vers des camps de concentration au Sahara (plus de 12 camps), et une véritable guérilla est déclenchée contre les auteurs du punch déguisé.
J'étais l'une des victimes de ce punch. J'avais 3o ans, j'étais – et c'est là ma première erreur monumentale – élu président de la commission sociale et culturelle à l'APW (Assemblée Populaire de Wilaya) de Bouira et – ma seconde faute – candidat aux élections législatives avortées !
Il était 22H 00 quand des gendarmes armés jusqu'aux dents encerclèrent ma maison ; quelques-uns prirent leurs places sur le toit pendant que d'autres, se mettant devant l'entrée, me sommèrent de sortir et sans attendre, fracassèrent la porte et inondèrent la maison non sans casser tout sur leur passage; mes deux filles qui criaient horrifiées et leur mère enceinte n'ont pas été pour déclencher cette pitié que tout un chacun de nous autres Algériens avons en réserves ; j'avais suspecté quelque chose de bizarre dans leurs comportements, donc je m'étais résigné à répondre à toutes leurs sommations.
Il n'est pas nécessaire de rappeler qu'avec nos gendarmes, se résigner ne peut valoir dire que l'on peut éviter ce qui est de leur nature : la violence dans tous les sens ! Il est inutile de raconter que je garde toujours des séquelles dues à cette intervention musclée digne des films hollywoodiens ; je souffre toujours et jusqu'à la fin de mes jours que j'attends lucidement et avec patience !
En tout cas, pour chaque mot prononcé, j'étais systématiquement mis à tabac et violenté. Nous avons été environs 200 personnes de la wilaya de Bouira enlevées ce 09 février 1992 ; les traces de violence étaient apparentes sur les corps des victimes, et pourtant nous avions la chance de survivre à la folie de nos militaires qui n'avaient jamais osé faire une guerre appropriée au trafic illicite des stupéfiants, au blanchiment d'argent, à la corruption et les fléaux sociaux.
Nous avons été conduits comme des criminels vers les sièges de gendarmerie puis vers une caserne isolée. Les insultes dont nos gendarmes sont experts, les coups alors que nous étions menottés et les menaces de tous genres étaient le décor de ces premiers moments d'une tragédie sans fin.
Rassemblés dans une caserne, nous avons été soumis à des interrogatoires humiliants et effrayants conduits par des gens qui ne savent rien de l'art d'interroger ; sous un froid glacial nous avons été obligés de nous mettre torse nu pour prendre des photos de face et de profil exactement comme on a l'habitude de le faire avec les délinquants ; il arrivait même que l'on vous rappelle pour refaire les photos. Puis vous passez à l'interrogatoire plusieurs fois ; là c'est un vrai calvaire : si vous répondez vous êtes sommé de vous taire et si vous vous taisez, vous êtes forcé de parler! A titre d'exemple : Etes vous marié? Combien de femmes avez-vous?
C'est dans une salle de prière étroite et comme dans un souk que nous avons été entassés sous un froid glacial pendant trois jours et quatre nuits encerclés par une véritable chaîne militaire. Nous ne faisons qu'attendre dans un flou total ! Un vraie torture ! Pour éviter un quelconque engagement aventurier et baisser la pression, l'on nous disait que tout le monde allait être libéré sauf ceux qui avaient commis des crimes ; et il se trouvait qu'il n'y avait personne d'entre nous qui se reprochait quoi que ce soit ! Nous savions qu'il se tramait quelque chose, mais nous ignorions tout jusqu'au 13 janvier à l'aurore !
Nous nous attendions à une entrevue promise avec les autorités militaires pour demander des explications au sujet de notre statut et nous y sommes préparés. Subitement la bête s'est réveillée ; il est difficile de raconter en détail ce retournement de situation. Un mot propre au militaires de plus abrutis se répétait : On se lève ! Puis c'était des insultes, des coups de pied ou de cross et tout le monde grouillait. Une seule issue pouvait être salvatrice : suivre le couloir indiqué par des soldats apeurés et monter le premier camion libre à la fin de la course sous des coups de toutes sortes !
C'est une fois dans le camion, que l'on peut se considérer sauvé ! C'est à partir de ce moment que tout le monde avait compris que les jeux étaient faits et que l'avenir ne pouvait être que tragique ; on nous a attachés, non sans nous menotter, et la caravane entama son périple vers cet horrible inconnu qui changerait le cours de l'histoire.
Les souffrances que nous avons enduré pendant ce voyage de tous les dangers perdrons du sens au fur et mesure que nous avancions vers un lendemain obscur ; qui oublierait cette scène de tri faite dans un terrain vague et isolé ; il y avait même qui pensait à une tuerie programmé ! D'ailleurs plusieurs dizaines de détenus ont été sortis du lot et on ne les a jamais revus! Le plus étonnant dans cette affaire est que l'on nous avait enlevé les menottes et nous sommes remontés docilement dans les camions en nous faisant croire, oh que nous étions bêtes, que nous allions être libérés ! Or, tout en faisant demi tour, nous avons été acheminés vers l'aéroport de Boufarik où un avion prêt à décoller nous attendait sur le tarmac. L'horreur était tellement insupportable qu'il nous était impossible d'imaginer une suite, surtout après la fermeture de la grande porte de l'engin puis notre enchaînement avec des menottes ! Nous étions unanimes à penser qu'un carnage était programmé en imitant simulant un crash, si ce n'était la présence avec nous des gendarmes armés jusqu'au dents ! Sont-il capable de sacrifier les leurs ? Impossible me disais-je !
C'est ainsi que nous avons atterri dans la peur en pleine tempête de sable dans un coin que nous n'avions jamais imaginé auparavant : la fameuse base militaire de Reggane connue pour être le centre d'observation d'où l'ennemi de l'humanité en l'occurrence la France coloniale avait déclenché la bombe A le 13 février 1960 ; est ce une coïncidence d'y arriver la même date ?
Les camps de la honte où nous avons été séquestrés étaient tous implantés dans des régions connues pour leurs radios activités élevées. Celui de Reggane est classé zone dangereuse. Le lieu où l'on nous a entassés était une poudrière sous haute surveillance qui nécessitait des précautions très particulières pour y accéder ; avant notre arrivée là bas, on mettait même des masques à gaz en cas de passage pour une raison ou pour une autre. C'est aussi les cas des camps de Tibergamine et de Tassabit qui étaient des entrepôts où l'on stockait des produits chimiques.
En parler, c'est badiner avec la mélancolie et le chagrin, c'est donner plus de à la haine et la rancune de séjourner dans nos cœurs et enfin c'est mourir avant terme. Même si nous n'étions pas vraiment des SDF puisque nous habitions à 14 des tentes destinées pour 8 – chose ayant son côté bénéfique pendant les périodes de froid – les lits de camp, les couvertures sans autres choses d'ailleurs, seraient interdits aux animaux dans les pays qui se respectent ! Sales et puants étaient-il depuis le jour de notre arrivée, et bien sûr, ils n'ont jamais été changés ; seraient-ils brûlées après notre départ ou envoyées vers d'autres camps de la honte qui poussaient comme des champignons : Six mois à Reggane, trois à Tibergamine pour ce qui me concerne, et quelques semaines à Tassabit d'où j'ai été évacué vers l'hôpital d'Adrar où j'ai séjourné avec des menottes en mains… Pendant les chaleurs, nous survivions et les plus vulnérables, il y en avait, se souhaitaient de mourir ! On ne se laissait pas faire facilement certes, puisque de temps à autre, nous entreprenions des grèves de la faim, des marches, des sit-in etc. En revanche, les militaires en guise de représailles nous privaient d'eau, de nourriture, de soins, de courrier, de visite des parents – ailleurs qu'à Reggane où ce fut nous même qui décidâmes d'en refuser ! A rappeler que plusieurs camps de concentration furent envahis par des troupes antiémeutes ! Les fabricants de la haine avaient même isolé plus de 400 détenus du camp de Reggane et les avaient séquestrés à la prison sans passer par la justice qui n'a d'ailleurs jamais existé en Algérie.
Je dois rappeler que pendant toute cette durée, allant d'une semaine à 4 ans, des mouvements de transfert des détenus s'opéraient pour répondre à un dessein diabolique que le temps présent met à nu : des centaines de détenus avaient été soi disant libérés au gré des responsables au niveau des wilayas pour être soit liquidés, soit arrêtés et torturés à mort, soit « retournés » et utilisés dans la sale guerre ; des milliers de disparus sont à dénombrer aujourd'hui ! Il y en a même ceux qui ont été conduits vers des tribunaux militaires qui les auraient innocentés, mais qui seraient arrêtés et assassinés en cours de route de retour chez eux. D'autres ont été repris et transférés vers des camps de concentration, en l'occurrence Oued Namous ! La presse de l'époque est là pour dire cette tragédie mais aussi pour dire sa bassesse !
Et même ceux ayant la chance d'être « élargi » – revenir vivant – selon les propos- mêmes des responsables classés cadres supérieurs de l'état, n'avaient droit à aucun document certifiant sa présence dans un camps ou plusieurs ! D'ailleurs s'il est attrapé dans un barrage, il serait bon à être inscrit parmi les disparus, et s'il ne l'est pas, il y aurait les GIA pour le récupérer à moins qu'il reste éveillé en permanence et baisser l'échine en attendant le printemps qui n'est jamais arrivé !
Pour répondre au général criminel Khaled Nezzar qui n'a jamais raté les occasions de se salir, et avait affirmé que nous ne faisions rien à part de prier : A Reggane par exemple, nous n'étions pas moins de 1000 universitaires. On peut imaginer donc que, et c'est la réalité, le camp a été transformé en une véritable université. Nous étions tous : ou des enseignants ou des apprenants! Rares ceux qui se contentaient de tourner leurs doits : Personnellement c'est là bas que j'ai écrit 1000 pages ! Avec d'autres frères nous avions contribué à la réussite au bac d'une vingtaine de détenus privés de leurs lycées ; aujourd'hui ils sont des docteurs !
En fait, ceux qui ont dit que nous avons la chance de revenir vivants n'ont pas du tout tort : Nous vivions dans une zone radio active et contaminée et aucune mesure de sécurité n'a été prise pour nous protéger ; un médecin rarement présent pour 3025 détenus et autant de militaires ; Y a-t-il lieu de penser autre chose ? Avec une gourde d'eau pour chacun et une nourriture que des chiens ne mangeraient pas, tout était pour nous briser. Notre statut inconnu constituait une torture morale intenable dans un environnement plus que hostile ; la majorité avait l'impression, et tout le laissait penser, que nous étions des otages en plus de la conviction que nous étions des cobayes. N'a-t-on pas froidement tué un homme à bout portant un certain 27ème jour du Ramadhan ? Sont-ils donc capables de tout ! Aussi, avions-nous appris que plusieurs personnes avaient étés kidnappés puis portés disparus alors qu'ils étaient censé êtres élargis !
Laïd DOUANE
Le 09 janvier 2012
Lectures: Error gathering analytics data from Google: Insufficient quota to proceed.


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