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Dans l'enfer de la guerre et de la barbarie
LES TRANCHEES DE L'IMPOSTURE DE SAID SAAD
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 06 - 2019

Saïd Saad est l'auteur d'un premier roman, Parfum d'une femme perdue, paru aux éditions Tafat en 2010. Les tranchées de l'imposture, son second roman, est un récit poignant, parfois d'une violence terrible.
Le texte est haletant, agréable à lire et se révèle une mine d'informations. Sa richesse documentaire concerne en particulier les trois dernières années de la Seconde Guerre mondiale. L'auteur s'est surtout intéressé à raconter comment se noue et se dénoue la trame de destinées d'Algériens au cours d'une période précise : de l'été 1942 à l'été 1945. Pour les Algériens sous domination coloniale, c'était des années de grande privation, de souffrance, d'horreur pour ceux qui étaient sur le front des combats, dans les tranchées... En quatrième de couverture du livre, cette première piste de lecture : «Des dizaines de milliers d'Algériens ont combattu pour la France, la puissance coloniale, durant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Ils se sont illustrés dans de nombreuses batailles, de Verdun à Monte Cassino ou lors du débarquement de Provence. Partis pour effectuer le service militaire ou enrôlés dans le cadre de la mobilisation générale, ils sont entraînés dans la guerre qu'ils découvrent dans toutes ses atrocités. Souvent envoyés en premières lignes dans les sections d'assaut, les soldats ‘‘indigènes'' paieront un tribut bien plus lourd que ceux de la Métropole. Ils vont vite découvrir l'horreur de la guerre. Dans les postes les plus exposés, ils s'habituent à voir des visages brûlés par les gaz, des corps amputés et des tranchées remplies de corps couverts de sang, d'excréments et de boue.»
Avec ce roman, Saïd Saad s'attache à transmettre l'histoire par le moyen de la littérature. L'auteur se situe en quelque sorte à la frontière de la discipline historique, mettant en scène des évènements, des épisodes marquants et tels que vécus par des personnages témoins d'une époque sombre et tragique. Justement, le roman interroge le passé pour y puiser des richesses morales et intellectuelles à faire découvrir et partager au lecteur.
Les tranchées de l'imposture raconte une suite d'épreuves par lesquelles est passé Ali, le personnage central. L'histoire d'Ali — telle que compressée sur trois années (1942 à 1945) et construite autour d'évènements majeurs — est ainsi narrée à la troisième personne. L'avantage du procédé, c'est de faire évoluer des personnages contrastés et de créer de la tension narrative, en même temps que de faciliter l'identification du lecteur. Saïd Saad a composé une sorte de trilogie où trois grands thèmes se font suite sur fond de tragédie. Le premier tableau est une description qui se veut fidèle, exacte et précise de la condition des Algériens sous domination coloniale pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus terrifiant est le deuxième volet du triptyque, cette fois consacré aux atrocités de la guerre sur le front européen. Enfin, le troisième thème a trait aux crimes coloniaux perpétrés en Algérie le lendemain même de la capitulation des Nazis le 7 mai 1945.
Les massacres du 8 mai 1945 constitue, sans doute, l'épisode le plus terrible et le plus dramatique qu'ait vécu Ali. Ici encore, la qualité picturale de ces évènements tragiques et leur impact sont favorisés, rehaussés par la richesse des détails et par la véracité des descriptions (y compris les descriptions psychologiques).
De plus, l'auteur sait ce qui motive précisément ses personnages, ce qui les rend actifs, il sait aussi construire une atmosphère et varier le rythme du récit. Et c'est grâce à cette prose vigoureuse qu'il parvient à trouver le juste équilibre entre création littéraire et faits historiques.
Ce deuxième roman est une fiction aux résonances très crédibles, et surtout maîtrisée par une écriture méthodique, précise, souple et forte. C'est un roman qui se lit vite, d'une seule traite. Mais on n'en sort pas indemne, car il s'agit d'un violent réquisitoire contre la barbarie coloniale et les horreurs de la guerre.
Le lecteur est ému de manière viscérale, il est révolté par ce qui arrive aux protagonistes dont il suit les péripéties. Les tranchées de l'imposture est une histoire construite selon une structure linéaire, précisément à partir du chapitre 2 («Sidi Bouzid, Sétif été 1942») et jusqu'au chapitre 12 («Etrange destinée d'un soldat fraîchement débarqué du front») qui clôt ce long flash-back qui conduit le lecteur à faire un saut dans le passé. Dans ces onze chapitres, c'est la bouleversante histoire d'Ali qui est racontée et dont l'auteur invite à suivre, à vivre les péripéties. L'originalité de cette œuvre romanesque, c'est de faire pénétrer le lecteur avec souplesse dans le récit, de lui expliquer certaines choses, de provoquer déjà un déclic... C'est ainsi que le chapitre d'ouverture intitulé «Aéroport d'Alger, novembre 2003» se trouve être l'élément déclencheur qui va entraîner le travail de mémoire dont la trame s'étale sur les onze chapitres suivants. Ce jour-là donc, à l'aéroport d'Alger, Ali doit prendre l'avion pour se rendre à Tébessa. A côté de l'octogénaire, un homme et sa sœur engagent la conversation. Ils vont à Tébessa pour voir leur mère, veuve, le père étant mort «à vingt-deux ans, durant la Seconde Guerre mondiale». Ali leur confie qu'il était lui-même soldat et c'était terrible. Ses compagnons de voyage précisent que leur père était mort à Colmar, en janvier 1945.
Justement, Ali se souvient de Colmar où un éclat d'obus avait failli lui faire perdre une jambe. L'homme lui montre alors une vieille photo du disparu : «C'est le portrait d'un jeune homme aux yeux clairs, plutôt beau, les cheveux coiffés en brosse, il porte une fine moustache. Ali plonge son regard dans le regard de cet homme. Des souvenirs remontent lentement à la surface...»
En cet été 1942 à Sidi Bouzid, la Aïcha fait part à sa voisine Fetouma de son projet de marier son unique enfant Ali. La voisine lui parle alors d'une belle jeune fille prénommée Meriem... La qualité picturale de cette histoire est rehaussée par les descriptions et les scènes qui se succèdent. Des personnages entrent en scène à mesure que se déroule le récit : Ali, le jeune homme de vingt ans ; Ferhat, le marchand ambulant ; Brahim, le vendeur d'herbes aromatiques ; John, «un médecin américain qui va de village en village pour soigner les malades dans le cadre de sa mission religieuse», etc.
L'auteur brosse d'autres portraits dans ce récit de vie tout au long des différents chapitres. Il livre ainsi un témoignage sérieux, émouvant sur la société traditionnelle, ses croyances, ses us et coutumes, son mode de vie et même son langage. L'évènement qui va suivre, c'est le mariage d'Ali, fêté tel qu'il se doit au village. Mais l'ambiance va aussitôt changer de façon radicale et les évènements se bousculer puis se précipiter à partir du chapitre 4.
Le lecteur découvre l'iniquité révoltante de «la responsabilité collective» telle que mise en pratique par l'administration coloniale ; il apprend comment sont «réquisitionnés», mobilisés et formés dans les casernes de l'armée française les jeunes Algériens qui sont envoyés sur le front pour servir de chair à canon. Pour Ali, par exemple, c'est «le saut dans l'inconnu» depuis son ordre d'appel sous le drapeau français. Après avoir participé au débarquement du 15 août 1944 à Saint-Tropez, Ali fait partie des troupes qui vont libérer Marseille... Il y a surtout l'enfer des combats, la guerre dans toute son horreur lors de la bataille des Vosges, la bataille de Colmar... «Fin mars 1945, les Tunisiens et les Algériens s'emparent du village de Scheibenhardt, le premier village allemand désormais sous le contrôle des Alliés. L'Armée d'Afrique vient de franchir le Rhin (...). Le 1er mai, l'Armée d'Afrique défile à Stuttgart devant le général De Lattre de Tassigny.»
Début mai 1945, Ali peut enfin rentrer en Algérie. Il débarque à Alger puis à Sétif dans «sa tenue militaire comme le veut le règlement». A Sidi Bouzid, il va se retrouver «un être errant dans son âme à la recherche des siens».
Le choc. Le cauchemar. L'apocalypse. Les images des massacres du 8 mai 1945 sont terribles. Et dire que le sergent Ali avait combattu pour la France jusqu'à sa libération. Lui, le rescapé des «tranchées de l'imposture», n'était pas au bout de ses peines...
Hocine Tamou
Saïd Saad, Les tranchées de l'imposture, éditions El Othmania, Alger 2018, 246 pages, 650 DA.


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