Le procès du directeur d'un des plus influents quotidiens marocains, Akhbar Al-Youm, se déroule sous des tensions et dans un climat de confusion, selon Le Monde qui a publié hier un compte-rendu. «Les semaines de procès se suivent et apportent leurs lots de rebondissements. Des vidéos ‘'dégoûtantes'' projetées à l'audience, des avocats qui claquent la porte du tribunal, des noms d'oiseaux échangés entre conseils, des femmes éplorées ou amenées de force au tribunal. Trois mois après le début du procès visant le patron de presse marocain Taoufik Bouachrine, les tensions qui entourent l'affaire ne faiblissent pas», a écrit le quotidien du soir, qui rappelle que le directeur d'Akhbar Al-Youm, connu pour ses critiques envers le pouvoir, a été arrêté le 23 février dernier. Il est accusé de «traite d'êtres humains», «abus de pouvoir à des fins sexuelles», «viol et tentative de viol», des charges que Le Monde qualifie de «très lourdes» et qui créent «la suspicion». La défense de Bouachrine crie à la «manipulation», selon le quotidien français, citant son avocat Me Mohamed Ziane qui souligne que son client «dirige un quotidien qui critique tous les centres de décision, sans exception, et c'est ça qui pourrait lui coûter cher». D'après un journaliste marocain sous l'anonymat, le directeur d'Akhbar Al-Youm est «devenu gênant pour la stratégie du Palais», estimant que «cette affaire d'agressions sexuelles est peut-être réelle, mais c'est aussi une aubaine» pour le pouvoir marocain. Une cinquantaine de vidéos «compromettantes» ont été présentées par l'accusation, dont les défenseurs de Bouachrine rejettent en bloc leur authenticité, expliquant que ce dernier n'est pas reconnaissable sur les bandes et que dans un certain nombre de cas, il se trouvait même ailleurs. Le Monde affirme que dans cette affaire, la confusion a été renforcée par les procédures enclenchées contre plusieurs femmes, citant le cas d'une jeune salariée du journal qui a été condamnée fin avril à six mois de prison pour avoir contesté le contenu de sa déposition et porté plainte pour «falsification» contre la police judiciaire. Dans cette situation de confusion, dans la nuit du jeudi 7 juin au vendredi 8, les avocats du journaliste ont décidé de se retirer de l'audience. Trois d'entre eux se sont même déchargés du dossier en raison des «dépassements flagrants que connaît le procès», rapporte le journal.