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1er novembre 2019 : Les Algériens se révoltent avec leur histoire, pas contre elle
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 31 - 10 - 2019


LOUISA DRIS-AIT HAMADOUCHE
31 OCTOBRE 2019
EL WATAN
«Grâce à ce liant qu'est l'histoire, le hirak n'est pas seulement un mouvement qui rassemble aujourd'hui toutes les générations, mais une osmose mystique entre les générations présentes et passées. La génération de novembre 2019 est une fécondation de la génération de Novembre 1954.»
Lorsque des comparaisons ont été faites entre le 5 juillet 1962 et le 5 juillet 2019, des voix se sont élevées pour dénoncer ce qu'elles ont considéré comme une comparaison malheureuse entre deux dates qui ne sont, selon elles, en aucun cas comparables.
En gros, elles ont avancé deux arguments :
1) rien ne peut égaler le souffle constitutif de la date d'indépendance ;
2) l'indépendance de l'Algérie est un acquis acté depuis 1962, les hirakistes n'avaient à le réclamer, à nouveau, en 2019.
Pour rappel, le slogan «Le peuple veut l'indépendance» (Echaab yourid el istiklal) est apparu lors du 23e vendredi, correspondant au 57e anniversaire de l'indépendance et n'a cessé d'être clamé depuis. Ce slogan a contrarié ceux qui y ont vu, au pire un dénigrement du sacrifice consenti pendant la guerre de Libération, au mieux sa sous-estimation, considérant que les victimes de la colonisation ne sont pas comparables à celles du système autoritaire. Par conséquent, la fin du joug colonial à travers l'indépendance ne pouvait être comparée à la fin de l'autoritarisme. Pour résumer, ce point de vue suggèrerait que les Algériens écrivent l'histoire d'aujourd'hui contre l'histoire d'hier.
Le 37e vendredi de manifestation correspondant au 1er novembre, l'objet de cette contribution n'est pas de réactualiser le débat de l'été 2019. Il s'agit plutôt de profiter de ce 1er novembre si particulier, pour tenter de sortir de cette dichotomie sous-entendant que les uns ont totalement raison et que les autres ont absolument tort. Que les uns défendent la sacralité de leur histoire et que les autres la banalisent.
Une mise en contradiction qui non seulement n'apporte rien en termes de compréhension d'un fait – le rôle du référentiel historique dans le hirak –, mais divise ceux qui pourraient potentiellement être d'accord. Ainsi, à ceux qui demandent «pourquoi les hirakistes utilisent-ils des symboles de l'histoire de l'Algérie dans leur soulèvement pacifique ?», les autres répondent : «Pourquoi ne le feraient-ils pas… ?»
L'histoire avant le 22 février
Les raisons justifiant l'omniprésence des références historiques récentes, notamment la guerre de Libération et l'indépendance, dans le hirak sont nombreuses. Commençons par la plus évidente : les Algériens sont plongés dans leur histoire dès leur plus tendre enfance. A l'école, elle est enseignée comme une matière indépendante dès la 3e année primaire, mais les références historiques importantes commencent bien avant, dans le cadre de l'éducation civique.
Bien sûr, il y aurait beaucoup à dire, tant sur le fond de cet enseignement que sur son aspect pédagogique. Ainsi l'histoire est-elle enseignée comme une succession d'événements à mémoriser par cœur, enrobés dans une rhétorique politiquement très orientée où les faits avérés se mêlent aux interprétations, aux déformations et aux mensonges. C'est l'histoire mise au service d'une classe dirigeante qui a choisi de politiser, idéologiser et instrumentaliser l'histoire dans le but d'en faire un outil de gouvernance s'inscrivant dans la «légitimité historique».
En revanche, l'effet surprise de cette stratégie est d'avoir forgé des Algériens non seulement connectés à leur histoire, mais extrêmement fiers de cette dernière. Pour eux, le 1er novembre n'est pas seulement le déclenchement d'une guerre anticoloniale, mais une révolution libératrice, dont l'aura a traversé les frontières spatio-temporelles de l'Algérie. D'ailleurs, dans l'esprit de beaucoup d'Algériens, le terme «révolution» échoit à peu d'autres situations dans le monde, tant «leur révolution» est unique.
Deuxièmement, en plus d'une socialisation ancrée dans les références historiques, la conscientisation politique des Algériens est soumise à un registre discursif dans lequel le 1er novembre est omniprésent. Il fait partie des «constantes nationales» constitutionnelles intouchables. Le passage du parti unique au pluralisme n'a rien changé. Tous les partis politiques, quelle que soit leur obédience idéologique, ont inclus dans leur programme la défense et la promotion des valeurs de Novembre, comme référence doctrinale. Nulle exception à cette règle.
L'histoire à l'heure du 22 février
Depuis le 22 février, l'histoire n'est plus figée dans des manuels, des programmes ou même des discours. Depuis le 22 février, l'histoire présente nourrit l'histoire récente dans un échange où la rationalité se mêle au mysticisme et se complètent à plus d'un titre. Commençons par l'un des slogans les plus symboliques du soulèvement. Qu'«ils dégagent tous» (yetnahaw gaa), ne cible pas seulement le 5e mandat, ceux qui l'ont soutenu et ceux qui ont permis qu'il devienne un jour une option.
Cette revendication vise expressément ceux qui ont instrumentalisé le récit national au profit d'un «projet antinational», comme le démontrent deux exemples récents. Le premier remonte à la fin du 4e mandat. Une période durant laquelle les partisans de la continuité ont puisé dans le registre historique pour mobiliser autour du 5e mandat.
En effet, le passé du chef de l'Etat en tant que «moudjahid du front du Sud» est ressorti, pour compenser les registres de la «réconciliation nationale» et des «réalisations économiques», consommés ou battus en brèche. Le second exemple concerne le référentiel historique de légitimation qu'utilise l'institution militaire pour justifier son implication politique directe. Depuis le début du hirak, c'est toujours en tant qu'héritière de l'Armée de libération nationale (ALN) que le commandement de l'Armée nationale populaire (ANP) annonce ses décisions. L'histoire est convoquée pour justifier son rôle majeur dans la gestion d'une crise qui n'est pourtant pas de nature sécuritaire.
Depuis le 22 février, l'histoire se conjugue au présent et s'écrit dans la rue. Les figures emblématiques de la guerre de Libération manifestent une à deux fois par semaine. Certaines défilent, avançant d'un pas fragile ou tonitruant (Djamila Bouhired, Louisette Ighil Lahriz, Lakhdar Bouragaa avant son arrestation,…). D'autres figures sont présentes par leur pensée et leurs écrits (Ali Yahia Abdennour, Taleb Ibrahimi, Rachid Benyelles…).
D'autres encore marquent le hirak d'une empreinte symbolique, virtuelle, quasi mystique (Ali Ammar, Ramdane Abane, Mourad Didouche, Larbi Ben M'hidi, El Haoues, Amirouche,…). Les messages de l'âme ne traversent-ils pas l'espace, ne défient-ils pas le temps ? Manifestement oui. C'est leur héritage qui jaillit du plus profond de l'histoire lorsqu'au cœur des manifestations, ces cris fusent : «Aliii !!!, Aliii !!!, Aliii !!!». Ils ramènent Ali Ammar, en lui criant que «le pays est en danger» et qu'il faut «continuer la Bataille d'Alger».
Ils ressuscitent El Haoues pour dénoncer les multiples arrestations, dont celle de Lakhdar Bouregaa : «Yal Haoues, el moudjahidine fel habs !» (El Haoues, les moudjahidine sont en prison !) Lorsque les hirakistes demandent, face aux forces de l'ordre : «Hadi dawla wala istiimar ?» (Est-ce un Etat ou une puissance coloniale ?), ils rejettent la violence et refusent qu'elle soit un arbitre pour obtenir la soumission et l'humiliation.
Ces quelques illustrations montrent que le 22 février n'est pas l'expression d'une rupture entre les Algériens et leur histoire, mais une rupture entre les Algériens et ceux qui instrumentalisent l'histoire à des fins de maintien au pouvoir.
Depuis le 22 février, les Algériens qui se soulèvent portent leur histoire sur leur dos comme une douce protection ; ils l'écrivent sur des banderoles ; ils la dessinent sur des toiles et, enfin, ils la crient dans des slogans qui sortent des tripes et qui parlent au cœur. Grâce à ce liant qu'est l'histoire, le hirak n'est pas seulement un mouvement qui rassemble aujourd'hui toutes les générations, mais une osmose mystique entre les générations présentes et passées.
La génération de novembre 2019 est une fécondation de la génération de novembre 1954. C'est pourquoi les slogans du 22 février ne sont pas une remise en cause de l'histoire et de sa sacralité, mais sa valorisation et son appropriation.
Ils prolongement la sacralité du combat pour l'indépendance par la sacralité du combat pour la liberté. Depuis le 22 février, les Algériens ne se révoltent pas contre leur histoire, ils se révoltent avec elle.
Par Louisa Dris-Aït Hamadouche ,
Professeur. Faculté des sciences politiques


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