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Quand Le Monde diplomatique revisite la « sale guerre » algérienne en reproduisant les clichés classiques orientalistes et en occultant la vérité
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 31 - 08 - 2017

Salima Mellah, Algeria-Watch, 31 août 2017
« Vingt ans après les massacres de la guerre civile : mémoire interdite en Algérie ». C'est le titre d'un article publié par Le Monde diplomatique d'août 2017 qui paraissait prometteur. Il faisait espérer que son auteur, Pierre Daum, revienne sur cette période douloureuse en s'appuyant sur les avis, les témoignages et les travaux consacrés aux massacres qui interrogeaient la version officielle. Or il reproduit le storytelling d'une petite élite algérienne à dominante francophone qui, motivée par son aversion épidermique pour tout ce qui peut ressembler à l'islamisme, a applaudi des deux mains la « sale guerre » menée par un commandement militaire en engageant notamment des forces spéciales, des milices et des faux groupes armés se réclamant de l'Islam. Pour Daum, pas de doute, les tueries ont été commises exclusivement par des islamistes. Seule concession à sa version, il évoque le fait indiscutable que « beaucoup d'Algériens sont persuadés » que « c'est l'armée qui a organisé le massacre ». Mais en ajoutant aussitôt : « Sans aucune preuve à l'appui »... Nous pouvons donc ignorer toute autre explication, ce sont bien les seuls islamistes qui sont responsables des 200 000 morts. Son raisonnement ne s'arrête pas là, puisqu'il considère que même si ces derniers ont « perdu la guerre », ils ont néanmoins réussi à « remporter les esprits ». Cette assertion résume à elle seule parfaitement l'esprit de son texte imprégné de la vision d'un « retour de la violence ». L'« hyperreligiosité » de la société algérienne aurait atteint un tel niveau qu'il faut craindre de nouvelles tueries : tel est explicitement son message. Interdire ce numéro du Monde diplomatique, comme l'a fait le gouvernement algérien, n'a provoqué qu'un regain d'intérêt pour un article qui dans le fonds baigne dans la tradition toujours renouvelée d'un racisme antimusulman primaire. Reprendre les propos d'interlocuteurs algériens choisis ne fait que confirmer cet ancrage.
L'auteur nous jette de plain-pied dans les massacres de 1997-1998 et en évoque quelques-uns, sans toutefois expliquer comment cette folie meurtrière des présumés islamistes a pu se déverser sur le pays. Il évoque à peine les « quelques années de violence ciblée » de ces derniers. L'Etat, ses institutions, en particulier l'armée, les services de renseignements et les propagandistes sont inexistants dans son récit. Pas de moment déclencheur, pas d'analyse de la situation politique de l'époque, ni des enjeux ou des rapports de forces, etc. Il est vrai qu'il réalise un reportage. Il se rend donc sur place, tente de parler avec des survivants, des témoins, ce qui se révèle extrêmement difficile. Mais face à cette omerta, il n'envisage pas un instant que ses interlocuteurs ne peuvent s'exprimer devant un journaliste, qui plus est étranger, car à ce jour le régime leur interdit toujours de parler des massacres. Il fait en revanche une fixation sur leur religiosité, ce qui l'amène à décrire le pays comme une vaste prison sous l'égide d'une religion qui interdit aux femmes de sortir « les cheveux à l'air » ou d'« ouvrir une bouteille de vin » sans se barricader chez soi. Et gare à celui qui ose afficher son athéisme ! Il en fait d'ailleurs les frais lui-même en se faisant expulser du logement d'un fils de victime de massacre.
Comment donc comprendre – selon Daum – une telle recrudescence de religiosité après avoir « tant souffert de l'islamisme » ? La seule explication possible ne peut être que pathologique : grâce au recours à un psychanalyste, il saisit que « l'Islam agit comme un antalgique » qui crée une « dépendance forte » et que « la vente de cette "drogue" est favorisée par l'Etat ». Plus grave encore, les malades ne s'abreuvent pas uniquement de religion mais s'adonnent à des pratiques d'exorcisme, la raqia, pour « extirper ces djinns du corps malade grâce à la récitation de certaines sourates »... Et nous voici face à un Islam qui se conjugue avec passéisme et croyances d'un autre temps.
Tout cela parce que l'Etat n'a pas véritablement voulu traiter la « douleur » que représente pour les Algériens « cette terrible violence qui les a massivement affectés ». Pas d'instance vérité et réconciliation comme en Tunisie ou au Maroc, mais amnistie pour tout le monde, « maquisards assassins et policiers tortionnaires ». Il évoque la Charte pour la paix et la réconciliation de 2005, qui selon lui occulterait les véritables responsabilités en ne faisant aucune allusion au « terrorisme » pour n'évoquer que la « tragédie nationale ». Est-ce possible que Daum n'ait pas lu la Charte dans laquelle pourtant le terme de « terrorisme » est répété dix fois et celui de « terroriste » trois fois ? La version officielle est claire et ne souffre d'aucune ambiguïté : « L'Algérie a survécu grâce au patriotisme et aux sacrifices des unités de l'Armée nationale populaire, des forces de sécurité et de l'ensemble des Patriotes qui ont su, patiemment et avec détermination, organiser la résistance de la nation face à cette agression criminelle inhumaine. »
Mais s'il est vrai que l'expression « tragédie nationale » est employée communément pour occulter les véritables responsabilités, ce n'est pas comme le regrette Daum pour amnistier systématiquement les membres des groupes armés, mais bien ceux d'entre eux qui ont offert leurs services au pouvoir, notamment les hommes qu'il cite dans son texte, Omar Chikhi et Abdelhak Layada, deux anciens responsables des GIA qui, de notoriété publique aujourd'hui, prenaient leurs ordres auprès de la police politique (DRS, Département du renseignement et de la sécurité). Le journaliste ne s'interroge pas non plus sur l'absence de poursuites de « policiers tortionnaires ». Rien de tout cela, au contraire : avec ces exemples de repentis en liberté, il entend renforcer son propos qui est de montrer qu'en définitive, rien n'a changé. Les islamistes sont toujours là, plus forts que jamais et, à tout moment, une nouvelle explosion de violence peut éclater, car la « société algérienne est tout sauf réconciliée », les électeurs du FIS de 1989 « ne regrettent rien » tout d'ailleurs comme ceux qui ont soutenu le coup d'Etat militaire en 1992.
Bref, quand on ne veut pas admettre les raisons politiques qui ont mené aux massacres collectifs, il faut se rabattre sur une pathologie du nom d'islamisme qui, parce qu'elle pas été éradiquée, aurait créé « des monstres ». Ceux-ci sont pour le moment enfermés « dans un placard », mais en attendant qu'ils resurgissent, « la peur continue d'habiter le quotidien des Algériens ». La société algérienne est en conséquence condamnée à vivre avec ce spectre des massacres qui peut à tout moment s'abattre à nouveau sur elle. Et le public français à qui s'adresse cet article se dit : « Mais quels barbares ces musulmans ! »
Vingt-cinq ans après, nous sommes confrontés aux mêmes inepties de l'époque, comme si n'existaient pas d'innombrables analyses et témoignages les ayant réfutées depuis de façon indiscutable. Pourtant, Le Monde diplomatique a publié des années durant des articles sur la « sale guerre » menée par les généraux putschistes et leurs supplétifs contre la rébellion islamiste, mais surtout contre la population civile. Si une « ligne rouge » implicite n'a pas été dépassée par le mensuel, celle consistant à mettre explicitement en cause des groupes armés se réclamant de l'islam mais téléguidés ou formés d'agents des services secrets dans les massacres, il a tout de même autorisé une analyse critique du système algérien mis en place après le coup d'Etat en janvier 1992 dont le DRS contrôlait totalement tous les rouages, politiques, administratifs, médiatiques, etc. La régression que signe ce reportage dans le respect de la vérité et de la simple information est d'autant plus impressionnante.
Les généraux putschistes et leurs alliés militaires et civils n'ont pourtant pu s'imposer face à un autre clan du pouvoir – prêt à engager des négociations avec une opposition entre-temps laminée – que grâce au soutien financier de l'Occident, en premier lieu de la France. Cette lutte au sommet de l'Etat a finalement culminé en 1997, alors que la rébellion était matée, dans des massacres collectifs dans ces mêmes villages et banlieues où les habitants refusaient de basculer du côté de l'armée. Ce n'est que lorsqu'en 1998 le président Liamine Zéroual a jeté l'éponge face aux généraux « éradicateurs » que les « décideurs » se sont entendus pour nommer Abdelaziz Bouteflika à la Présidence, à condition qu'il leur garantisse l'impunité ainsi qu'à leurs subalternes, tous grades confondus, et leurs nombreux supplétifs miliciens ou « islamistes ». Telle est bien l'essence de la Charte pour la paix et la réconciliation de 2005 et des décrets d'application promulgués en 2006. N'ont été exemptés de poursuites parmi les « islamistes » que ceux qui ont collaboré ou ont été retournés. Le sentiment de trahison qu'expriment les familles victimes des crimes commis par des groupes armés mais également des militaires provient de la nature même de ce projet de réconciliation nationale qui n'est qu'une vaste mascarade : pas de justice, pas de vérité, sujétion à la version officielle qui définit qui sont les patriotes et qui les terroristes au prix de dédommagements financières et matérielles. Tous ceux par contre qui ne se plient pas à ce diktat continuent d'être harcelés et poursuivis, jusqu'à ce jour.


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